Déguignet invective le jésuite Ernest Renan en l'opposant au protestant David Strauss
Un article de GrandTerrier.
Version du 10 juillet ~ gouere 2016 à 06:08 (modifier) GdTerrier (Discuter | contributions) ← Différence précédente |
Version du 10 juillet ~ gouere 2016 à 06:37 (modifier) (undo) GdTerrier (Discuter | contributions) Différence suivante → |
||
Ligne 17: | Ligne 17: | ||
Quand « <i>La vie de Jésus</i> » d'Ernest Renan est publiée en 1863, cela provoque un véritable scandale. Il ose soutenir que la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et que la Bible doit être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Le pape Pie IX, très affecté, le traite de « <i>blasphémateur européen</i> », et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprima son cours. Mais la posture de Renan n'est pas suffisante pour l'anti-clérical Jean-Marie Déguignet qui entreprend de le critiquer violemment. | Quand « <i>La vie de Jésus</i> » d'Ernest Renan est publiée en 1863, cela provoque un véritable scandale. Il ose soutenir que la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et que la Bible doit être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Le pape Pie IX, très affecté, le traite de « <i>blasphémateur européen</i> », et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprima son cours. Mais la posture de Renan n'est pas suffisante pour l'anti-clérical Jean-Marie Déguignet qui entreprend de le critiquer violemment. | ||
- | [[Image:Ihs-logo.svg|80px|left]]Déguignet lui donnait le qualificatif de « <i>petit jésuite breton</i> ». Il a certes baigné dans les milieux jésuistiques, formé au séminaire de St-Sulpice à Paris, mais il essaie d'échapper à cette emprise. Dans son essai «<i>L'Avenir de la science, Pensées de 1848</i> » Renan a lui- même écrit : « <i>Les Jésuites ont fait de l'éducation une machine à rétrécir les têtes et à aplatir les esprits</i> ». | + | [[Image:Ihs-logo.svg|80px|left]]Déguignet le qualifiait de « <i>petit jésuite breton</i> » ou de « <i>jésuite défroqué</i> ». Renan a certes baigné dans les milieux jésuistiques, formé notamment au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et ensuite celui de St-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux (et non l'église parisienne à l'architecture dite jésuite). Mais dans son essai "L'Avenir de la science, Pensées de 1848", il écrira lui-même : « <i>Les Jésuites ont fait de l'éducation une machine à rétrécir les têtes et à aplatir les esprits, selon l'expression de M. Michelet</i> ». |
- | Mais Déguignet ne le voit pas ainsi, et par cet exemple il veut démontrer que Renan est Jésuite, prêt à tenir habilement deux thèses contradictoires : « <i>Quand il eut fini de rouler ses lecteurs avec son Jésus nouveau modèle, il leur a dit comment que ce fameux Jésus de Nazareth n'a jamais existé et pour combler la mesure de la moquerie il termine en disant : « À moins qu'on en trouve la preuve dans l'Épître de Paul aux Hébreux et dans l'Apocalypse. » Ça, c'est leur dire, voilà mes pauvres ignorants comment les jésuistes froqués ou défroqués savent rouleur les imbéciles avec rien du tout.</i> » | + | Mais Déguignet ne le voit pas ainsi, et il veut démontrer que Renan est Jésuite, prêt à tenir habilement deux thèses contradictoires : « <i>Quand il eut fini de rouler ses lecteurs avec son Jésus nouveau modèle, il leur a dit comment que ce fameux Jésus de Nazareth n'a jamais existé et pour combler la mesure de la moquerie il termine en disant : « À moins qu'on en trouve la preuve dans l'Épître de Paul aux Hébreux et dans l'Apocalypse. » Ça, c'est leur dire, voilà mes pauvres ignorants comment les jésuistes froqués ou défroqués savent rouleur les imbéciles avec rien du tout.</i> » |
