Lettre du Directeur Régional, février 1950
République Française. ministère de l'Intérieur. Direction générale de la Sûreté Nationale.
Service Régional de Police Judiciaire. Rennes le 16 février 1950.
Le Commissaire Divisionnaire, Chef du Service Régional de Police Judiciaire à Monsieur le Directeur des Services de Police Judiciaire. Paris.
Objet : Assassinat de LASSAU René à "La Salle Verte" en Ergué-Gabéric (Finistère) le 23 décembre 1946.
En vous transmettant copie du rapport et des procès-verbaux établis par le Commissaire KERGOET, de mon service, sur réquisition de M. le Procureur de la République à Quimper, au cours d'une enquête se rapportant au meurtre de LASSEAU René, commis le 23 décembre 1946 et pour lequel quatre individus ont été condamnés à des peines de travaux forcés ou de réclusion, j'ai l'honneur d'attirer votre attention sur les faits rapportés par les condamnés dans des déclarations entièrement manuscrites ou constituées par des copies dactylographiées.
Ces déclarations n'ont pas été transcrites sur procès-verbaux, mais jointes à la procédure destinée au Magistrat mandant, telles qu'elles ont été remises.
Elles contiennent des accusations violentes contre M. LE LEYOUR, Commissaire de Police à Quimper à l'époque des faits, et maintenant Commissaire de Police à St-Brieuc.
Ces condamnés, qui clament maintenant leur innocence, sont parfaitement décidés à la faire reconnaître par tous les moyens.
Les faits incriminés se sont passés avant mon arrivée à Rennes. Je ne suis, en conséquence, documenté sur cette importante affaire que par la relation qui m'en a été faite par les enquêteurs de mon service.
Ceux-ci, le Commissaire KERGOET et l'Inspecteur LE BARS, n'ont aucunement participé à l'établissement de la procédure qui a amené l'inculpation des quatre condamnés. Leur enquête, négative, était déjà terminée.
Il semble malheureusement possible que les condamnés ne soient pas tous coupables. Il paraît aussi probable qu'une nouvelle enquête établirait certaines erreurs regrettables commises dans la conduite de l'enquête.
C'est pourquoi j'ai estimé devoir attirer spécialement votre attention sur cette affaire, susceptible de rebondir dans un délai plus ou moins bref, avec un retentissement d'autant plus important que le meurtre de LASSEAU a sérieusement ému l'opinion publique dans la région de Quimper.
Le Commissaire divisionnaire, Chef du Service Régional de P.J., (signature)
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Lettre du Directeur des Services
Direction des Services de Police Judiciaire. 1ère Section. 21 février 50.
Note pour Monsieur le Directeur des Services de Police Judiciaire.
Objet : Assassinat de LASSAU René, à "La Salle Verte" en Ergué-Gabéric (Finistère), le 23 décembre 1946.
L'affaire dont il s'agit, traitée à l'origine sans résultat par le Service Régional de Police Judiciaire de Rennes, a été ensuite reprise, sur dénonciation d'une dame PEDNOIR, par le Commissaire de Police LE LEYOUR de Quimper et a abouti à l'arrestation, puis à la condamnation de quatre individus nommés BOURMAUD, POUX, FILLIS et QUINET.
A l'heure actuelle, ces individus proclament leur innocence et invoquent
- d'une part, les manœuvres indélicates et illégales du Commissaire LE LEYOUR,
- d'autre part, une série de faux témoignages.
Des mémoires, rédigé par le détenu POUX, sont actuellement étudiés par le Parquet Général compétent.
Pour situer la position présente de l'Administration dans cette phase nouvelle de l'affaire et en ce qui concerne l'attitude des premiers enquêteurs, il convient de remarquer que les protestations et les accusations des condamnés visent la première enquête de police.
Or cette enquête a été suivie, tout d'abord, par une instruction pénale qui a duré neuf mois et, ensuite, par des débats en Cour d'Assises.
Il paraît pour le moins surprenant que, durant cette longue période, les inculpés n'aient pu produire tous les éléments qu'ils développent actuellement et tendant à les disculper. On connaît trop l'étendue des larges possibilités qu'offre la loi pour être convaincu que toute latitude leur a été laissée de présenter leur défense. Et il semble bien que des fautes professionnelles n'auraient pas manqué d'être sanctionnées si elles était apparues.
Il faut croire, en définitive, que la procédure apporte suffisamment d'éléments de culpabilité puisque des condamnations sévères sont intervenues. La seule étude du dossier joint ne peut fonder une opinion puisque ce dossier ne reflète que les affirmations des inculpés.
Qu'il y ait des invraisemblances dans les premières dépositions recueillies, c'est fort possible. Mais le dossier d'instruction ne les a-t-il pas mises au point ?
