Le métier de mendiant et la lutte contre le paupérisme selon Déguignet
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Et puis quand ils passaient vers le soir dans des sentiers étroits et fréquentés, ils mettaient des bâtons en travers du sentier, ou nouaient ensemble deux branches de genêts ou des ronces. Ceux qui venaient à passer là après eux, lorsque la nuit était venue, s'accrochaient les jambes dans ces obstacles et allaient piquer la tête dans le sentier et se faisaient souvent beaucoup de mal. Et quand ils venaient à travers un ruisseau quelconque qu'on traversait alors sur une planche ou espèce de poutre, les routes et les ponts étant encore inconnus chez nous, ils avaient soin lorsqu'ils avaient passé, de tirer à eux la poutre, ne lui laissant qu'un peu de prise sur l'autre bord, de sorte que le premier qui mettait les pieds sur cette poutre, cellre-ci glissait dans le ruisseau et le malheureux passant avec. Enfin, il n'y avait pas de canailleries que ne faisaient ces deux bandits mendiants. Et ils n'étaient pas seuls. Je ne cite que ces deux, parce que je les ai particulièrement connus, eux et leurs friponneries. | Et puis quand ils passaient vers le soir dans des sentiers étroits et fréquentés, ils mettaient des bâtons en travers du sentier, ou nouaient ensemble deux branches de genêts ou des ronces. Ceux qui venaient à passer là après eux, lorsque la nuit était venue, s'accrochaient les jambes dans ces obstacles et allaient piquer la tête dans le sentier et se faisaient souvent beaucoup de mal. Et quand ils venaient à travers un ruisseau quelconque qu'on traversait alors sur une planche ou espèce de poutre, les routes et les ponts étant encore inconnus chez nous, ils avaient soin lorsqu'ils avaient passé, de tirer à eux la poutre, ne lui laissant qu'un peu de prise sur l'autre bord, de sorte que le premier qui mettait les pieds sur cette poutre, cellre-ci glissait dans le ruisseau et le malheureux passant avec. Enfin, il n'y avait pas de canailleries que ne faisaient ces deux bandits mendiants. Et ils n'étaient pas seuls. Je ne cite que ces deux, parce que je les ai particulièrement connus, eux et leurs friponneries. | ||
- | Cependant, je finis par trouver un camarade à peu près de mon âge, mais qui avait au moins le double de mon poids et de ma force. Alors nous faisions les tournées hebdomadaires en compagnie, en évitant autant que possible de rencontrer les bandits ; humbles et timides tous les deux, nous nous entendions très bien, et quand la tournée de mendicité étai terminée, trois jours par semaine, nous allions encore ensemble chercher du bois et aussi, durant le printemps, ramasser du crottin de chevaux et de bous de vaches desséchée qu'on brûlait pour en faire de la cendre. Cette cendre était très recherchée alors par les cultivateurs pour mettre avec le blé noir, en ce temps où le noir animal <ref>Le noir animal est un engrais obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, spécialement des os.</ref> et les phosphates naturel qui rendent aujourd'hui tant de services à l'agriculteur, étaient inconnus chez nous. | + | Cependant, je finis par trouver un camarade à peu près de mon âge, mais qui avait au moins le double de mon poids et de ma force. Alors nous faisions les tournées hebdomadaires en compagnie, en évitant autant que possible de rencontrer les bandits ; humbles et timides tous les deux, nous nous entendions très bien, et quand la tournée de mendicité étai terminée, trois jours par semaine, nous allions encore ensemble chercher du bois et aussi, durant le printemps, ramasser du crottin de chevaux et de bouse de vaches desséchée qu'on brûlait pour en faire de la cendre. Cette cendre était très recherchée alors par les cultivateurs pour mettre avec le blé noir, en ce temps où le noir animal <ref>Le noir animal est un engrais obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, spécialement des os.</ref> et les phosphates naturel qui rendent aujourd'hui tant de services à l'agriculteur, étaient inconnus chez nous. |
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Version du 7 septembre ~ gwengolo 2018 à 22:07
Dans les extraits ci-dessous Jean-Marie Déguignet (1834-1905) aborde les sujets de la misère et la pauvreté en milieu rural au 19e siècle.
