Jean-Marie Duguines au bureau de recrutement militaire de Quimper le 25 août 1854
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<br>- Si, si, je suis sûr qu'on te prendra en ce moment, tu vas voir ; tout à l'heure je vais te conduire au recrutement. » | <br>- Si, si, je suis sûr qu'on te prendra en ce moment, tu vas voir ; tout à l'heure je vais te conduire au recrutement. » | ||
- | Après avoir payé la goutte au vieux soldat du vieil empire, il me conduisit au bureau <ref>Le bureau de recrutement se trouvait à l'angle de la rue du Roi Gradlon et des quais (<i>RdP</i>, 15 décembre 1904, p. 852-853.</ref>. Je n'étais pas trop fier; malgré les efforts que je faisais pour me donner un air guerrier, je restais toujours timide, presque tremblant, résultat déplorable des habitudes contractées dans la mendicité et dans la basse domesticité. Heureuse¬ment, on ne me fit pas attendre longtemps, car à peine Robic avait-il dit quelques mots, qu'on me saisit par le bras pour me mener sous la toise; je savais bien que je n'avais pas la taille, et je pensais qu'on allait me refuser du premier coup. Mais non, au contraire, on me dit que je ferais un très bon soldat. Je ne savais pas encore quel soldat je serais, mais pour sûr j'étais bien content qu'on me trouvât bon pour le ser¬vice, au moment même où je voyais tant d'autres partir en pleurant, et d'autres qui allaient jusqu'à se mutiler pour se rendre impropres au service. Je n'eus plus qu'à aller chercher mon extrait de naissance, que j'apportai au bureau le soir même ; on me dit que le lendemain à dix heures, je trouverais ma feuille de route. On ne cher¬chait pas tant de formalités en ce moment-là, on ne m'avait même pas déshabillé. Puisque je trouverais ma feuille de route le lendemain, et que je serais sans doute tenu à me mettre en route de suite, j'allai ce soir-là voir mes parents pour la der¬nière fois, car hélas, je ne devais plus les revoir, du moins mon père ni ma mère'". | + | Après avoir payé la goutte au vieux soldat du vieil empire, il me conduisit au bureau <ref>Le bureau de recrutement se trouvait à l'angle de la rue du Roi Gradlon et des quais (<i>RdP</i>, 15 décembre 1904, p. 852-853.</ref>. Je n'étais pas trop fier; malgré les efforts que je faisais pour me donner un air guerrier, je restais toujours timide, presque tremblant, résultat déplorable des habitudes contractées dans la mendicité et dans la basse domesticité. Heureuse¬ment, on ne me fit pas attendre longtemps, car à peine Robic avait-il dit quelques mots, qu'on me saisit par le bras pour me mener sous la toise; je savais bien que je n'avais pas la taille, et je pensais qu'on allait me refuser du premier coup. Mais non, au contraire, on me dit que je ferais un très bon soldat. Je ne savais pas encore quel soldat je serais, mais pour sûr j'étais bien content qu'on me trouvât bon pour le ser¬vice, au moment même où je voyais tant d'autres partir en pleurant, et d'autres qui allaient jusqu'à se mutiler pour se rendre impropres au service. Je n'eus plus qu'à aller chercher mon extrait de naissance, que j'apportai au bureau le soir même ; on me dit que le lendemain à dix heures, je trouverais ma feuille de route. On ne cher¬chait pas tant de formalités en ce moment-là, on ne m'avait même pas déshabillé. Puisque je trouverais ma feuille de route le lendemain, et que je serais sans doute tenu à me mettre en route de suite, j'allai ce soir-là voir mes parents pour la der¬nière fois, car hélas, je ne devais plus les revoir, du moins mon père ni ma mère <ref>Son père, François-Marie, mourut le 29 février 1856 et sa mère, Françoise-Louise Le Quéré, le 25 janvier 1857.</ref>. |