Pour répondre à cette question, il faudrait avoir consulté précisément ce dossier ou l'avoir sous les yeux comme élément de comparaison. Le Commissaire KERGOET, rapporteur de cette nouvelle enquête, ne tire de ses investigations qu'une conclusion mitigée où il déclare, notamment, "qu'il ne peut apporter jusqu'à maintenant la preuve formelle de la non-participation d'au moins l'un des inculpés aux crimes qu'il leur ont été reprochés".
En la circonstance, la sagesse administrative conseille de s'en tenir à la formule consacrée en droit que "le criminel tienne le civil en l'état".
La parole est à la Justice, saisie.
Il importe donc, à mon avis, d'attendre sa décision avant d'entreprendre une enquête administrative, en admettant qu'elle s'impose.
Le Commissaire Divisionnaire, Louis SPOTTI.
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Réaction de la Direction Générale
Le Directeur Général. 1 mars 50.
M. Valandie
Je veux avant tout avoir une enquête sérieuse de la P.J. sur cette affaire ; il est inadmissible que le chef régional de en P.J. se contente d'une phrase : "il est malheureusement possible ...". Son rôle n'est pas "d'attirer notre attention" sur cette affaire, mais d'avoir une opinion (puisque Le Leyour est à St-Brieuc) et de prendre ses responsabilités, au lieu de transmettre l'affaire en l'état à l'échelon supérieur.
Donc : d'abord un rapport fouillé de la brigade régionale.
(signature Bertaut)
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Refus officiel de révision
Parquet de Quimper. Quimper, le 8 mars 1950.
Le Procureur de la République à Quimper à Monsieur le Commissaire Divisionnaire, Directeur de la Police Judiciaire. Rennes,
J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en l'absence de tout fait nouveau de nature à faire croire à l'innocence des condamnés, il n'est pas possible, en l'état, d'envisager une révision de l'affaire concernant les nommés BOURMAUD et autres, condamnés par la Cour d'Assises du Finistère.
Le Procureur de la République, (signature).
Ministère de l'Intérieur. République Française. Paris le 18 mars 1950. Note pour Monsieur le Directeur Général de la Sûreté Nationale.
Objet : Assassinat du nommé LASSEAU René, à "La Salle-Verte" en Ergué-Gabéric (Finistère), le 23 Décembre 1946.
Référence : Ma note du 27 février 1950 et votre note du 1er mars 1950.
Comme suite aux notes citées en référence, j'ai l'honneur de vous transmettre, sous ce pli, une lettre du Procureur de la République à Quimper, signalant qu'en l'absence de tout fait nouveau il n'envisage pas une révision de l'affaire concernant les nommés BOURMAUD et autres, condamnés par la Cour d'Assises du finistère, à la suite de l'assassinat, le 23 décembre 1946, du nommé LASSEAU.
Le Directeur des services de police judiciaire, (signature)
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Rapport de Gaston Poux en 1949
Odieusement condamné, le 9 juillet 1948 à 15 ans de travaux forcés et à la peine accessoire de 20 ans d'interdiction de séjour par la Cour d'Assises du finistère, alors que je suis innocent, ma conscience et ma dignité d'homme se refusent à accepter cette iniquité. C'est le seul souci de faire reconnaître et proclamer mon innocence, hormis toute autre considération, qui m'a dicté de faire les déclarations ci-après. Elles permettront, j'en suis certain, de déceler et de faire établir la forfaiture, les calomnies et les faux-témoignages qui ont été monnaie courante dans les affaires MAZÉ et LASSEAU.
« Je déclare, ci-dessous, et cela de façon purement objective, ce que je sais, ce que j'ai entendu ou appris.
« Si j'ai, au cours de mes déclarations, exposé un seul fait contraire à la vérité, si j'ai tenté de diffamer ou de calomnier, il est indispensable que je sois poursuivi et cela avec d'autant plus de rigueur que les personnes, mises en cause par moi, auront occupé une situation plus haut placée.
« D'autre part, dans tout ce que je vais exposer, il ne s'agit que de faits, d'arguments me concernant seul, car ayant été absolument étranger aux affaires MAZÉ et LASSEAU, je ne puis prendre sur ce terrain, ni une position favorable, ni une position défavorable pour aucun des trois autres inculpés.
§ Suite - pages 2 à 5
- « Après avoir été l'objet d'une perquisition infructueuse, - (j'aurais été, parait-il, détenteur d'un prétendu dépôt d'armes), - au cours de l'après-midi du 4 février 1947, j'ai été arrêté à mon domicile, le même soir à 22 h 25, de façon illégale. Je dis bien : "arrêté illégalement", c'est-à-dire, sans aucun mandat d'arrêt et passé l'heure légale. Je me suis plaint, au Parquet de Quimper, de cet arbitraire à deux reprises.
