1912 - Partage de terres vaines et vagues de Keronguéo Leurquer d'antraon
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- | Autres lectures : {{Tpg|1834 - Référencement des communs de village dans le cadastre}}{{Tpg|RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village}}{{Tpg|CADIOU Didier - Essai sur les issues de village}}{{Tpg|1755-80 - Mémoire sur les droits d'usage d'un terrain non enclos propriété de la fabrique}}{{Tpg2|Pont Banal|Toponymie de Pont Banal}} | + | Autres lectures : {{Tpg|1834 - Référencement des communs de village dans le cadastre}}{{Tpg|RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village}}{{Tpg|CADIOU Didier - Essai sur les issues de village}}{{Tpg|1755-80 - Mémoire sur les droits d'usage d'un terrain non enclos propriété de la fabrique}}{{Tpg2|Pont Banal|Toponymie de Pont Banal}}{{Tpg2|Géo.Keranguéo|Plan du village de Keranguéo}} |
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- | En 1822, 90 ans avant, Nicolas Le Marié avait fait l'acquisition de la « <i>moitié du village</i> » du village de Keronguéo. Les cousins Bolloré en sont les héritiers, et en 1912 ils décident de procéder au partage de l'indivis des terres vaines et vagues, notamment de cette parcelle n° 234 Leurquer d'an traon <ref name=Leurger>{{BR-Leurger}}</ref> ("aire du bas du village"). | + | En 1822, 90 ans avant, Nicolas Le Marié avait fait l'acquisition de la « <i>moitié du village</i> » du village de Keronguéo. Les cousins Bolloré en sont les héritiers, et en 1912 ils décident de procéder au partage de l'indivis des terres vaines et vagues, notamment de cette parcelle n° 234 « <i>Leurquer d'an traon</i> » <ref name=Leurger>{{BR-Leurger}}</ref> ("aire du bas du village"). |
- | Arbre généalogique simplifié : | + | Le village en 1834 et la parcelle 234 "Leurquer an traon" aux issues <ref name="Issues">{{K-Issues}}</ref> vers le chemin menant au village voisin du moulin à papier d'Odet : |
- | {{GeneaEugèneRenéBolloré}} | + | <gmap3 f1="Cadastre1834-Sulvintin-F1" t1="386,270" t2="400,330" x1=5002 y1=2458></gmap3> |
Qu'est qu'une terre vaine et vague ? Avant la Révolution, les terres de ce type étaient nombreuses en Bretagne et consistaient en parcelles partagées par les habitants d'un village. Elles étaient vaines car ne rapportant rien, et utilisées uniquement pour la pature, ou comme aire commune. Elles étaient vagues car vides et peu propices aux cultures. Ces terres étaient en indivision entre les habitants du village, et ne pouvaient être vendues : à la mort d'un habitant, le droit d'utilisation en nature de ces communs de village passait automatiquement à son successeur. | Qu'est qu'une terre vaine et vague ? Avant la Révolution, les terres de ce type étaient nombreuses en Bretagne et consistaient en parcelles partagées par les habitants d'un village. Elles étaient vaines car ne rapportant rien, et utilisées uniquement pour la pature, ou comme aire commune. Elles étaient vagues car vides et peu propices aux cultures. Ces terres étaient en indivision entre les habitants du village, et ne pouvaient être vendues : à la mort d'un habitant, le droit d'utilisation en nature de ces communs de village passait automatiquement à son successeur. | ||
- | À la Révolution, il est décidé dans un premier temps que ces communs appartiennent aux nouvelles communes. Ceux qui subsistent aujourd'hui sont appelés communaux. Mais en 1792 une loi spéciale maintient que « <i>pour les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne</i> », une exception est maintenue : les terres vaines et vagues appartiennent aux « <i>habitants des villages... actuellement en possession du droit de communer ...</i> », et donc le partage et revente ne seront pas autorisés. Cela restera vrai jusqu'en décembre 1850 lorsqu'une nouvelle loi permet aux habitants de village de casser les indivisions sur les communs et de procéder à leur partage par répartition. | + | À la Révolution, il est décidé dans un premier temps que ces communs de village appartiennent aux nouvelles communes, ceux qui subsistent étant rebaptisés communaux. Mais en 1792 une loi spéciale maintient « <i>pour les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne</i> » une exception : les terres vaines et vagues appartiennent aux « <i>habitants des villages... actuellement en possession du droit de communer ...</i> », et donc le partage et revente ne sont pas autorisés. Cela restera vrai jusqu'en décembre 1850 lorsqu'une nouvelle loi permet aux habitants de village de casser les indivisions sur les communs et de procéder à leur partage par répartition. |
