Les sagesses antiques de Jean-Marie Déguignet et de Michel Onfray
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- | Jean-Marie Déguignet, autodictate à tous points de vue, s'est beaucoup documenté sur les philosophes antiques, avec motivation de comprendre quelles étaient les origines du Christianisme. Et on retrouve donc, surtout dans la dernière partie de ses mémoires, des citations et propos qu'il élaborait grâce à ses lectures à la bibliothèque municipale de Quimper, car il ne possédait personnellement aucun livre. | + | Jean-Marie Déguignet, autodidacte à tous points de vue, s'est beaucoup documenté sur les philosophes antiques, avec motivation de comprendre quelles étaient les origines du Christianisme. Et on retrouve donc, surtout dans la dernière partie de ses mémoires, des citations et propos qu'il élaborait grâce à ses lectures à la bibliothèque municipale de Quimper, car il ne possédait personnellement aucun livre. |
Parmi ses références, on note essentiellement trois sources : la somme « <i>L'origine de tous les cultes</i> » de Charles-François Dupuis <ref name=Dupuis>« <i>L'origine de tous les cultes, ou la religion universelle</i> » de Charles-François Dupuis : Platon appelle le soleil également le fils de Dieu qu'il a engendré semblable à lui pour habiter parmi nous et pour tenir dans le monde visible le même rang que Dieu tient dans l'ordre invisible à la tête duquel est le Dieu père ou principe souverainement bon. Platon, dit Macrobe (philosophe fondateur du néoplatonisme), voulant parler du premier principe invisible à l’œil, incompréhensible à la raison, ne trouve point d'image plus parfaite du premier être que le soleil qui éclaire le monde visible, et il nous représente Dieu et son <i>logos</i> ou son intelligence souveraine placée au-dessus de la Nature. </ref>, la traduction française du manuel d'Epictète par André Dacier <ref name=Dacier>André Dacier (1651-1722) : philologue français, traducteur de nombreux auteurs grecs, connu notamment par son "Nouveau manuel d'Epictète".</ref>, et la revue « <i>Littérateur universel</i> » de 1836 où il trouve des écrits de l’helléniste Paul-Louis Courier <ref name=Courier>Paul-Louis Courier (1772-1825), s'est distingué à la fois comme helléniste et comme écrivain politique. Cité dans le « <i>Littérateur universel </i> » de 1836 : « <i>on ne connaissait point alors nos tonneaux, les cruches en tenaient lieu ; partout où vos traducteurs disent un tonneau, entendez un cruche. C'était une cruche qu'habitait Diogène.</i> ».</ref>. | Parmi ses références, on note essentiellement trois sources : la somme « <i>L'origine de tous les cultes</i> » de Charles-François Dupuis <ref name=Dupuis>« <i>L'origine de tous les cultes, ou la religion universelle</i> » de Charles-François Dupuis : Platon appelle le soleil également le fils de Dieu qu'il a engendré semblable à lui pour habiter parmi nous et pour tenir dans le monde visible le même rang que Dieu tient dans l'ordre invisible à la tête duquel est le Dieu père ou principe souverainement bon. Platon, dit Macrobe (philosophe fondateur du néoplatonisme), voulant parler du premier principe invisible à l’œil, incompréhensible à la raison, ne trouve point d'image plus parfaite du premier être que le soleil qui éclaire le monde visible, et il nous représente Dieu et son <i>logos</i> ou son intelligence souveraine placée au-dessus de la Nature. </ref>, la traduction française du manuel d'Epictète par André Dacier <ref name=Dacier>André Dacier (1651-1722) : philologue français, traducteur de nombreux auteurs grecs, connu notamment par son "Nouveau manuel d'Epictète".</ref>, et la revue « <i>Littérateur universel</i> » de 1836 où il trouve des écrits de l’helléniste Paul-Louis Courier <ref name=Courier>Paul-Louis Courier (1772-1825), s'est distingué à la fois comme helléniste et comme écrivain politique. Cité dans le « <i>Littérateur universel </i> » de 1836 : « <i>on ne connaissait point alors nos tonneaux, les cruches en tenaient lieu ; partout où vos traducteurs disent un tonneau, entendez un cruche. C'était une cruche qu'habitait Diogène.</i> ».</ref>. | ||