La première réponse que j'ai reçue de cet organisme judiciaire a été la suivante : "Je n'avais jamais été arrêté, mais simplement convoqué". - La seconde réponse ne m'est pas encore parvenue. Pourtant ma seconde plainte date du 15 mars 1949, et établit de façon évidente qu'il s'est bien agi d'une arrestation véritable, puisque ce fait a été reconnu, à son insu il est vrai, par le policier qui a donné l'ordre d'y procéder : Monsieur le Commissaire Georges LE LEYOUR, dans sa déposition à Monsieur le Juge d'Instruction HERVE - (Pièce 806 du dossier) - Il n'y a donc pas à ergoter à ce sujet.
Cette arrestation, ainsi que celle de 3 autres, avait été décidée, déclare Monsieur le Commissaire LE LEYOUR (Pièce 806) à la suite de l'audition "verbale", par l'Inspecteur-Chef BLEUVEN, de la Veuve PIEDNOIR. - Je reviendrai, plus loin, sur les dépositions de la Veuve PIEDNOIR et sur les modifications qu'elles ont subies. -
Il sera bien plus intéressant, pour le moment, de prendre connaissance et de rapprocher les uns des autres, les dépositions de FILLIS, de QUINET et de la Veuve PIEDNOIR, dans les passages où je suis mis en cause. On y remarque que l'expression "Politique" figure dans chacune d'elles et s'y retrouve, telle une obsession.
Il y a à cela une raison, et c'est bien d'une obsession qu'il s'agit ; mais le manque de mesure de l'auteur réel de ces dispositions, le trop de confiance qu'il a en lui, la quasi-certitude qu'il a de ne pas être démasqué, font que Monsieur le Commissaire LE LEYOUR, malgré toute son ingéniosité à commettre des "faux en écritures politiques" se trahit lui-même à son insu.
Il suffit d'ailleurs de rapprocher attentivement mes dépositions de FILLIS de celles de QUINET, pour y trouver une similitude certaine, sinon dans la forme, du moins dans l'argumentation . FILLIS m'a d'ailleurs avoué et affirmé à plusieurs reprises, que sa déposition avait été copiée sur celle de QUINET, et "arrangée" pour que cela ne se voit pas, par monsieur le Commissaire LE LEYOUR, lui-même. (FILLIS pourra, je l'espère, donner tous éclaircissements à ce sujet). Cette affirmation, il me l'a faite en octobre 1947, alors que l'instruction était close et non avant, contrairement au témoignage du surveillant LE BERRE, de Mesgloaguen, qui a déclaré à la barre : -"que les inculpés pouvaient communiquer entre eux", - ce qui était une impossibilité matérielle absolue à cette époque là, soumis que nous étions à un secret extrêmement rigoureux (le surveillant LE BERRE est un beau-frère de Monsieur MASSREU).
Pour que M. le Commissaire LE LEYOUR se serve de l'expression et de l'argument "politique", il faut qu'il ait une raison pour cela. Mais il ne peut l'exposer, sous peine de se démasquer, en tant
"qu'instrument". Je n'en veux pour preuve que le faux-témoignage dont il s'est rendu coupable, en janvier 1948, à la barre des Assises, dans l'affaire POUX - CABILLIC, affaire dans laquelle il était le seul témoin. Ce faux-témoignage le voici : questionné par M. le Président DELON, sur le point de savoir si le Commissaire LE LEYOUR avait déjà eu à s'occuper de soi, ce dernier a répondu que : - "Jusqu'à l'affaire LASSEAU (décembre 1046) il n'avait jamais eu, et en aucune circonstance, à s'occuper de moi". Or, M. le Commissaire LE LEYOUR avait déclaré à M. le Juge d'Instruction HERVE (Pièce 206) : - "qu'il s'était intéressé à mes activités politiques, peu après son arrivée à Quimper, et qu'il m'avait signalé à l'attention de Préfet." -
Le faux-témoignage, sciemment voulu, est donc indéniable.
Je dois signaler, également, la grotesque parodie de confrontation faire par M. le Commissaire LE LEYOUR, dans con cabinet, le 5 février 1947 entre : FILLIS - POUX d'une part, et QUINET - POUX d'autre part. FILLIS et QUINET m'ont informé, depuis, des recommandations (biens spéciales) que leur avait fait M. le Commissaire LE LEYOUR, avant que l'un et l'autre soient mis en ma présence.
Il peut être intéressant d'autre part, d'apprendre "qu'amené au Commissariat à 22 h 45 environ, je suis resté jusqu'au lendemain dans l'après-midi, sans être fouillé". Cela me paraît surprenant. Ce n'est d'ailleurs pas M. le Commissaire LE LEYOUR qui s'est aperçu de cet "oubli" mais un Inspecteur mieux qualifié et étranger à Quimper.
