1912-1913 - La question de la réorganisation du service paroissial à la papeterie d'Odet - GrandTerrier

1912-1913 - La question de la réorganisation du service paroissial à la papeterie d'Odet

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§ E.D.F.
Où le recteur de la paroisse d'Ergué-Gabéric s'adresse à son évêque [1] et vicaire général [2] pour être autorisé à réviser à la baisse le nombre de messes et de confessions à assurer pour le compte des Bolloré dans leur chapelle privée d'Odet.

La crainte de Louis Lein est de devoir délaisser ses paroissiens au profit d'une famille influente : « L'on finirait par faire une autre paroisse dans la paroisse » ; « Loin de moi, Monsieur le vicaire général, la pensée de vouloir rompre avec la famille Bolloré : je dois m'en occuper comme de mes autres paroissiens ».

Autres lectures : « Louis Lein, recteur (1909-1914) » ¤ « Jean Hascoët, recteur (1897-1908) » ¤ « La chapelle St-René de la papeterie d'Odet » ¤ « Yves Le Goff, vicaire, puis à Odet (1926-1939) » ¤ « 1937 - L'abbé Le Goff contre le travail le dimanche aux usines d'Odet et de Cascadec » ¤ 

[modifier] 1 Introduction

Louis Lein est nommé recteur d'Ergué-Gabéric en 1909 après avoir exercé le même ministère à Landeleau et Plounéour-Ménez. À Landeleau il a connu la lutte contre la loi de la Séparation des Eglises et de l'Etat, ce qui lui a valu un procès en 1906 à Chateaulin, rejugé à Rennes suite à appel du ministère public. Son vicaire de l'époque fut condamné à la prison. Quant à lui, les juges seront plus cléments : il est condamné à payer une amende de 200 francs pour outrages au maire et aux gendarmes lors de l'inventaire de l'église.

À Ergué-Gabéric, le conflit de l'église et des paroissiens contre la loi républicaine fut géré par le recteur Jean Hascoët dont Louis Lein parle en ces termes dans sa première lettre à son évêque en août 1912 : « Cette messe est-elle seulement pour la famille Bolloré et les ouvriers qui ne pourraient aller à la messe ailleurs ? Je crois que c'est ainsi que l'entendait Mr Hascoët, un de mes prédécesseurs qui eut lui-même quelques difficultés provenant d'Odet ».

Nous avons au total quatre lettres écrites par le recteur, conservées aux archives diocésaines, où l'on découvre la charge et la complexité du services paroissial d'Ergué-Gabéric avec ses grand' messes, ses basses messes de chapelles, le catéchisme, les prédications, les confessions, le service aux malades ... et ce qui n'arrange pas les choses : les exigences religieuses supplémentaires de la famille Bolloré qui met à disposition sa chapelle privée St-René à Odet.

Cette dernière est exigüe en 1912-1913 : « la chapelle est beaucoup trop petite. Et si elle était agrandie (ce qui va arriver dans quelques temps), les difficultés deviendraient encore plus fortes et l'on finirait par faire une autre paroisse dans la paroisse. ». L'architecte nantais René Ménard, ami des Bolloré, est chargé de l'agrandissement et les travaux de rénovation seront achevés en 1921.

En 1912, René Bolloré et son épouse demandent « à l'administration diocésaine » une messe supplémentaire « tous les premiers vendredis du mois à Odet », ce en plus de la messe, confession et bénédiction du dimanche. Les trois vicaires s'y rendent tous les dimanches, mais ont du mal à assurer toutes les messes et confessions au bourg et dans les trois autres chapelles de la paroisse.

Il est question aussi de décaler d'une demi-heure la messe du dimanche : « Jusqu'ici la messe de la papeterie était dite à 8 heures les dimanches et jours de fêtes, les parents de ceux qui assistaient à cette messe, pouvaient encore être remplacés par eux, et venir pour 10 heures à la grand' messe du bourg ».