Et donc la thèse de Déguignet est que Renan ne va pas assez loin dans son analyse de la mythologie chrétienne et qu'il exclut les évangiles apocryphes : « <i>... comme le Protévangile de Jacques, l’Évangile de Thomas | Et donc la thèse de Déguignet est que Renan ne va pas assez loin dans son analyse de la mythologie chrétienne et qu'il exclut les évangiles apocryphes : « <i>... comme le Protévangile de Jacques, l’Évangile de Thomas | ||
Ligne 29: | Ligne 29: | ||
[[Image:ErnestRenanGil.jpg|400px|center]] | [[Image:ErnestRenanGil.jpg|400px|center]] | ||
- | Par contre Déguignet n'a rien à dire contre « <i>La Vie de Jésus</i> » du protestant alllemand Davis Strauss (1808-1874) ... | + | Par contre Déguignet n'a rien à dire contre « <i>La Vie de Jésus</i> » du protestant alllemand Davis Strauss (1808-1874) : « <i>une vie beaucoup plus véridique ou du moins plus conforme aux récits évangéliques</i> » qui présente comment le personnage du nouveau testament est bâti exclusivement sur des mythes. |
- | Bio de Strauss | + | Ernest Renan avait également lu cette somme : « <i>La critique de détail des textes évangéliques, en particulier, a été faite par M. Strauss d'une manière qui laisse peu à désirer. Bien que M. Strauss se soit trompé dans sa théorie sur la rédaction des évangiles, et que son livre ait, selon moi, le tort de se tenir beaucoup trop sur le terrain théologique et trop peu sur le terrain historique.</i> » |
+ | |||
+ | Le livre de Strauss a scandalisé son époque en montrant un Jésus historique et non divin et par sa vision des évangiles comme récit inconscient des premières communautés chrétiennes. Après la publication de cet ouvrage, David Strauss fut révoqué et vécut désormais comme professeur de lycée et homme de lettres dans sa ville natale de Ludwigsbourg. | ||
|} | |} | ||
Version du 10 juillet ~ gouere 2016 à 06:37
Comment expliquer les multiples attaques du paysan bas-breton contre la Vie de Jésus de son compatriote breton Ernest Renan, alors que l’œuvre similaire du théologien allemand David Strauss lui semble intellectuellement juste et utile ?
Autres lectures : « DÉGUIGNET Jean-Marie - Jésus, fils aîné de Marie-Joachim » ¤ « Cahier de notes sur la "Vie de Jésus" d'Ernest Renan » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ |
1 Présentation
Quand « La vie de Jésus » d'Ernest Renan est publiée en 1863, cela provoque un véritable scandale. Il ose soutenir que la biographie de Jésus doit être comprise comme celle de n'importe quel autre homme, et que la Bible doit être soumise à un examen critique comme n'importe quel autre document historique. Le pape Pie IX, très affecté, le traite de « blasphémateur européen », et en 1864, le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy supprima son cours. Mais la posture de Renan n'est pas suffisante pour l'anti-clérical Jean-Marie Déguignet qui entreprend de le critiquer violemment. Déguignet le qualifiait de « petit jésuite breton » ou de « jésuite défroqué ». Renan a certes baigné dans les milieux jésuistiques, formé notamment au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet et ensuite celui de St-Sulpice d'Issy-les-Moulineaux (et non l'église parisienne à l'architecture dite jésuite). Mais dans son essai "L'Avenir de la science, Pensées de 1848", il écrira lui-même : « Les Jésuites ont fait de l'éducation une machine à rétrécir les têtes et à aplatir les esprits, selon l'expression de M. Michelet ».Mais Déguignet ne le voit pas ainsi, et il veut démontrer que Renan est Jésuite, prêt à tenir habilement deux thèses contradictoires : « Quand il eut fini de rouler ses lecteurs avec son Jésus nouveau modèle, il leur a dit comment que ce fameux Jésus de Nazareth n'a jamais existé et pour combler la mesure de la moquerie il termine en disant : « À moins qu'on en trouve la preuve dans l'Épître de Paul aux Hébreux et dans l'Apocalypse. » Ça, c'est leur dire, voilà mes pauvres ignorants comment les jésuistes froqués ou