J'en arrive maintenant à un autre aspect du "Travail" de M. le Commissaire LE LEYOUR. - Il lui fallait "avoir POUX", mais pour se faire inculper dans les affaires MAZE et LASSEAU, la seule affirmation calomnieuse que j'aurais pu dire "d'aller là" était insuffisante, il fallait la renforcer, l'étayer par autre chose. Le Commissaire LE LEYOUR a été très intelligent. Comme il ne pouvait pas me faire participer directement à ces deux affaires, ce qui aurait été une autre maladresse de sa part, car l'alibi que j'aurais fourni et les témoignages de nos clients, s'y seraient opposés, il a préféré m'y faire participer indirectement en tant qu'instigateur et complice. D'où les prétendues "réunions" dans la petite salle de mon café (cela n'a jamais existé, ma femme peut l'affirmer, puisqu'elle était constamment à la maison) et l'inclusion, dans les dépositions de QUINET (dont M. le Commissaire LE LEYOUR est le créateur-rédacteur) :
a) - de la remise, par moi, à QUINET, d'une pince universelle (affaire MAZE).
b) - de la remise par moi, à QUINET, d'un pistolet 6.35 (affaire LASSEAU).
À ce moment, et de ce fait, j'étais considéré légalement comme complice. - Ceci est une habilité professionnelle, que seul un homme sans scrupules, un "policier marron" pouvait employer. - Si je vous dis sans ambages ce que je pense, ce que "je sais être La vérité", je le fais aussi dans ce domaine, afin que la grande famille de braves gens, famille qui a nom "Police" ne se laisse pas discréditer, ne me laisse pas souiller, par de cyniques malfaiteurs de l'acabit de celui que je viens de démasquer.
Puis, M. le Commissaire LE LEYOUR disposant d'une femme qu'il
"tenait" (Veuve PIEDNOIR) - d'un romanichel, indicateur-provocateur (FILLIS) et d'un minus-habens (QUINET) a créé, pour les besoins de la cause : la bande X... devenue ensuite la bande à POUX - (Banden Laouen) bande qui n'a jamais assisté telle que l'a composée le Commissaire LE LEYOUR.
Malheureusement pour le Commissaire LE LEYOUR, QUINET en se rétractant le 13 mars 1947, a vendu la mèche. Il a tout dévoilé en reconnaissant que jamais je ne lui ai remis : ni un instrument ni une arme quelconque ; il a mis, de ce fait, en pleine lumière, la forfaiture de Monsieur le Commissaire LE LEYOUR. J'insiste sur le fait que QUINET a toujours mantenu ses rétractations, malgré les moyens de pression employés contre lui, à plusieurs reprises, tendant à le faire "revenir" "dessus". Il pourra le dire, en cas de besoin, j'espère.
Aux assises, d'ailleurs, l'attitude de QUINET fut édifiante. Pour bien comprendre ce que je vais dire, il ne faut pas perdre de vue que QUINET est un minus-habens, reconnu légalement, (responsabilité légèrement atténuée) et très influençable. - QUINET accuse formellement LE LEYOUR, mais trop impressionné, commotionné, puis-je dire pour mieux rendre ma pensée, il veut dire à ce moment la vérité, mais il ne le peut pas : il bafouille lamentablement et ne répond aux questions du Président, M. le Conseiller GIFFARD, que par ces syllabes : "C'est le Commissaire LE LEYOUR, c'est le Commissaire LE LEYOUR". Chaque question du Président amène, invariablement la même réponse : "C'est le Commissaire LE LEYOUR". -
Lorsque j'aurai ajouté que l'intelligence est l'instruction de QUINET ne sont pas très développées, ce que je viens de relater permettra d'y voir clair ety de se faire une opinion.
Avant d'aller plus loin, j'estime nécessaire de rapporter, une partie de la conversation échangée le 5 février 1947 vers 9 h entre le Commissaire LE LEYOUR et moi, dans son bureau. Lui ayant demandé s'il était exact qu'il ait employé FILLIS comme indicateur, il m'a répondu affirmativement, ajoutant : "qu'il ne lui avait rien apporté de bien intéressant". Puis il m'a confié que "Commissaire de Police avant la guerre, il avait mené de nombreuses et difficiles enquêtes et que dans l'affaire LASSEAU (Salle Verte) et là je cite : "S'il n'y avait eu que "ceux" (je veux être poli) de la Brigade mobile de Rennes, l'affaire traînerait encore, mais, a-t-il ajouté, heureusement je m'en suis occupé seul, et elle a abouti."