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+ | En 1912 les cousins Bolloré, héritiers de terres et maisons au village de Keronguéo, décident de lancer la procédure de partage. Le premier à le faire est Eugène, mercier à Quimper, qui est célèbre par ailleurs pour avoir en 1905 "racheté" l'établissement du Likès qui avait été confisqué à une congrégation catholique. Dès janvier il demande au tribunal de statuer sur le partage des terres vaines et vagues du village de Keronguéo, avec notamment cette parcelle "Leurquer an traon" <ref name=Leurger>{{BR-Leurger}}</ref>. | ||
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- | En 1912 les cousins Bolloré, héritiers et maisons au village de Keronguéo, décident de lancer la procédure de partage. Le premier à le faire est Eugène, mercier à Quimper, qui est célèbre par ailleurs pour avoir en 1905 "racheté" l'établissement du Likès qui avait été confisqué à une congrégation catholique. Dès janvier il demande au tribunal de statuer sur le partage des terres vaines et vagues du village de Keronguéo, avec notamment cette parcelle "Leurquer an traon" <ref name=Leurger>{{BR-Leurger}}</ref>. | + | Arbre généalogique simplifié : |
+ | {{GeneaEugèneRenéBolloré}} | ||
- | Le village en 1834 et la parcelle 234 "Leurquer an traon" aux issues <ref name="Issues">{{K-Issues}}</ref> vers le chemin menant au village voisin du moulin à papier d'Odet : | + | En juin 1912, le deuxième héritier René Bolloré, « <i>propriétaire et industriel, demeurant à Odet, en Ergué-Gabéric</i> » prend la relève de son cousin, ce dernier étant mentionné comme premier demandeur dans le jugement. Les deux encarts <ref>Le partage de Keronguéo n'est pas un cas isolé : on trouve entre 1870 et 1930 dans le « <i>Progrès du Finistère</i> » de nombreuses annonces similaires, notamment pour les communes de Trégunc, Trévignon, Tréboul, Combrit, Audierne, Plobannalec, Plouhinec, Plogoff, Plozévet, Primelin, Penmarc'h, Esquibien, Plomeur ... Mais étonnamment ce sont toutes des communes de bord de mer, Ergué-Gabéric étant la seule commune rurale signalée.</ref> dans le « <i>Progrès du Finistère</i> » et le « <i>Finistère</i> » <ref name="Progrès">{{ProgresFinistère}}</ref>, les arguments de l'avoué Morel et les conclusions du tribunal expliquent précisément le mécanisme de transformation des communs de village en propriétés privées : |
- | <gmap2 f1="Cadastre1834-Sulvintin-F1" n1="f" x1=5002 y1=2458></gmap2> | + | * Les opposants au partage sont le préfet et le maire, car la demande fait comme s'il pouvait s'agir de communaux (et donc propriété potentielle de la commune) et non de terres vaines et vagues en indivis au niveau du hameau village, comme si le passé n'existait et que la loi de 1792 n'avait pas conservé la particularité bretonne. |
+ | * Pour la défense des droits de René Bolloré l'avoué écrit qu'il « <i>antérieurement à la loi du 28 août 1792 et même depuis un temps immémorial constamment et sans interruption exercé sur les dits communaux ou terres vaines et vagues tous droits de copropriété, possession et jouissance</i> » : ceci est oublier que les biens ne sont rentrés dans le giron familial qu'en 1822 par l'acquisition par Nicolas Le Marié. | ||
+ | * Le tribunal valide et ordonne « <i>Ordonne le partage en nature par attribution entre les ayants-droit et proportionnellement aux terres chaudes <ref name="TerresChaudes">{{K-TerresChaudes}}</ref> de chacun des dits communaux</i> ». | ||
+ | * Le 27 juillet un encart est publié dans le journal « <i>Le Progrès du Finistère</i> » <ref name="Progrès">{{ProgresFinistère}}</ref> afin que « <i>Le soussigné Bastard, inspecteur des Contributions directes en retraite ... informe tous les propriétaires, prétendants-droit à ces Communaux ou Terres vaines et vagues, qu'en exécution de la loi des 6-15 Décembre 1850, il recevra les titres de propriété donnant droit au partage</i> ». | ||
- | Le deuxième héritier est René Bolloré, « <i>propriétaire et industriel, demeurant à Odet, en Ergué-Gabéric</i> » | + | Il est intéressant de noter qu'aujourd'hui on se pose encore la question de la légalité des terres vaines et vagues qui auraient échappé à une privatisation. En 2014 un débat a lieu sur le statut juridique du site de [http://naturalistesenlutte.overblog.com/2014/06/l-usage-des-communs-a-notre-dame-des-landes-d-hier-a-aujourd-hui.html Notre-Dame des Landes]. En 2009 un député finistérien pose deux questions écrites à l'Assemblée Nationale sur ce sujet : « <i>M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par les terres vaines et vagues de Bretagne. En l'état, celles-ci, qui couvent encore |