 
Chapelle agrandie en 1921 par René Ménard
Chapelle agrandie en 1921 par René Ménard

Pour diminuer la charge de travail des prêtres, le recteur suggère de réduire les confessions à Odet à un samedi par mois, avec ajustement pendant les grandes fêtes religieuses : « Si quelque grande fête, comme l'Ascension, l'Assomption, l'Immaculée Conception tombait dans la semaine qui suit le 3e dimanche, on y confesserait la veille de ces fêtes, et cela remplacerait le 3ème samedi du mois ».

Il insiste pour que la mauvaise nouvelle soit communiquée par l'évêque en personne, le très célèbre Adolphe Duparc : « J'ai été fort surpris ce matin en recevant votre lettre. Vous me disiez l'autre jour que Monseigneur devait prévenir Monsieur Bolloré des décisions prises par sa Grandeur ... vous me chargez d'une chose que j'estime au-dessus de mes forces. »

À partir des années 1930, un des vicaires de la paroisse sera affecté au service d'Odet, le premier étant l'abbé Le Goff, puis l'abbé Vourc'h. Les suivants, notamment Jean Corre et Jean-Marie Breton, prendront le titre d'aumônier et logeront dans une bâtisse attenant à la papeterie.

[modifier] 2 Transcriptions

Lettre du 22 août 1912

Ergué-Gabéric + 22 août 1912

Monseigneur,

J'ai l'honneur d'adresser à votre Grandeur ce rapport au sujet de la question qui a fait l'objet de notre entretien lundi dernier.

Pour ce qui est d'accorder une messe tous les premiers vendredis du mois à Odet, je pense et mes vicaires le pensent comme moi, que cela ne manquerait pas, à la longue, de nuire à l’œuvre de l'apostolat de la Prière à Ergué-Gabéric. Plusieurs personnes des environs d'Odet qui viennent au bourg à pareil jour, se contenteraient d'aller à cette messe à Odet, et le bourg étant si petit, le nombre de nos communions du 1er vendredi diminuerait sensiblement.

Quant à entendre les confessions à Odet tous les samedis ou même tous les quinze jours, nous y voyons aussi des inconvénients. Les personnes qui s'y confesseraient, ne se confesseraient plus au bourg/ Elles feraient comme fait la famille Bolloré qui n'y parait jamais, on peut le dire, à part quelques membres pour la communion pascale. Messieurs les vicaires qui font à tour de rôle le service d'Odet entendent le dimanche avant la messe la confession de ceux qui veulent [...] se présenter.

Une autre remarque à faire, c'est que l'on n'a pas fixé quelles sont les personnes autorisées à entendre la messe le dimanche à Odet. Cette messe est-elle seulement pour la famille Bolloré et les ouvriers qui ne pourraient aller à la messe ailleurs ? Je crois que c'est ainsi que l'entendait Mr Hascoët, un de mes prédécesseurs qui eut lui-même quelques difficultés provenant d'Odet.

Mais à cette messe du dimanche sont admises bien d'autres personnes de l'extérieur. Et cependant la chapelle est beaucoup trop petite. Et si elle était agrandie (ce qui va arriver dans quelques temps), les difficultés deviendraient encore plus fortes et l'on finirait par faire une autre paroisse dans la paroisse.

Enfin, si l'on décidait que ces messieurs devront aller entendre les confessions le samedi à Odet, quels sont ceux qui seraient autorisés à s'y confesser ? Serait-ce seulement les ouvriers et ouvrières ? Il est probable que ceux-ci ne seraient pas autorisés à quitter leur travail, et qu'il n'y aurait à s'y confesser que quelques rares personnes de l'extérieur qui peuvent aussi bien se confesser au bourg, du moins le dimanche.

Oh ! Comme il eût été à souhaiter que Madame Bolloré n'eut pas délaissé l'idée qu'elle a eue de bâtir une école libre à Odet ou à côté d'Odet ! Un prêtre instituteur aurait pu y dire la messe et y exercer le ministère que nous exerçons.

Voilà, Monseigneur, un peu longuement peut-être, ce que j'ai trouvé de mieux à dire à Votre Grandeur, après avoir réfléchi et prié.

Le service paroissial à Ergué-Gabéric est déjà assez pénible à cause des trois chapelles, de la messe qui s'y dit le dimanche et souvent sur semaine, et des catéchismes qui s'y font. Il eût été à désirer que ce service ne fût pas surchargé par ailleurs.