Ceci posé, j'attire l'attention sur le fait que, par cette simple déclaration, M. le Commissaire LE LEYOUR revendiquait la paternité et, par conséquent, assumait seul la responsabilité de tout ce qui avait été fait, en ces affaires, dans le domaine policier. L'expression "Je m'en suis occupé seul" le met en évidence absolue.
S'il y avait le moindre doute sur la sincérité de mes déclarations, il suffirait de se reporter au dossier (pièce 206) dans laquelle M. le Commissaire LE LEYOUR reconnaît que : "Bien que l'affaire LASSEAU se soit trouvée en dehors du territoire de ma circonscription, et devant le peu de résultat de l'enquête, il en avait pris lui-même la direction. Or, Ergué-Gabéric, commune située à plus de 6 kms de Quimper ne peut, à mon sens, être considérée comme faisant partie de Quimper. Il me semble donc anormal
que M. le Commissaire de Police LE LEYOUR ait pu prendre en main la direction d'enquêtes qui ne devaient être normalement menées que par la Gendarmerie et la Police Judiciaire.
Je vais à présent, examiner grosso-modo la "déposition" de la veuve PIEDNOIR à la Police Quimpéroise. Une phrase d'une extrême importance attire mon attention, la voici : "Mon mari m'a dit que l'auteur du meurtre était BOURMAUD". Ceci est catégorique. Puis, plus loin : "Il s'agissait d'une carabine américaine du modèle que vous me présentez", je ferai remarquer que, dans une seconde déclaration, la femme PIEDNOIR modifie cette déposition. Elle dit à ce moment : "Il s'agissait d'une carabine américaine pareille à celle que vous me décrivez". - Je poursuis ma lecture et trouve encore, toujours déclaré par la veuve PIEDNOIR : "Mon mari a connu le meurtre le lendemain par les journaux achetés chez PUIX."
- Je vais m'arrêter à ces trois citations. Elles seront suffisantes pour établir ce que je veux démontrer, c'est-à-dire, "les arrangements" apportés, indépendamment d'autres à la déposition de la veuve PIEDNOIR/ -
Prenant la première, je remarque que, dès que la veuve PIEDNOIR est mise en présence de M. le Juge d'Instruction (donc soustraite à ce moment à l'influence de la police) sa déposition est totalement différente. Elle ne dit plus : "que le meurtrier était BOURMAUD", - mais que - "Mon marie m'a dit qu'il avait eu l'idée que ..." ce qui, chacun en conviendra, n'est plus qu'une opinion dubitative purement personnelle et présente une différence formidable avec la première version.
On pourrait être tenté de croire que la veuve PIEDNOIR, qui jouit d'une instruction rudimentaire et d'une intelligence peu développée (ex-domestique de ferme chez M. LASSEAU, je crois) ne se rend pas compte très exactement de la valeur des mots, ce qui est possible. Mais il y a quelqu'un à qui cela n'échappa pas, c'est le rédacteur de la déposition, et il en profite.
Quelqu'un toutefois trouve cela bizarre : c'est le Magistrat-Instructeur. Pour qu'il fasse déclarer et maintenir, par ma veuve PIEDNOIR, les termes que : "son mari avait eu l'idée que ...", il faut que ces termes, et ceux-là seuls, soient l'expression de la vérité.
Je dois ajouter qu'il n'a été tenu aucun compte de cela, tant au cours de l'Instruction, qu'aux Assises. S'il en avait été autrement, toute la procédure, toute l'accusation s'effondreraient.
Je passe maintenant à la "farce" de la "Carabine américaine". - Deux dépositions de la veuve PIEDNOIR, à la Police Quimpéroise s'possosent ; - dans l'une, il s'agit d'une carabine américaine identique à celle qui lui est présentée ; dans l'autre, il s'agit d'une carabine américaine (toujours) identique à celle qui lui est décrite. Il s'agirait de s'entendre ; ou bien on lui a présenté, ou bien on lui a décrit cette arme. Qui donc ment ? Car il y a forcément un menteur ; veuve PIEDNOIR ou Police.
La vérité est la suivante : l'auteur de la déposition se fiche éperdument de tout. Ce qu'il importe pour lui, et cela seul, c'est bien mettre en évidence qu'il s'agit d'une "carabine américaine". Pourquoi ? Parce que, d'après les enquêtes, le jeune René LASSEAU aurait été assassiné au moyen d'une carabine américaine. Le menteur est donc du côté Police.
§ Suite - pages 6 à 10
En voici la preuve : - Cette prétendue carabine américaine dont il est question dans la déposition, je vais la ramener à des proportions beaucoup plus modestes : il s'agit, en vrai, d'une carabine de tir forain, du calibre 6 m/m. Là encore, on ne pensait pas être démasqué, mais ... on avait oublié qu'il existe au dossier un P.V. relatant l'extraction de la porte de la cuisine de la veuve PIEDNOIR, d'une balle en plomb, de ce calibre. Donc, certitude absolue du mensonge que l'on a fait dire à la veuve PIEDNOIR.