À l'âge de 9 à 14 ans, il a exercé le métier de mendiant entre 1844 et 48 dans la campagne gabéricoise. Et toute sa vie durant, il a pu observer les causes et les effets du paupérisme dans les classes sociales les plus défavorisées de basse-bretagne, à savoir les mendiants et les journaliers agricoles. À signaler également les commentaires sur le cas Déguignet de Jean-Jacques Yvorel dans son article « Errance juvénile et souffrance sociale au XIXe siècle d’après les récits autobiographes » dans l'ouvrage collectif « Histoires de la souffrance sociale: xviie-xxe siècles » publié en 2015 aux Editions PUR. Autres lectures : « Espace Déguignet » ¤ « BABONNEAU Christophe et BETBEDER Stéphane - Mémoires d'un paysan bas-breton Tome 1 » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « Déguignet face aux machines de la papeterie Bolloré à la fin du 19e » ¤ |
1 Présentation
L'enquête sociologique de Jean-Jacques Yvorel porte sur 8 récits de jeunes ramoneurs, ouvriers, sourds-muets, le monde paysan étant représenté par les « Mémoires d’un paysan Bas-Breton » de Jean-Marie Déguignet. Par rapport aux autres expériences, sa carrière de mendiant et de vagabond à Ergué-Gabéric est vécue comme un métier parmi d’autres nécessitant un sérieux apprentissage. Sa mère approuve l'idée des tournées de mendicité durant 3 jours par semaine et lui confectionne une besace. Il suit pendant 6 semaines son professeur : « Cette bonne femme était une mendiante professionnelle; elle se chargeait de m’apprendre l'état. ». Les résultats ne se font pas attendre : « Pendant trois jours consécutifs, le temps nécessaire pour faire le tour de la commune, j'apportai à la maison plein les deux bouts de ma besace de farine d'avoine et de blé noir. » Les bons et les mauvais mendiants ... |
La suppression des penntis ... Analogie : « quand les abeilles veulent supprimer ces gros parasites qui les ruinent, elles leurs refusent simplement le domicile et 24 heures après la question sociale est résolue ; plus d'êtres nuisibles ni inutiles dans la société. » les codes français ... « pour être misanthrope et anti-humain je ne le suis pas. J'ai trop pleuré et je pleure toujours sur les misères de l'humanité » |
2 Textes
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Pages 68-70 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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Pages 86-89 de l'Intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton :
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3 Annotations
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- Bazh-vanal, sf. : littéralement "bâton de genêt". Nom breton de l'entremetteur(se) qui arrangeait les mariages dans les campagnes et qui portaient symboliquement un bâton de genêt. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Avoir, verbe : souvent en remplacement du verbe être : « elle croyait qu'au lieu de mendier j'avais resté jouer » (Déguignet, IT, p 69). En breton le verbe « bezañ » (être) peut aussi prendre le sens de « avoir » en fonction de la préposition qui suit, d'où les confusions en français entre les deux verbes. De plus la forme passive est très usitée en breton où on exprime le résultat de l'action plutôt que son déroulement. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Penn-bazh, sf : bâton de marche qui servait d'arme à l'occasion. Littéralement bout de bâton, désigne le gourdin, à la fois utilitaire, défensif et décoratif qui ne quittait jamais les paysans cornouaillais dans leurs déplacements au 19e siècle. Taillé dans le buis, il présentait à l'une des extrémités un gros nœud de bois garni de clous et à l'autre bout, une lanière permettant de le faire tourner. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑]
- Lord Seymour (1805-1859), qui introduisit en France le jet de confetti, fut baptisé Milord l'Arsouille par les parisiens, à cause de son exentricité. [Ref.↑]
- Le noir animal est un engrais obtenu par calcination en vase clos de diverses matières animales, spécialement des os. [Ref.↑]
- Pennty, penn-ti : littéralement « bout de maison », désignant les bâtisses, composées généralement d'une seule pièce, où s'entassaient avec leur famille les ouvriers agricoles et journaliers de Basse-Bretagne (Revue de Paris 1904, note d'Anatole Le Braz). Par extension, le penn-ty est le journalier à qui un propriétaire loue, ou à qui un fermier sous-loue une petite maison et quelques terres, l'appellation étant synonyme d'une origine très modeste. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2]
Thème de l'article : Écrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Septembre 2018 Dernière modification : 7.09.2018 Avancement : [Développé] |