Les blessures de Jean-Marie Déguignet et de Clément VI
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- | Autres lectures : {{Tpg|F. Enigmes à élucider (ex site .org)}}{{Tpg|Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un paysan bas-breton (Revue de Paris)}}{{Tpg|ISTIN Jean - Le moulin de Meil Poul}}<br><br> | + | Autres lectures : {{Tpg|F. Enigmes à élucider - archive Norbert Bernard 2005}}{{Tpg|Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton}}{{Tpg|DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un paysan bas-breton (Revue de Paris)}}{{Tpg|ISTIN Jean - Le moulin de Meil Poul}}<br><br> |
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Il attribue sa capacité de mémoire à cette blessure, et se compare au 4e pape d'Avignon, Clément VI (1291-1352) <ref name=ClementVI>{{PR-ClementVI}}</ref> : « <i>J’ai vu dans l’histoire qu’un de nos papes, Clément VI, eut le même accident, et, par cette raison, il eut, dit-on, un esprit extraordinaire</i> ». | Il attribue sa capacité de mémoire à cette blessure, et se compare au 4e pape d'Avignon, Clément VI (1291-1352) <ref name=ClementVI>{{PR-ClementVI}}</ref> : « <i>J’ai vu dans l’histoire qu’un de nos papes, Clément VI, eut le même accident, et, par cette raison, il eut, dit-on, un esprit extraordinaire</i> ». | ||
- | Ce fait divers n'est pas relaté dans les biographies de Clément VI <ref name=ClementVI>{{PR-ClementVI}}</ref> et restait pour nous une énigme. Jusqu'au jour où un érudit lecteur du GrandTerrier ne lise le livre Sophisme du philosophe Jean Buridan <ref name=JeanBuridan>{{PR-Buridan}}</ref>, dans une édition commentée de Joël Biard, et qu'il consulte le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France de 1875. On y découvre là cette double rencontre entre un théologien-pape et un philosophe instigateur du scepticisme religieux. | + | Ce fait divers n'est pas relaté dans les biographies de Clément VI <ref name=ClementVI>{{PR-ClementVI}}</ref> et restait pour nous une énigme. Jusqu'au jour où un érudit lecteur du GrandTerrier ne découvre le livre « <i>Sophisme</i> » du philosophe Jean Buridan <ref name=JeanBuridan>{{PR-Buridan}}</ref>, dans une édition commentée de Joël Biard, et consulte le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France de 1875. On y découvre là un échange entre un pape diplomate et fastueux et un philosophe sceptique évoquant leurs errements de jeunesse et cette blessure rocambolesque. |
- | L'histoire peut se résumer par un dialogue en latin lors d'une visite du pape à Paris recevant une liste d'universitaires parisiens « <i>proposés pour des bénéfices</i> ». Le pape demanda : | + | L'histoire peut se résumer par un dialogue en latin lors d'une visite du pape à Paris recevant une liste d'universitaires parisiens « <i>proposés pour des bénéfices</i> ». Le pape interrogea son entourage : |
*« Où est donc mon ami Buridan ? » (<i>Ubi est amicus meus Buridanus</i>) | *« Où est donc mon ami Buridan ? » (<i>Ubi est amicus meus Buridanus</i>) | ||
Ses conseillers lui dirent : | Ses conseillers lui dirent : | ||
*« Père, il s’est inscrit le dernier par humilité devant votre Sainteté » (<i>Pater, ipse posuit se in ultimo in humilitate ad vos</i>) | *« Père, il s’est inscrit le dernier par humilité devant votre Sainteté » (<i>Pater, ipse posuit se in ultimo in humilitate ad vos</i>) | ||
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Et il leur répondit : | Et il leur répondit : | ||
*« Laissez-le venir à nous à Avignon » (<i>Veniat ad nos in Avinionem</i>). | *« Laissez-le venir à nous à Avignon » (<i>Veniat ad nos in Avinionem</i>). | ||
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- | Quand Jean Buridan <ref name=JeanBuridan>{{PR-Buridan}}</ref> se présenta, le pape lui dit : | + | |width=48% valign=top {{jtfy}}| |
+ | Quand Jean Buridan <ref name=JeanBuridan>{{PR-Buridan}}</ref> se présenta, le pape lui demanda : | ||
*« Pourquoi as-tu frappé le pape ? » (<i>Tu quare percussisti papam</i>). | *« Pourquoi as-tu frappé le pape ? » (<i>Tu quare percussisti papam</i>). | ||
- | Le philosophe répondit : | + | Le philosophe répondit par cette formule : |
*« Mon Père, j’ai frappé un pape, mais je n’ai pas frappé le pape (<i>Pater, papam percussi, sed non percussi papam)</i> ». | *« Mon Père, j’ai frappé un pape, mais je n’ai pas frappé le pape (<i>Pater, papam percussi, sed non percussi papam)</i> ». | ||