J'en arrive au 3e argument : "mon mari a connu le meurtre le lendemain, par les journaux achetés chez POUX". - Je ferai remarquer qu'aucun journal n'a parlé du meurtre le 24 (lendemain du meurtre), aucun journal n'a paru le surlendemain 25 (Noël) ; ce n'est que par les éditions du 26 que le meurtre a été porté à la connaissance du public;
Pourquoi donc la veuve Piednor ment-elle ? et là, je vais me permettre une hypothèse fort plausible, que j'exprimerai sous la forme d'une simple question et de son corollaire : "Comment peut-il se faire que Jean PIEDNOIR ait été au courant du meurtre, le lendemain matin ?". Je puis supposer qu'il n'avait pas besoin de journaux pour "être au courant" du meurtre et que la fable de la lecture des journaux n'a été imaginé que pour égarer les soupçons. Ce qui est d'une très grande habilité.
De plus, pourquoi cette précision "voulue" : "achetés chez POUX", sinon dans un but nettement déterminé : renforcer l'accusation en "situant" le fait.
J'en arrive à présent à poser la question : - "Pourquoi ces trois arrangements ?" (il y en a bien d'autres). Sinon dans un but inavouable, tant il est ignoble, but qui n'échappera à personne.
Ce même but n'échappera pas, non plus, lorsque j'aurai mis en lumière plus loin, d'autres faits dignes d'intérêt, en particulier dans les dépositions de FILLIS et de QUINET.
Pour l'instant, je me bornerai à mettre en évidence, deux petits faits similaires, mais, en apparence, négligeables : le premier est le communiqué fait à la presse et paru dans les éditions du 5 février 1947, aux termes duquel ce serait à la suite des "révélations" faites par Jean PIEDNOIR à l’aumônier de l'hôpital, sous le sceau du secret confessionnel, que "les coupables" auraient été arrêtés. Soit dit en passant, Jean PIEDNOIR était un athée. Ce communiqué, dont l'auteur était le Commissaire LE LEYOUR ayant provoqué un émoi considérable, il fallut le démentir le lendemain, c'était donc un échec.
Mais ayant échoué sur ce terrain, il fallait se rattraper ailleurs, car et "j'insiste là-dessus", le procédé des "révélations" des confidences est très commode, et pas du tout compromettant : il permet de prêter à un mort des propos qu'il n"a jamais tenus. Cela présente de plus l'avantage d'être incontrôlable. D'où sécurité ...
Mais une ignominie supplémentaire cela ne compte pas, c'est pourquoi M. le Commissaire LE LEYOUR n'a pas hésité à la commettre et le second "petit fait" dénoncé plus haut, le voici : Ce sont tout simplement les prétendues "confidences" faites à sa femme par Jean PIEDNOIR.
Je suis mieux placé que quiconque pour affirmer hautement que les "confidences" de Jean PIEDNOIR ne sont qu'un mythe. Elles n'ont jamais existé.
De plus, lorsqu'il s'agit de faire d'aussi graves déclarations
la chose est d'une importance telle qu'il est impossible d'admettre que : si les prétendues confidences de Jean PIEDNOIR avaient été une réalité, sa femme n'en aurait pas répété les termes exacts sans y apporter aucune variante et cela en toutes circonstances. Nous en sommes donc fort loin.
Je laisse aux personnes qualifiées le soin de tirer les conclusions logiques de ce que je viens d'exposer.
En outre, je signalerai un incident qui s'est produit aux Assises de Juillet 1948 : Le Commissaire LE LEYOUR a été formellement accusé par FILLIS de manœuvres malpropres au sujet d'un "trafic d'or". - Tout le monde a nettement remarqué la franchise, l'accent de sincérité de FILLIS à cet instant-là, ainsi que l'attitude piteuse du Commissaire LE LEYOUR qui, débout à la barre, n'a élevé aucune protestation.
Voici, à présent, d'autres choses : - Le 5 février 1947, FILLIS interrogé par la Sûreté Quimpéroise et malgré l'insistance des Inspecteurs, ne passe aucun aveu. Le Commissaire LE LEYOUR arrive sur ces entrefaites, de mande à tous les Inspecteurs présents de sortir et de le laisser seul avec FILLIS. Ils restent donc tous deux dans la pièce et 10 minutes après (déposition de KERDERRIEN du 20 octobre, au dossier). LE LEYOUR annonce triomphalement que "FILLIS a avoué". Cela semble extrêmement bizarre et KERDERRIEN en fait état dans sa déposition, il va même beaucoup plus loin en ajoutant que "d'après lui la déclaration de FILLIS est sans valeur" (Or, M. KERDERRIEN fait fonctions de Secrétaire de LE LEYOUR). Quelque chose de secret s'est donc passé entre FILLIS et le Commissaire LE LEYOUR qu'eux seuls peuvent dire.