- | Socrate est souvent cité par Déguignet n'évoque que sa mort et très peu la spécificité de sa pensée : « <i>ce peuple ignorant, abruti par les prêtres, l'injuria, l'insulta et le fit arrêter et conduire en prison et força les sénateurs, du reste aussi ignorants que lui, à condamner ce grand homme à mort, le plus grand que la Grèce ait jamais eu.</i> ». | + | Socrate est souvent cité par Déguignet n'évoque que sa mort et très peu la spécificité de sa pensée : « <i>ce peuple ignorant, abruti par les prêtres, l'injuria, l'insulta et le fit arrêter et conduire en prison et força les sénateurs, du reste aussi ignorants que lui, à condamner ce grand homme à mort, le plus grand que la Grèce ait jamais eu</i> ». |
- | Par contre, il se sent un peu plus en phase avec le romain de langue grecque Epictète <ref name=Epictete>Epictète (50-125 ou 130) ; philosophe latin de langue grecque, un des principaux représentants du stoïcisme latin.</ref>: « <i>Epictète disait : "Que suis-je moi ? Un petit homme très malheureux ...". Tu parlais bien, mon vieux philosophe. </i> ». Mais il trouve tout de même qu'Epictète « <i>chez qui on trouve toutes les maximes attribuées à Jésus, disait aussi à ses disciples qu'il fallait supporter tout avec résignation et stoïcisme.</i> ». | + | Par contre, il se sent un peu plus en phase avec le romain de langue grecque Epictète <ref name=Epictete>Epictète (50-125 ou 130) ; philosophe latin de langue grecque, un des principaux représentants du stoïcisme latin.</ref>: « <i>Epictète disait : "Que suis-je moi ? Un petit homme très malheureux ...". Tu parlais bien, mon vieux philosophe. </i> ». Mais il trouve tout de même qu'Epictète « <i>chez qui on trouve toutes les maximes attribuées à Jésus, disait aussi à ses disciples qu'il fallait supporter tout avec résignation et stoïcisme</i> ». |
Malgré tout, le paysan bas-breton assume son choix : « <i>Je suis un philosophe stoïcien, plus stoïcien sans doute qu'aucun de ceux qui se donnaient ce nom au temps de Diogène et d'Epictète</i> ». | Malgré tout, le paysan bas-breton assume son choix : « <i>Je suis un philosophe stoïcien, plus stoïcien sans doute qu'aucun de ceux qui se donnaient ce nom au temps de Diogène et d'Epictète</i> ». | ||
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- | Quant à Diogène le Sinoppe, Jean-Marie Déguignet fait lui-même le parallèle sa situation de condamné à vivre ses dernières années dans un trou à rats de Poul-Raniguet en 'Ergué-Armel : « <i>Tant ma misère est grande en ce moment dans mon trou, plus petit que le tonneau de Diogène, sans feu, sans lit, sans vêtements et souvent sans pain et sans le sou</i> ». | + | Quant à Diogène le Sinoppe, Jean-Marie Déguignet fait lui-même le parallèle sa propre situation : « <i>Tant ma misère est grande en ce moment dans mon trou, plus petit que le tonneau de Diogène, sans feu, sans lit, sans vêtements et souvent sans pain et sans le sou</i> ». |
- | Du point de vue des idées, il semble que Lucrèce et son célèbre "De Natura rerum " ont le plus influencé Déguignet,: <i>ils n'auraient eu qu'à consulter le poème De la Nature, à défaut de leur science et de leur pauvreté intellectuelle</i> » ; « <i>E tenebris tantis tam clarun extollere lumen qui primus postuiti, inlustrans commoda viate</i> ». | + | Du point de vue des idées, il semble que Lucrèce et son célèbre "De Natura rerum " ont le plus influencé Déguignet : « <i>ils n'auraient eu qu'à consulter le poème De la Nature, à défaut de leur science et de leur pauvreté intellectuelle</i> » ; « <i>E tenebris tantis tam clarun extollere lumen qui primus postuiti, inlustrans commoda viate</i> ». |