Daignez agréer, Monseigneur, l'assurance du plus profond respect avec lequel j'ose me dire

De Votre Grandeur le fils soumis et dévoué

L. M. Lein recteur d'Ergué-Gabéric

(note : confessions une douzaine de fois l'an de 2h à 4h samedi ou veuille de fête. Messe à 8h 1/2)

Lettre du 1er octobre 1912

Ergué-Gabéric + 1 octobre 1912

(note : répondre à la famille - maintien du statuquo jusqu'à nouvel ordre

Monseigneur,

Après avoir mûrement réfléchi, prié et consulté aussi, je crois pouvoir donner cette réponse à Votre Grandeur au sujet de la question d'Odet.

1° Jusqu'ici la messe de la papeterie était dite à 8 heures les dimanches et jours de fêtes, les parents de ceux qui assistaient à cette messe, pouvaient encore être remplacés par eux, et venir pour 10 heures à la grand' messe du bourg. Il n'en serait plus ainsi si la messe avait lieu à 8 h 1/2 à Odet. Elle ne finirait pas avant 9 h 1/4, et les parents n'auraient plus le temps voulu pour faire 5 kilomètres avant 10 heures.

2° Le vicaire qui dirait cette messe de 8h 1/2 (que ce soit le même qui la dise, ou que ces MM la disent à tour de rôle) ne pourrait pas non plus arriver au bourg pour l'heure de la grand' messe : ce serait donc encore désorganiser le service des prédications.

D'ailleurs, il n'y a pas qu'Odet. Nous avons encore messe de chapelle le dimanche, mais vers 6 et 7 heures ; et toutes nos chapelles sont à 5 kilomètres du bourg. J'admets bien que sur semaine en général le service n'est pas trop pénible, excepté pour les malades à cause des grandes distances et des mauvais chemins. Mais le dimanche, c'est autre chose, et l'on peut dire même qu'il y a peu de paroisses dans le diocèse où le service soit organisé d'une façon aussi gênante sans que l'on puisse, je crois, y remédier le moindrement. Je vous prie Monseigneur, de vouloir bien prendre connaissance du petit tableau que je soumets à Votre Grandeur à la fin de ma lettre, pour ce qui est du service paroissial à Ergué-Gabéric.

 

Fin de lettre du 22 août

3° Comme j'ai eu l'honneur déjà de l'écrire à Votre Grandeur l'on confesse et l'on a le temps de confesser à Odet le dimanche avant et après la messe, quand elle est dite à 8h. Et une chose que Monseigneur ignore peut-être, c'est que la famille Bolloré a exigé depuis plusieurs années que l'un de ces Messieurs aille dire la messe à Odet le 10 de chaque mois. Pourquoi ne confesserait-on pas alors les quelques rares personnes qui pourraient se présenter ? De plus celui qui a dit la messe le dimanche à Odet, doit y retourner vers 2 heures pour donner la bénédiction.

Vous voyez, Monseigneur que tout cela, c'est déjà beaucoup de fatigue pour les vicaires ; et je dois vous le dire, je crois beaucoup que cette question d'Odet ne finisse par mettre la désunion entre eux.

Si j'avais prévu tout cela, j'aurais bien prié Votre Grandeur il y a bientôt trois ans de donner suite à l'idée qu'elle avait de faire une combinaison avec le clergé de St Vincent pour le service de la papeterie.

Voilà, Monseigneur, les quelques raisons que j'ai à vous donner.

Daignez agréer, Monseigneur, l'expression du profond respect avec lequel j'ose me dire.

De Votre Grandeur le fils soumis et dévoué, L.M. Lein prêtre


Service paroissial d'Ergué-Gabéric.

1. 3 jours de catéchisme par semaine au bourg : tous les jours pendant le carême.

2. Tous les jeudis, catéchisme au bourg, et trois catéchismes de chapelles : Kerdévot, St Guénolé, St André, à 5 kilomètres du bourg.

3. Le 2e dimanche du mois, basse messe à Kerdévot.

Le 3e dimanche du mois, basse messe à St André.