- Il y a indiscutablement quelque chose de sérieux que FILLIS redoute. - Il est indiscutablement menacé de "quelque chose", mais s'il accepte ce que lui propose le Commissaire LE LEYOUR, il sera tranquille. Ce qui explique ces paroles de LE LEYOUR à FILLIS : "C'est le seul moyen pour toi de t'en tirer!" et les "aveux" de FILLIS ou plutôt, pour être juste, l'acceptation par FILLIS, de jouer le rôle de faux témoin.
J'ai eu l'occasion au début de 1949 à Mesgloaguen, au cours d'une promenade de m'entretenir avec FILLIS. Il m'a dit qu'il était innocent. C'est alors que je lui ai rappelé une phrase de sa déposition à la Police Quimpéroise ; la voici : "Je suis obligé de reconnaître que j'ai participé à l'affaire de la "Salle-Verte" et je lui ai fait remarquer qu'un innocent n'aurait pas fait semblable déclaration. Mon observation l'a mis en colère et il m'a répondu : "Qu'il n'avait jamais dit cela ; que le Commissaire LE LEYOUR lui avait fait signer cette déclaration sans lui en faire connaître la teneur". Cela me semble impossible pour la raison que cette déclaration est assez longue, que la "bonne foi" de FILLIS n'a pu être surprise et qu'il me parait inadmissible qu'un homme intelligent et avisé comme l'est FILLIS ait accepté de signer "de confiance" un document dont il aurait ignoré la teneur, d'autant plus qu'il se trouvait lui-même dans des conditions particulières à ce moment.
Deux logiques s'imposent alors à l'esprit : ou bien FILLIS était coupable et dans ce cas, il est loyal et logique qu'il le reconnaisse, ou bien FILLIS est innocent, mais a d'autres méfaits à se reprocher que seul connait le Commissaire LE LEYOUR. Pour éviter d'être inquiété pour cela (ça doit vraiment en valoir la peine) FILLIS accepte donc d'être de connivence avec LE LEYOUR pour
s'accuser lui-même, ce qui rendra vraisemblable les accusations calomnieuses qu'il portera contre moi et les autres. Ceci explique bien le : "C'est le seul moyen pour toi de t'en tirer", relaté ci-dessus.
FILLIS cache donc (et LE LEYOUR aussi) quelque chose de très, très grave parce qu'il est de son intérêt d'agir ainsi.
Où les choses ont failli se gâter c'est lorsque FILLIS a été mis en présence du Juge d'Instruction. À ce moment il ne m'a plus accusé pour l'affaire LASSEAU : plus Jamais, - mais il a continué à le faire sur le terrain "Politique" (nous y voilà revenus) pour en définitive, reconnaître le 17.10.1947 lors de la confrontation générale "que, là-dessus, il avait beaucoup exagéré". -
Je signale un sursaut de conscience supplémentaire de FILLIS qui s'est produit le 10.10.1947, donc peu avant la confrontation générale. FILLIS parlait, par la fenêtre, à un autre détenu nommé LE BOUIL et lui disait : "POUX est innocent. Il faut le faire sortir et exiger la confrontation générale". Ces propos ont été entendus d'un autre détenu nommé Lois LABBLE et portés à la connaissance du Parquet, par déclaration écrite et signée du dit LABBLE.
FILLIS m'a révélé une partie de ce qui s'est passée entre le Commissaire LE LEYOUR et lui. Il m'a dir que "sa déposition avait été copiée sur celle de QUINET (elle-même oeuvre de LE LEYOUR) ; qu'elle avait été arrangée d'un commun accord et que le Commissaire LE LEYOUR prenait son avis à certains passages, en lui demandant : "Est-ce que ça va comme ça ?".
Que s'était-il passé d'autre part entre QUINET et LE LEYOUR ? Mêmes bizarreries que pour FILLIS, mêmes choses étranges : QUINET interrogé par la Sûreté de Quimper ne passe aucun aveu. Le Commissaire LE LEYOUR arrive, fait sortir tout le monde et reste seul avec QUINET. Quelques minutes après, le Commissaire LE LEYOUR déclare triomphalement que "QUINET a avoué". Cette scène a eu lieu rue Laënnec.