+ | des centaines d'hectares, notamment dans le Finistère et le Morbihan, constituent des biens dont la | ||
+ | propriété demeure indivise ...</i> ». | ||
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+ | Réponses au Journal Officiel : [[Media:AN-45708.pdf|Question 1]], [[Media:AN-65475.pdf|Question 2]], « <i>Ces terres, qui n'ont pas de propriétaire connu, sont présumées sans maître et par conséquent être incorporées par la commune dans son domaine. À défaut, leur propriété est attribuée à l'État.</i> » | ||
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<big><b>Progrès du Finistère, 20.01.1912</b></big> | <big><b>Progrès du Finistère, 20.01.1912</b></big> | ||
{{Citation}} | {{Citation}} | ||
- | Etude de Me Paul Morel, avoué-licencié, rue du Palais, à Quimper. | + | Étude de Me Paul Morel, avoué-licencié, rue du Palais, à Quimper. |
Loi du 6 Décembre 1850 sur le partage des Terres Vaines et Vagues. | Loi du 6 Décembre 1850 sur le partage des Terres Vaines et Vagues. | ||
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Il est exposé : | Il est exposé : | ||
- | Qu'il existe à Keronguéo, en la commune d'Ergué-Gabéric des communaux ou terres vaines et vagues consistant notamment dans la parcelle de terre ci-après désignée : Section N N° 234 Kéronguéo, Leurquer d'antraon, pâture, 15 ares 30 centiares. | + | Qu'il existe à Keronguéo, en la commune d'Ergué-Gabéric des communaux ou terres vaines et vagues consistant notamment dans la parcelle de terre ci-après désignée : Section B N° 234 Kéronguéo, Leurquer d'antraon, pâture, 15 ares 30 centiares. |
Que ces communaux ou terres vaines et vagues appartiennent en indivis aux propriétaires de diverses tenues composant le dit village. | Que ces communaux ou terres vaines et vagues appartiennent en indivis aux propriétaires de diverses tenues composant le dit village. | ||
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À la requête de Monsieur Louis Bolloré <ref name="Louis">-</ref>, propriétaire et industriel demeurant à Odet en la commune d'Ergué-Gabéric, pour lequel domicile est élu à Quimper, cinq rue du Palais, en l'Étude de Me Paul Morel avoué près le Tribunal civil de la dite ville, qu'il constitue et qui occupera pour lui sur la présente et ses suites. | À la requête de Monsieur Louis Bolloré <ref name="Louis">-</ref>, propriétaire et industriel demeurant à Odet en la commune d'Ergué-Gabéric, pour lequel domicile est élu à Quimper, cinq rue du Palais, en l'Étude de Me Paul Morel avoué près le Tribunal civil de la dite ville, qu'il constitue et qui occupera pour lui sur la présente et ses suites. | ||
- | J'ai Léon Jacques huissier près le tribunal civil de Quimper, y demeurant rue Kéréon n° 33, soussigné, signifié et en tête des présentes donné copie à tous prétendants droit aux terres vaines et vagues ou communaux situés au lieu-dit Kranguéo en la commune d'Ergué-Gabéric. | + | J'ai Léon Jacques huissier près le tribunal civil de Quimper, y demeurant rue Kéréon n° 33, soussigné, signifié et en tête des présentes donné copie à tous prétendants droit aux terres vaines et vagues ou communaux situés au lieu-dit Kéranguéo en la commune d'Ergué-Gabéric. |
<spoiler text="En la personne de Monsieur le préfet ...">En la personne de Monsieur le préfet du Finistère, pris en cette qualité en ses bureaux à l'Hotel de la Préfecture à Quimper, où étant et parlant à M. Hammond secrétaire général qui a visé l'original de la grosse dûment en forme exécutoire d'un jugement rendu dans la cause d'entre les partis y dénommés par le tribunal civil de Quimper le dix sept avril mil neuf cent douze, enregistré. | <spoiler text="En la personne de Monsieur le préfet ...">En la personne de Monsieur le préfet du Finistère, pris en cette qualité en ses bureaux à l'Hotel de la Préfecture à Quimper, où étant et parlant à M. Hammond secrétaire général qui a visé l'original de la grosse dûment en forme exécutoire d'un jugement rendu dans la cause d'entre les partis y dénommés par le tribunal civil de Quimper le dix sept avril mil neuf cent douze, enregistré. | ||
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Série : O - Administration et comptabilité communales | Série : O - Administration et comptabilité communales | ||
- | Cotes : 2 O 313- Fonds Morel | + | Cotes : 2 O 413 |
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Version actuelle
| Où René Bolloré, industriel papetier à Odet, et son cousin Eugène de Quimper, tous deux propriétaires au village de Keranguéo, vont être autorisés par la justice de procéder au partage des communaux du village.