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- | Lucrèce <ref>Lucrèce définit l'âme comme un composé atomique d'une espèce particulière incapable d'exister hors du corps, ce qui le rapprocherait de la doctrine de la métemphsychose.</ref> et Pythagore <ref>Pythagore croyait à la réincarnation de l'âme et prétendait avoir été successivement Aethalide (fils d'Hermès), Euphorbe, Hermotime et Pyrrhos.</ref> dans la métempsychose <ref>Métempsychose ou métempsycose, s.f. : passage, transvasement d'une âme dans un autre corps, qu'elle va animer. Le métempsycosisme est la croyance selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps soit d'humains soit d'animaux, ainsi que de végétaux. Source : Wikipedia.</ref> | + | Lucrèce <ref>Lucrèce définit l'âme comme un composé atomique d'une espèce particulière incapable d'exister hors du corps, ce qui le rapprocherait de la doctrine de la métemphsychose.</ref> et Pythagore <ref>Pythagore croyait à la réincarnation de l'âme et prétendait avoir été successivement Aethalide (fils d'Hermès), Euphorbe, Hermotime et Pyrrhos.</ref> dans la métempsychose <ref name="Métempsychose">{{K-Métempsychose}}</ref> |
<br>Prétendent que l'âme est aussi quelque chose | <br>Prétendent que l'âme est aussi quelque chose | ||
<br>Qui passe et repasse de l'homme au végétal | <br>Qui passe et repasse de l'homme au végétal |
Version actuelle
Le nombre des auteurs antiques cités par Jean-Marie Déguignet dans la dernière partie de son livre des « Mémoires d'un paysan bas-breton » est remarquable pour un ancien illettré : Epictète (13), Socrate (12), Lucrèce (8), Diogène (8), Platon (3), Epicure (1), Pythagore (1). Dans l'édition de 2001, ce n'est pas un hasard si le titre choisi pour cette période de 1901 à 1905 est « Le Diogène quimpérois ». Celui qui osait se présenter ainsi : « Je suis un philosophe stoïcien, plus stoïcien sans doute qu'aucun de ceux qui se donnaient ce nom au temps de Diogène et d'Epictète ». Il nous semble intéressant de faire un parallèle avec un philosophe d'aujourd'hui, Michel Onfray, dont les premières conférences « Les sagesses antiques » ont été publiées chez Grasset en 2006. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Mémoires d'un Paysan Bas-Breton » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ |
1 Présentation
Jean-Marie Déguignet, autodidacte à tous points de vue, s'est beaucoup documenté sur les philosophes antiques, avec motivation de comprendre quelles étaient les origines du Christianisme. Et on retrouve donc, surtout dans la dernière partie de ses mémoires, des citations et propos qu'il élaborait grâce à ses lectures à la bibliothèque municipale de Quimper, car il ne possédait personnellement aucun livre. Parmi ses références, on note essentiellement trois sources : la somme « L'origine de tous les cultes » de Charles-François Dupuis Socrate est souvent cité par Déguignet n'évoque que sa mort et très peu la spécificité de sa pensée : « ce peuple ignorant, abruti par les prêtres, l'injuria, l'insulta et le fit arrêter et conduire en prison et força les sénateurs, du reste aussi ignorants que lui, à condamner ce grand homme à mort, le plus grand que la Grèce ait jamais eu ». Par contre, il se sent un peu plus en phase avec le romain de langue grecque Epictète Malgré tout, le paysan bas-breton assume son choix : « Je suis un philosophe stoïcien, plus stoïcien sans doute qu'aucun de ceux qui se donnaient ce nom au temps de Diogène et d'Epictète ». |
Quant à Diogène le Sinoppe, Jean-Marie Déguignet fait lui-même le parallèle sa propre situation : « Tant ma misère est grande en ce moment dans mon trou, plus petit que le tonneau de Diogène, sans feu, sans lit, sans vêtements et souvent sans pain et sans le sou ». Du point de vue des idées, il semble que Lucrèce et son célèbre "De Natura rerum " ont le plus influencé Déguignet : « ils n'auraient eu qu'à consulter le poème De la Nature, à défaut de leur science et de leur pauvreté intellectuelle » ; « E tenebris tantis tam clarun extollere lumen qui primus postuiti, inlustrans commoda viate ». Dans le premier tome « Les sagesses antiques » de sa « Contre histoire de la philosophie », Michel Onfray réhabilite la grande famille des philosophes hédonistes, matérialistes, épicuriens et cyniques en opposition à l'Idée Platonique. Comme on vient de le voir, Jean-Marie Déguignet dans ses « Mémoires d'un paysan bas-breton » tenait des propos assez similaires. Lui aussi admirait Diogène, Lucrèce et Epicure. Et à l'instar d'Onfray, il abhorrait Platon et Socrate pour avoir préparé la venue du Christianisme dominant. En tout cas, Déguignet aurait été pleinement d'accord avec Onfray quand ce dernier écrit : « Tout est bon qui conduit le philosophe dans la direction de la jubilation, si elle ne se paie pas d'une aliénation ». Il y a quand même un point de divergence car Déguignet, tout en les critiquant, défend certaines pensées des Stoïciens, notamment Epictète, alors qu'Onfray les considère comme aussi néfastes que les platonicien et socratiques. |