Le 4e ou 5e dimanche du mois, basse messe à St Guénolé et grand' messe à Kerdévot.
Simple basse messe au bourg.
Pas de vêpres. Rosaire et bénédiction à 2h. Il est midi 1/2 quand on arrive de Kerdévot.

Le 1er dimanche du mois, deux basses messes au bourg, et grand' messe à 10 heures.

Lettre du 23 janvier 1913

Ergué-Gabéric + 23 janvier 1913

Monsieur le Vicaire général [2],

Après avoir parlé entre nous du jour des confessions à Odet, nous avons décidé que l'un des vicaires s'y rendrait pour 2 heures la veille du 3ème dimanche du mois, à moins que ce jour ne soit la veille ou de Pâques, ou de la Toussaint ou de Noël, dans ce cas, l'on irait confesser à Odet le samedi précédent.

Si quelque grande fête, comme l'Ascension, l'Assomption, l'Immaculée Conception tombait dans la semaine qui suit le 3e dimanche, on y confesserait la veille de ces fêtes, et cela remplacerait le 3ème samedi du mois.

Messieurs les vicaires confesseraient à tour de rôle à Odet. Monsieur Breton commencerait le 3eme samedi de Février.

L'on annoncerait à la messe d'Odet le jour des Confessions, huit jours à l'avance.

Veuillez agréer, Monsieur le Vicaire général, l'assurance de mon plus profond respect en N.S.J.C.

L. M. Lein, prêtre

P.I. Pendant le temps pascal, les messes de chapelles sont supprimées, excepté à Odet.

Nous pensons qu'on pourrait à cause du temps pascal s'abstenir également d'aller confesser à Odet le samedi des Rameaux, quand ce samedi serait le 3e du mois : l'on pourrait y aller un autre jour.

Lettre du 29 janvier 1913

Ergué-Gabéric + 29 janvier 1913

Monsieur le Vicaire général [2],

J'ai été fort surpris ce matin en recevant votre lettre.

Vous me disiez l'autre jour que Monseigneur devait prévenir Monsieur Bolloré des décisions prises par sa Grandeur. Et vous me dites aujourd'hui d'aller les lui annoncer moi-même.

Loin de moi, Monsieur le vicaire général, la pensée de vouloir rompre avec la famille Bolloré : je dois m'en occuper comme de mes autres paroissiens.

J'ai fait une visite la veuille du premier de l'an à Mr Bolloré. Il n'a pas été question entre nous de l'affaire en litige. Voilà la fin de janvier, et j'attends encore une visite de sa part.

Je trouve donc que, dans les circonstances actuelles, et surtout que Mr Bolloré s'est adressé directement à l'administration diocésaine, en m'invitant à aller moi-même à Odet annoncer à Mr Bolloré la décision prise à son égard (d'ailleurs comment l'acceptera-t-il ?), vous me chargez d'une chose que j'estime au-dessus de mes forces.

Veuillez agréer, Monsieur le Vicaire général [2], l'assurance de mon plus profond respect en N.S.

L.M. Lein prêtre

[modifier] 3 Documents originaux

Lieu de conservation : Archives Diocésaines de Quimper.
Série P – Paroisse d'Ergué-Gabéric

   

[modifier] 4 Annotations

  1. Adolphe Duparc (1857-1946) fut l'évêque de Quimper et Léon de 1908 à sa mort. Il eut le souci de la formation du clergé de son diocèse en rachetant en 1913 le petit séminaire de Pont-Croix. Il développa l'enseignement catholique par la création de 110 écoles primaires. Il fut aussi l'homme de plusieurs combats : contre la séparation de l’Église et de l’État et laïcisation des écoles, lutte contre l'alcoolisme, patriotisme français, pétainisme, défense de la langue bretonne, excommunication des séparatistes bretons du PNB, ... [Ref.↑]
  2. Vicaire général, g.n.m. : autrefois appelé grand-vicaire, clerc et prêtre qui, muni du pouvoir exécutif ordinaire général, seconde un évêque diocésain, dans l’exercice de son gouvernement au sein du diocèse. Source : Wikipedia. [Terme] [Lexique] [Ref.↑ 2,0 2,1 2,2 2,3]


Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric.

Date de création : Février 2016    Dernière modification : 9.04.2016    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]