Buridan prétend en fait l'avoir frappé ''avant'' qu'il ne soit pape, il s'appelait encore Pierre Roger, et il était un de ses jeunes condisciples à l'Université de Paris. Les deux hommes se seraient disputés les faveurs d'une jeune femme, et Buridan aurait frappé violemment le futur pape à la tête. Celui-ci, « <i>perdant tout son sang, en aurait eu le cerveau purgé, et aurait de ce fait acquis une fabuleuse mémoire</i> ». | Buridan prétend en fait l'avoir frappé ''avant'' qu'il ne soit pape, il s'appelait encore Pierre Roger, et il était un de ses jeunes condisciples à l'Université de Paris. Les deux hommes se seraient disputés les faveurs d'une jeune femme, et Buridan aurait frappé violemment le futur pape à la tête. Celui-ci, « <i>perdant tout son sang, en aurait eu le cerveau purgé, et aurait de ce fait acquis une fabuleuse mémoire</i> ». | ||
- | Cette anecdote montre que la vie des jeunes étudiants, même appelées à être archevêque et pape, pouvait être un peu frivole en ce début du 14e siècle. L'histoire est relatée dans une lettre rédigée en latin (cf texte ci-après) par Henri de Kalkar en 1406 à l'attention d'un moine chartreux de Mayence. | + | Cette anecdote montre que la vie des jeunes étudiants, même appelés à être archevêque et pape, pouvait être un peu frivole en ce début du 14e siècle. L'histoire est relatée dans une lettre rédigée en latin (cf texte ci-après) par Henri de Kalkar en 1406 à l'attention d'un moine chartreux de Mayence. |
- | La revue de la Société d'Histoire de Paris précise que l'histoire de la blessure de jeunesse de Clément VI était connue du temps de son vivant, via sans doutes des lettres du poète italien Pétrarque, lequel était proche du pape. Avis aux amateurs pour retrouver la correspondance en question ! | + | La revue de la Société d'Histoire de Paris précise que l'histoire de la blessure de jeunesse de Clément VI était connue du temps de son vivant, via une lettre du poète italien François Pétrarque, lequel était proche du pape. |
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+ | Il s'agit en l’occurrence de « <i>Rerum memorandarum Libri I</i> » qui relate le fait que Sa Sainteté reçut cette mémoire si extraordinaire qui lui vint d'une blessure qu'il avait reçue à la tête et dont il garda la cicatrice, ceci pour lui, la ville de Paris et l'univers entier : « <i>Clemens VI nunc Romulei gregis pastor tam potentis, & invictae memorioe traditur, ut quidquid vel semel legerit oblivisci etiamsi cupiat non possit. Hoc sibi, & studiorum nutrìx Parisius, & orbis universus tribuit</i> ». | ||
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<br>Sicque injunxit sibi pro paenitencia sociali quod legeret semper Parisius et praesentiam haberet seu absentiam suorum beneficiorum. | <br>Sicque injunxit sibi pro paenitencia sociali quod legeret semper Parisius et praesentiam haberet seu absentiam suorum beneficiorum. | ||
<br>Et sic fecit. Vovit Deo intrare ordinem nostrum, scilicet Carthusiensem, si supervixisset modicum, sed obiit ante. | <br>Et sic fecit. Vovit Deo intrare ordinem nostrum, scilicet Carthusiensem, si supervixisset modicum, sed obiit ante. | ||
- | <br>VaIe semper in Christo. Scriptum 1406, post Penthecosten. | + | <br>Vale semper in Christo. Scriptum 1406, post Penthecosten. |
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+ | « <i>Singularités historiques et littéraires contenant plusieurs recherches, découvertes & éclaircissement sur un grand nombre de difficultés de l'Histoire ancienne & moderne : Ouvrage historique et critique - volume 3 - Jean Liron, 1739</i> » | ||
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+ | Clemens VI nunc Romulei gregis pastor tam potentis, & invictae memorioe traditur, ut quidquid vel semel legerit oblivisci etiamsi cupiat non possit. Hoc sibi,& studiorum nutrìx Parisius, & orbis universus tribuit. | ||
+ | Sa Sainteté Clément VI reçut cette mémoire si extraordinaire qui lui vint à ce que l'on prétend d'une blessure qu'il avoit reçue à la tête dont il garda la cicatrice. Ceci pour lui, la ville de Paris et l'Univers entier. | ||
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Version actuelle
| Dans ses mémoires, Jean-Marie Déguignet évoque les suites d'une piqure d'abeille à l'âge de 5 ans qu'il compare à une blessure à la tête de Clément VI au 13e siècle qui aurait eu les mêmes effets.