2 Morceaux choisis
Diogène, page 544
Diogène, page 475
Diogène, page 706
Diogène et Epictète, page 554
Diogène et Epictète, page 741
Épicure et Lucrèce, page 768
Lucrèce et Pythagore, page 694
Lucrèce, page 657
Juvénal, Lucrèce et Virgile, page 703
Lucrèce, page 800
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Epictète, page 419
Epictète, page 452
Epictète, page 532
Platon, page 654
Socrate et Platon, page 523
Socrate et Epictète, page 664
Socrate, page 521
Socrate, page 559
Socrate et Condorcet, page 565
Socrate, page 736
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3 Annotations
- « L'origine de tous les cultes, ou la religion universelle » de Charles-François Dupuis : Platon appelle le soleil également le fils de Dieu qu'il a engendré semblable à lui pour habiter parmi nous et pour tenir dans le monde visible le même rang que Dieu tient dans l'ordre invisible à la tête duquel est le Dieu père ou principe souverainement bon. Platon, dit Macrobe (philosophe fondateur du néoplatonisme), voulant parler du premier principe invisible à l’œil, incompréhensible à la raison, ne trouve point d'image plus parfaite du premier être que le soleil qui éclaire le monde visible, et il nous représente Dieu et son logos ou son intelligence souveraine placée au-dessus de la Nature. [Ref.↑ 1,0 1,1]
- André Dacier (1651-1722) : philologue français, traducteur de nombreux auteurs grecs, connu notamment par son "Nouveau manuel d'Epictète". [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3]
- Paul-Louis Courier (1772-1825), s'est distingué à la fois comme helléniste et comme écrivain politique. Cité dans le « Littérateur universel » de 1836 : « on ne connaissait point alors nos tonneaux, les cruches en tenaient lieu ; partout où vos traducteurs disent un tonneau, entendez un cruche. C'était une cruche qu'habitait Diogène. ». [Ref.↑ 3,0 3,1]
- Epictète (50-125 ou 130) ; philosophe latin de langue grecque, un des principaux représentants du stoïcisme latin. [Ref.↑ 4,0 4,1]
- Diogène de Sinope (313-v. 323 av. J.-C.) : philosophe grec de l'école du Cynisme. Entre autres exemple de sa « vie de chien » (cynos : chien), il était connu pour vivre dans un tonneau. [Ref.↑]
- « E tenebris tantis tam clarun extollere lumen qui primus postuiti, inlustrans commoda viate » : du fonds des ténèbres si grandes, toi le premier sus faire jaillir une si éclatante lumière, et nous éclairer sur les vrais biens de la vie (Lucrèce, De Natura Rerum, livre III, v 1-2, p 98). Il s'agit en fait de l'évocation d'Epicure par Lucrèce et non pas d'un discours d'Epicure. [Ref.↑]
- Lucrèce définit l'âme comme un composé atomique d'une espèce particulière incapable d'exister hors du corps, ce qui le rapprocherait de la doctrine de la métemphsychose. [Ref.↑]
- Pythagore croyait à la réincarnation de l'âme et prétendait avoir été successivement Aethalide (fils d'Hermès), Euphorbe, Hermotime et Pyrrhos. [Ref.↑]
- Métempsychose ou métempsycose, s.f. : passage, transvasement d'une âme dans un autre corps, qu'elle va animer. Le métempsycosisme est la croyance selon laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps soit d'humains soit d'animaux, ainsi que de végétaux. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- « Hic Achuresia fit stultorum denique vita » : enfin c'est ici-bas que la vie des sots devient un véritable enfer (Lucrèce, De Natura Rerum, livre III, v. 1023, p 141). [Ref.↑]
- Mélitos (470-379 av. J.-C.) : poète grec qui fit condamner le philosophe Socrate [Ref.↑]
- Nicolas de Condorcet (1743-1794) est un philosophe, mathématicien et homme politique français, représentant des Lumières [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Octobre 2015 Dernière modification : 23.01.2018 Avancement : [Développé] |