défroqués savent rouleur les imbéciles avec rien du tout. » Et donc la thèse de Déguignet est que Renan ne va pas assez loin dans son analyse de la mythologie chrétienne et qu'il exclut les évangiles apocryphes : « ... comme le Protévangile de Jacques, l’Évangile de Thomas l’Israélite. Cet évangile diffère tant des synoptiques, ... Si Jésus parlait comme le veut Mathieu, il n’a pu parler comme le veut Jean. » Et que sa « Vie de Jesus » n'est qu'un énième évangile qui le présente comme un héros : « Après l'avoir porté aux "plus hauts des sommets", Renan va jusqu'à dire que c'était un bel homme et un joli garçon ». |
Par contre Déguignet n'a rien à dire contre « La Vie de Jésus » du protestant alllemand Davis Strauss (1808-1874) : « une vie beaucoup plus véridique ou du moins plus conforme aux récits évangéliques » qui présente comment le personnage du nouveau testament est bâti exclusivement sur des mythes. Ernest Renan avait également lu cette somme : « La critique de détail des textes évangéliques, en particulier, a été faite par M. Strauss d'une manière qui laisse peu à désirer. Bien que M. Strauss se soit trompé dans sa théorie sur la rédaction des évangiles, et que son livre ait, selon moi, le tort de se tenir beaucoup trop sur le terrain théologique et trop peu sur le terrain historique. » Le livre de Strauss a scandalisé son époque en montrant un Jésus historique et non divin et par sa vision des évangiles comme récit inconscient des premières communautés chrétiennes. Après la publication de cet ouvrage, David Strauss fut révoqué et vécut désormais comme professeur de lycée et homme de lettres dans sa ville natale de Ludwigsbourg. |
2 Citations
Les textes transcrits ci-dessous contiennent des paragraphes ( § ) non déployés. Vous pouvez les afficher en un seul clic : § Tout montrer/cacher
Page 277 de l'Intégrale
Page 204 de l'Intégrale
Page 619 de l'Intégrale
Page 3 des Notes sur la Vie de Jésus
Page 5 des Notes sur la Vie de Jésus
|
Page 17 des Notes sur la Vie de Jésus
Page 316 de l'Intégrale
Pages 9-10 du Jésus, fils aîné de Marie-Joachim
|
3 Annotations
Certaines références peuvent être cachées ci-dessus dans des paragraphes ( § ) non déployés. Cliquer pour les afficher : § Tout montrer/cacher
- Les Misérables de Victor Hugo ont été publiés en 1862. [Ref.↑]
- L'Histoire des Origines du Christianisme, dont la « Vie de Jésus », a été publiée en 1863. [Ref.↑]
- Badinquet est le surnom de Napoléon III. [Ref.↑]
- François-René de Châteaubriand (1768-1848) : écrivain natif de St-Malo, auteur entre autres du Génie du Christianisme (1802). [Ref.↑]
- Félicité de La Mennais (1782-1854) : théologien natif de St-Malo, auteur d'un Essai sur l'indifférence en matière de religion et de Paroles d'un croyant (1854). Fondateur du christianisme libéral, il est désavoué par le pape et se sépare de l'Église. [Ref.↑]
- Dans sa Vie de Jésus, David Strauss (1808-1874), théologien protestant originaire du Wurtemberg, considère l'histoire évangélique comme un véritable mythe. [Ref.↑]
- Avesta : ensemble des livres sacrés ou gloses (Zend) des anciens Perses, qui, postérieures aux Gatha (poèmes sanskrits), réformèrent les principes du zoroastrime (religion non-biblique monothéiste où Ahura Mazdâ est seul responsable de l'ordonnancement du chaos initial, le créateur du ciel et de la Terre). [Ref.↑]
- Justin (M Junianus Iustinus) : historien latin du IIe siècle, auteur d'une Histoire universelle, abrégée des Histoires philippiques de Trogue. [Ref.↑]
- Saint Clément d'Alexandrie (Titus Flavius Clemens) : Père de l'Église (v. 150-v. 215), auteur de Le Proteptique, Le Pédagogue et Les Stromates. [Ref.↑]
- Tertullien : avocat, puis prêtre carthaginois (155-220), auteur de l'Apologétique [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Juillet 2016 Dernière modification : 10.07.2016 Avancement : [Développé] |