Autres lectures : « 1834 - Référencement des communs de village dans le cadastre » ¤ « RIHOUAY Gilles - Le domaine congéable et les communs de village » ¤ « CADIOU Didier - Essai sur les issues de village » ¤ « 1755-80 - Mémoire sur les droits d'usage d'un terrain non enclos propriété de la fabrique » ¤ « Toponymie de Pont Banal » ¤ « Plan du village de Keranguéo » ¤ |
[modifier] 1 Introduction
En 1822, 90 ans avant, Nicolas Le Marié avait fait l'acquisition de la « moitié du village » du village de Keronguéo. Les cousins Bolloré en sont les héritiers, et en 1912 ils décident de procéder au partage de l'indivis des terres vaines et vagues, notamment de cette parcelle n° 234 « Leurquer d'an traon » Le village en 1834 et la parcelle 234 "Leurquer an traon" aux issues Qu'est qu'une terre vaine et vague ? Avant la Révolution, les terres de ce type étaient nombreuses en Bretagne et consistaient en parcelles partagées par les habitants d'un village. Elles étaient vaines car ne rapportant rien, et utilisées uniquement pour la pature, ou comme aire commune. Elles étaient vagues car vides et peu propices aux cultures. Ces terres étaient en indivision entre les habitants du village, et ne pouvaient être vendues : à la mort d'un habitant, le droit d'utilisation en nature de ces communs de village passait automatiquement à son successeur. À la Révolution, il est décidé dans un premier temps que ces communs de village appartiennent aux nouvelles communes, ceux qui subsistent étant rebaptisés communaux. Mais en 1792 une loi spéciale maintient « pour les cinq départements qui composent la ci-devant province de Bretagne » une exception : les terres vaines et vagues appartiennent aux « habitants des villages... actuellement en possession du droit de communer ... », et donc le partage et revente ne sont pas autorisés. Cela restera vrai jusqu'en décembre 1850 lorsqu'une nouvelle loi permet aux habitants de village de casser les indivisions sur les communs et de procéder à leur partage par répartition. En 1912 les cousins Bolloré, héritiers de terres et maisons au village de Keronguéo, décident de lancer la procédure de partage. Le premier à le faire est Eugène, mercier à Quimper, qui est célèbre par ailleurs pour avoir en 1905 "racheté" l'établissement du Likès qui avait été confisqué à une congrégation catholique. Dès janvier il demande au tribunal de statuer sur le partage des terres vaines et vagues du village de Keronguéo, avec notamment cette parcelle "Leurquer an traon" |
Arbre généalogique simplifié : Jean-Guillaume Bolloré (1788-1873), chapelier x 1819 Marie Perrine Le Marié (1790-), sœur de Nicolas ├ ├> Jean Guillaume Bolloré (1820-1899), ├ x 1848 Alexandrine Capel (1830-1882) ├ └> Eugène Bolloré Mermet (1849-1933), mercier ├ x 1874 Marie Françoise Voquer (1858-1939) ├ └> Marie Perrine Bolloré (1824-1904) x 1846 Jean-René Bolloré (1818-1881), médecin papetier └> René Guillaume Bolloré (1848-1904) x 1872 Eugénie Lalour (1850-1875) └> René Joseph Bolloré (1885-1935) x 1911 Marie Amélie Thubé (1889-1977) En juin 1912, le deuxième héritier René Bolloré, « propriétaire et industriel, demeurant à Odet, en Ergué-Gabéric » prend la relève de son cousin, ce dernier étant mentionné comme premier demandeur dans le jugement. Les deux encarts
Il est intéressant de noter qu'aujourd'hui on se pose encore la question de la légalité des terres vaines et vagues qui auraient échappé à une privatisation. En 2014 un débat a lieu sur le statut juridique du site de Notre-Dame des Landes. En 2009 un député finistérien pose deux questions écrites à l'Assemblée Nationale sur ce sujet : « M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème posé par les terres vaines et vagues de Bretagne. En l'état, celles-ci, qui couvent encore des centaines d'hectares, notamment dans le Finistère et le Morbihan, constituent des biens dont la propriété demeure indivise ... ». Réponses au Journal Officiel : Question 1, Question 2, « Ces terres, qui n'ont pas de propriétaire connu, sont présumées sans maître et par conséquent être incorporées par la commune dans son domaine. À défaut, leur propriété est attribuée à l'État. » |
