Déguignet et l'alcoolisme en Bretagne au 19e siècle
Un article de GrandTerrier.
Quel regard portait Jean-Marie Déguignet sur l'alcoolisme dans ses mémoires de paysan bas-breton ? Était-il lui-même atteint de la même dépendance toxicomaniaque que celle observée chez ses contemporains ? Et comment se démarquait-il par rapport à son ennemi Anatole Le Bras dans la lutte anti-alcoolique ? Autres lectures : « CARRER Philippe - Ethnopsychiatrie en Bretagne » ¤ « Espace Déguignet » ¤ « DÉGUIGNET Jean-Marie - Histoire de ma vie, l'Intégrale » ¤ « 1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois » ¤ « Deux morts et un rescapé suite à ivresses prononcées, Le Quimpérois 1839 » ¤ « Déguignet s'oppose au candidat Bolloré lors des élections législatives de 1877 » ¤ |
1 Présentation
À la deuxième question, l'ethnographe Philippe Carrer a déjà répondu ainsi : « Notre héros échappe, dans l'ensemble, au danger toxicomaniaque. Il n'y a guère que pendant la période assez brève où il place des assurances qu'il mentionne une nette surconsommation. » C'est surtout en tant qu'observateur d'une société rurale du 19e siècle que les écrits du paysan bas-breton sont intéressants. La consommation d'alcool y était bien ancrée que ce soit lors d'évènements comme les élections et les pardons, mais aussi dans la vie familiale et professionnelle. Au pardon de Kerdévot, il observe une consommation généralisée de boissons fortes : « L'esplanade était entièrement couverte de débits et de longues tentes blanches, lesquelles étaient remplis de gens buvant des camots Aux élections l'alcool fort est largement offert aux électeurs : « Le soir, la veille du vote. Après le rastel Dans sa vie familiale, Jean-Marie Déguignet a été très éprouvé par la chute de sa femme dans une dépression alcoolique dévastatrice. Profitant de sa situation de débitrice de boissons, Maryvonne « était en train de gaspiller stupidement tout l'argent qui nous restait », et favorisait la consommation de ses clients « toujours fière et glorieuse, et toujours entre deux vins, ne faisait pas faute de leur en servir à bon compte ». |
Dans sa vie professionnelle d'agent d'assurance, Déguignet avoue une consommation personnelle et collective lors de ses visites en milieu agricole, laquelle consommation semble coutumière : « Nous restâmes longtemps là car le cidre et le café fortement carabiné avaient délié toutes les langues. », « nous ne pourrions jamais retourner au bourg, rapport à la neige et aussi rapport à la boisson que nous n'avions cessé d'ingurgité depuis le matin. » Si Déguignet est effrayé par les désastres du fléau alcoolique, ce n'est pas pour autant qu'il approuve les anti-alcooliques moralisateurs comme Anatole Le Braz. Ce dernier faisant une conférence sur le sujet à Quimper en 1901 Sa conférence Et de conclure que le combat anti-alcoolique est la manifestation politique d’une lutte de classes : « es milliers des sociétés antialcooliques, toutes composées de nobles, de curés et de bourgeois, se sont formées », « ces messieurs, bons buveurs de champagne et de Château-Margaux, trouvent que la loi n'est pas encore assez sévère, car ils voient les malheureux boire toujours des alcools ». |
2 Extraits des mémoires
Mort de sa femme
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Les tournées d'assureur
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3 Annotations
- Camot, kamo : café mêlé d'eau-de-vie, faux bretonnisme issu du gallo « mikamo », ou « micamo, usité en Trégor et Penthièvre. Dictionnaire askoridik, café avec de l'eau-de-vie : « (arg): Pierig paregzañp, Mikamo (?) ». Mon canepin de Galo, de Galoromaen, un mic ou un micamo : « café arrosé d’eau-de-vie ». Dans un billet du blog ecoutesiilpleut, l'expression « Passez donc prendre un mic ! » utilisée en Mayenne fait aussi référence à un "mic" désignant un café, accompagné ou non de goutte. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 1,0 1,1]
- Rastell, sm. : râtelier, terme imagé désignant les collations apéritives (« apéros ») ou les buffets, notamment lors des campagnes électorales. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2]
- Gwin ardant, g.n.m. : eau-de-vie de raisin, alcool apéritif traditionnel de 18 à 25°, du breton « gwin » (vin) et « ardant » (ardent). [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 3,0 3,1]
- La conférence d'Anatole Le Braz sur l'alcoolisme eut lieu le samedi 18 mai 1901 à Quimper, dans la salle Jeanne d'Arc (transformée au 20e siècle en cinéma Bretagne). Extrait du Courrier du Finistère : « La Bretagne ne peut aspirer à ce grand rôle ... qu'à une condition ; c'est de dompter dès maintenant, quand elle peut encore en avoir la force et la volonté, ce terrible fléau qui la tue : l'alcoolisme. ». Cf coupures de presse : « CF du 25.05.1901 » ¤ « Le Finistère du 22.05 » ¤ . [Ref.↑ 4,0 4,1 4,2]
- Conte « Glaoud ar Skañv », La légende le Mort en Basse-Bretagne, chap. IXXIII, p. 429-432, édition de 1893. [Ref.↑]
- Bitéklé est l'auberge citée dans le comte « L'auberge du paradis », La légende le Mort en Basse-Bretagne, chap. LXXVII, p. 356, éd. 1893. [Ref.↑]
- Laur Kerichard et Job an Toër sont les personnages de la seconde partie (rebaptisée ensuite « Les deux ivrognes » dans l'édition de 1902) de « L'auberge du paradis », La légende le Mort en Basse-Bretagne, chap. LXXVII, p. 356, ed. 1893. [Ref.↑]
Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet Date de création : Septembre 2014 Dernière modification : 30.09.2014 Avancement : [Développé] |