Nous avons enquêté pour savoir s'il dit vrai ! |
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Autres lectures : « F. Enigmes à élucider - archive Norbert Bernard 2005 » ¤ « Les séjours de Jean-Marie Déguignet à l'hospice de Quimper » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un paysan bas-breton (Revue de Paris) » ¤ « ISTIN Jean - Le moulin de Meil Poul » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Jean-Marie Déguignet, qui n'avait que cinq ans et qui habitait avec ses parents dans un penn-ty à Quélennec en Ergué-Gabéric, se fit une plaie profonde à la tempe gauche, alors qu'il était pourchassé par un essaim d'abeilles près du Moulin du Poul. Il attribue sa capacité de mémoire à cette blessure, et se compare au 4e pape d'Avignon, Clément VI (1291-1352) Ce fait divers n'est pas relaté dans les biographies de Clément VI L'histoire peut se résumer par un dialogue en latin lors d'une visite du pape à Paris recevant une liste d'universitaires parisiens « proposés pour des bénéfices ». Le pape interrogea son entourage :
Ses conseillers lui dirent :
Et il leur répondit :
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Quand Jean Buridan
Le philosophe répondit par cette formule :
Buridan prétend en fait l'avoir frappé avant qu'il ne soit pape, il s'appelait encore Pierre Roger, et il était un de ses jeunes condisciples à l'Université de Paris. Les deux hommes se seraient disputés les faveurs d'une jeune femme, et Buridan aurait frappé violemment le futur pape à la tête. Celui-ci, « perdant tout son sang, en aurait eu le cerveau purgé, et aurait de ce fait acquis une fabuleuse mémoire ». Cette anecdote montre que la vie des jeunes étudiants, même appelés à être archevêque et pape, pouvait être un peu frivole en ce début du 14e siècle. L'histoire est relatée dans une lettre rédigée en latin (cf texte ci-après) par Henri de Kalkar en 1406 à l'attention d'un moine chartreux de Mayence. La revue de la Société d'Histoire de Paris précise que l'histoire de la blessure de jeunesse de Clément VI était connue du temps de son vivant, via une lettre du poète italien François Pétrarque, lequel était proche du pape. Il s'agit en l’occurrence de « Rerum memorandarum Libri I » qui relate le fait que Sa Sainteté reçut cette mémoire si extraordinaire qui lui vint d'une blessure qu'il avait reçue à la tête et dont il garda la cicatrice, ceci pour lui, la ville de Paris et l'univers entier : « Clemens VI nunc Romulei gregis pastor tam potentis, & invictae memorioe traditur, ut quidquid vel semel legerit oblivisci etiamsi cupiat non possit. Hoc sibi, & studiorum nutrìx Parisius, & orbis universus tribuit ». |
[modifier] 2 Textes des mémoires
Mémoires éditées en 1998-2001 :
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Mémoires éditées par la Revue de Paris en 1905 :
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[modifier] 3 Sources documentaires
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Lettre d'Henro de Krakkar 1406.
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« Singularités historiques et littéraires contenant plusieurs recherches, découvertes & éclaircissement sur un grand nombre de difficultés de l'Histoire ancienne & moderne : Ouvrage historique et critique - volume 3 - Jean Liron, 1739 »
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[modifier] 4 Annotations
- Pierre Roger (1291-1352), né en Corrèze et mort à Avignon, est le 198e pape sous le nom de Clément VI. Il est aussi le 4e pape d'Avignon. Il était à l’opposé de son précesseur l’ascétique Benoît XII et son règne fastueux allait le faire surnommer Clément VI le Magnifique. Il le démontra dès le 19 mai 1342, jour de son couronnement qui fut plus que somptueux. Excellent diplomate, Clément VI était de plus doublé d’un galant homme. Protecteur des juifs durant la Peste Noire, il rendit publique, deux bulles papales dont celle du 6 juillet 1348 et celle de septembre dans laquelle il annonçait qu’il prenait sous sa protection les juifs, menaçant d’excommunication ceux qui les maltraiteraient. [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2]
- Jean Buridan, en latin Joannes Buridanus (1292 - 1363), philosophe français, docteur scolastique, fut l'instigateur du scepticisme religieux en Europe. Il fut, en Occident, le redécouvreur de la théorie de l'impetus, vers 1340. Son nom est plus fréquemment connu pour l'expérience de pensée dite de l'âne de Buridan. Une légende, propagée jusqu'au XXIe siècle par la Ballade des dames du temps jadis de François Villon, l'associe à tort à l'affaire de la tour de Nesle. [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Décembre 2013 Dernière modification : 31.01.2015 Avancement : [Développé] |