[modifier] 2 Transcriptions
Progrès du Finistère, 20.01.1912
Progrès du Finistère, 27.07.1912
Assignation de janvier 1912
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Lettre au maire, 19 janvier 1912
Signification de jugement, juin 1912
Signification de l'huissier, juin 1912
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[modifier] 3 Documents originaux
Documents d'archives
Lieu de conservation : Archives Départementales du Finistère. Série : O - Administration et comptabilité communales Cotes : 2 O 413 |
Droit d'image : Accès protégé (hors transcription en accès public). Usage : Accès privé aux images scannées restreint aux abonnés inscrits. Connexion obligatoire sur un compte nominatif d'adhérent GrandTerrier. |
ADF 2 O- Administration | |||||
Coupures de presse
Le Progrès du Finistère | |||||
[modifier] 4 Annotations
- Leurger, Leurgêr : place commune utilisée en indivis par les habitations des différentes maisons de ferme et d'habitation d'un village ou hameau. Avant le 19e siècle ce type de communaux, en Bretagne, ne pouvaient être vendus, partagés ou cédés à un tiers. Le bien commun devait rester en partage entre les habitants vivant dans le village. [Terme BR] [Lexique BR] [Ref.↑ 1,0 1,1 1,2 1,3]
- Issues, issue, s.f. : terre non cultivée d'un village servant à la circulation entre les habitations, les chemins et les champs ; les issues communes de villages pouvaient être utilisées par les plus pauvres pour faire "vaguer" leurs bestiaux ou ramasser du bois pour se chauffer. Lorsqu'un village est tenu en domaine congéable, les "issues et franchises" peuvent être incluses dans les aveux de déclaration des droits et rentes. Les inventaires et dénombrements contiennent également l'expression "aux issues" qui désigne l'éloignement par rapport au centre du village. Dans les descriptifs d'habitations, le terme "issues" désigne les portes et accès. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
- Le partage de Keronguéo n'est pas un cas isolé : on trouve entre 1870 et 1930 dans le « Progrès du Finistère » de nombreuses annonces similaires, notamment pour les communes de Trégunc, Trévignon, Tréboul, Combrit, Audierne, Plobannalec, Plouhinec, Plogoff, Plozévet, Primelin, Penmarc'h, Esquibien, Plomeur ... Mais étonnamment ce sont toutes des communes de bord de mer, Ergué-Gabéric étant la seule commune rurale signalée. [Ref.↑]
- L'hebdomadaire « Le Progrès du Finistère », journal catholique de combat, est fondé en 1907 à Quimper par l'abbé François Cornou qui en assurera la direction jusqu'à sa mort en 1930. Ce dernier, qui signe tantôt de son nom F. Cornou, tantôt de son pseudonyme F. Goyen, ardent et habile polémiste, doté d'une vaste culture littéraire et scientifique, se verra aussi confier par l'évêque la « Semaine Religieuse de Quimper ». [Ref.↑ 4,0 4,1]
- Terres chaudes, s.f.pl. : terres cultivables, par opposition aux terres froides ; exploitées en rotation triennale, soit blé noir, seigle, avoine (Jean Le Tallec 1994). [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 5,0 5,1 5,2]
- Les documents manuscrits de Morel et Jacques mentionnent l'industriel Louis Bolloré. Ce Louis pourrait être le frère d'Eugène, mais il s'agit plus probablement de René le papetier pour deux raisons : dans l'annonce parue en août dans Le Progrès du Finistère pour le compte de l'avoué Morel le prénom est bien René, et sa domiciliation à Odet où Louis n'est pas supposé habiter. [Ref.↑ 6,0 6,1 6,2]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Mars 2015 Dernière modification : 23.05.2017 Avancement : [Développé] |