Le lendemain matin, j'étais encore de bonne heure sur la place Saint-Corentin, où Robic m'attendait, car il avait soif. Maintenant, il s'agissait d'aller dire au maire que j'étais soldat, et qu'il me fallait partir de suite. Pendant ce temps, Robic allait se charger de trouver quelqu'un pour acheter mes effets. Sachant que le maire ne me croirait pas quand je lui dirais que je venais de m'engager, je voulus avoir ma feuille pour la lui montrer. Comme on me l'avait dit, à dix heures, ma feuille de route était prête. ]'étais incorporé au 37e de ligne alors à Lorient, où je n'avais plus que trois jours pour me rendre <ref>Forfuitement, un autre engagé d'Ergué-Gabéric a signé le même jour. Il s'agit de Jean-Marie Quiniou, aide cultivateur à Kervoréden.</ref> | Le lendemain matin, j'étais encore de bonne heure sur la place Saint-Corentin, où Robic m'attendait, car il avait soif. Maintenant, il s'agissait d'aller dire au maire que j'étais soldat, et qu'il me fallait partir de suite. Pendant ce temps, Robic allait se charger de trouver quelqu'un pour acheter mes effets. Sachant que le maire ne me croirait pas quand je lui dirais que je venais de m'engager, je voulus avoir ma feuille pour la lui montrer. Comme on me l'avait dit, à dix heures, ma feuille de route était prête. ]'étais incorporé au 37e de ligne alors à Lorient, où je n'avais plus que trois jours pour me rendre <ref>Forfuitement, un autre engagé d'Ergué-Gabéric a signé le même jour. Il s'agit de Jean-Marie Quiniou, aide cultivateur à Kervoréden.</ref> | ||
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<big>Bureau de recrutement</big> | <big>Bureau de recrutement</big> | ||
- | Registres 1827 (pour Robique) et 1854 conservés aux Archives Municipales de Quimper | + | Registres 1827 (pour Robique) et 1854 (AMQ 1 H QUI 55) |
- | <gallery caption="AMQ 1 H QUI 55" perrow=3> | + | <gallery caption="Archives municipales de Quimper" perrow=3> |
Image:DeguignetEngagement1854.jpg|folio 218 - Deguines | Image:DeguignetEngagement1854.jpg|folio 218 - Deguines | ||
Image:DeguignetEngagement1854B.jpg|- | Image:DeguignetEngagement1854B.jpg|- |
Version du 2 décembre ~ kerzu 2022 à 20:55
Après les moissons de l'été 1854, Jean-Marie Déguignet se présente comme engagé volontaire au bureau de recrutement de Quimper.
Transcription des pages du cahier manuscrit n° 5 publié en 2001 aux Éditions an Here (intégrale de ses mémoires), et des pages du registre de recrutement de Quimper (Archives Municipales de Quimper, 1H QUI 55). Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « Les 24 cahiers manuscrits de la seconde série des mémoires de Jean-Marie Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « NÉDÉLEC Thierry - Les engagés volontaires de Quimper en 1854 » ¤ |
Présentation
Transcriptions
Mémoires Pages 149-150 de l'Intégrale, et folios 21-24 du cahiers n° 5
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Bureau de recrutement Registres 1827 (pour Robique) et 1854 (AMQ 1 H QUI 55)
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Annotations
- Guerre de Crimée (1854-1856) : une coalition comprenant la Turquie, la France, la Grande¬Bretagne et le Piémont déclarèrent la guerre à la Russie. [Ref.↑]
- « Là se trouvait un vieux bonhomme attendant quelques commissions ou quelqu'un pour lui payer un verre de schnic, car il avait toujours soif li s'appelait Robic et était connu de tout le monde. C'était, comme il disait lui-même, un vieux de la vieille: il était à Waterloo et avait vu mourir la garde.» (RdP, 15 décembre 1904, p. 852). [Ref.↑]
- Le bureau de recrutement se trouvait à l'angle de la rue du Roi Gradlon et des quais (RdP, 15 décembre 1904, p. 852-853. [Ref.↑]
- Son père, François-Marie, mourut le 29 février 1856 et sa mère, Françoise-Louise Le Quéré, le 25 janvier 1857. [Ref.↑]
- Forfuitement, un autre engagé d'Ergué-Gabéric a signé le même jour. Il s'agit de Jean-Marie Quiniou, aide cultivateur à Kervoréden. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Mars 2022 Dernière modification : 2.12.2022 Avancement : [Développé] |