QUINET auquel j'ai fait remettre un questionnaire, en janvier 1948, aux fins de tenter de connaître les raisons pour lesquelles il m'avait accusé calomnieusement, alors qu'il avait parfaitement bien que j'étais innocent, m'a répondu de sa main, que "c'était pour ne plus être battu par ceux de Quimper". Je pourrais fournir ce questionnaire en cas de besoin : mes questions et leurs réponses, ainsi que mon appel pour QUINET dise la vérité.
Plus tard, QUINET m'a confié que "Comme fou, ne sachant plus ce qu'il faisait, il n'avait répondu que par oui ou par non aux questions que lui posait LE LEYOUR, en rédigeant sa déposition.
Comment peut-il se faire que QUINET, se disant innocent par la suite, ait pu porter de telles accusations contre moi ? (qu'il a reconnues fausses le 13 mars 1947 (Voir ci-dessus). Là encore un profond mystère dont lui et LE LEYOUR connaissent seuls le secret (revoir ce que j'ai dit au sujet de l'attide de QUINET aux Assises).
Il me parait nécessaire de rappeler que QUINET est resté 5 semaines avant qu'il se rétracte, ce qui dénote, (au cas où il est innocent), une puissance de volonté peu commune, mais que, depuis ce moment, il a toujours maintenu ses rétractations et la déclaration "qu'il avait menti dès le début", malgré deux interventions
du Juge d'Instruction, ayant pour but de l'amener à revenir sur ses rétractations. Il m'a cependant, jamais voulu dire pourquoi, il m'avait accusé calomnieusement.
Pour faire comprendre le délai de 5 semaines observé par QUINET avant de se rétracter, je rappellerai les paroles de son avocat, Me BELLANGER, aux Assises. Les voici : "Dès que j'ai approché QUINET, je lui ai trouvé une attitude bizarre. Il se méfiait de moi."
Or, dès que moi, POUX, j'ai pu causer avec QUINET à ce sujet, il m'a confié : "Oui, je n'avais pas confiance en mon avocat, parce que c'était le Juge et LE LEYOUR qui l'avaient désigné, et comme j'avais été brutalisé par ceux de la Sûreté de Quimper, je m'avais pas confiance en lui." -
Il est toutefois, extrêmement curieux que, lors de la seconde reconstitution à la "Salle Verte", QUINET ait déclaré à M. LASSEAU : "Si j'avais su que c'était chez vous qu'on m'envoyait, je ne serais sûrement pas venu." Ces paroles ont été confirmées par M. LASSEAU à la barre. Il n'y a donc aucune erreur possible là-dessus, et QUINET ne fera jamais admettre à qui que ce soit, qu'un innocent comme il se prétend être, aurait dit cela s'il l'était vraiment.
S'il est coupable, il est indispensable de l'amener, par tous les moyens à dire la vérité, ainsi qu'à faire connaître qui l'aurait envoyé chez M. LASSEAU et avec qui il y serait allé ?
Quand, à force de le questionner, il sent qu'il pourrait lâcher quelque chose de compromettant, il se cabre et ne répond que "Je ne sais pas pourquoi. Je ne me souviens de rien". Il est un peu surprenant qu'il ne se souvienne de rien lorsqu'il peut y avoir un "danger" pour lui, à se remémorer, mais qu'il se souvient parfaitement de faits "anodins" bien antérieurs à ceux-là.
QUINET a toujours prétendu que, s'il m'avait accusé faussement au début, c'était pour ne plus être brutalisé. Il s'embrouille dans ses explications, puisqu'il reconnaît avoir tenu les propos cités plus haut à M. LASSEAU, de son plein gré, librement et sans contrainte.
QUINET ment sciemment ou est un simulateur amnésique. Une visite d'un "spécialiste" serait nécessaire, je crois.
Il est profondément curieux que QUINET se plaigne de ce que LE LEYOUR lui ait promis quelque chose : "LE LEYOUR m'avait fait de belles promesses", dit-il. Or, de cela, il se rappelle parfaitement bien. Mais lorsqu'il lui est demandé d'énoncer "ce qu'étaient ces promesses", il ne s'en souvient plus. Étrange ... Conduite digne d'un fou, ou plutôt d'un vicieux, simulant l'amnésie. Seul un spécialiste pourrait être formel à ce sujet. Et je crois qu'un sérieux examen de QUINET s'impose.
Au point de vue "mentalité" de cet individu, je rapporte ici, les propos qu'il a tenus à Mesgloaguen, lorsque le pourvoi en cassation était en instance : "Je n'ai pas intérêt à ce que le pourvoi en cassation soit accepté". - Il n'y a lieu à aucun commentaire, je crois.
Et, pour en terminer, voici le "bouquet" : à Rennes, en cellule avec BOURMAUD et moi-même, nous questionnons QUINET pour tenter d'obtenir de lui quelques renseignements utiles. Alors que nous nous y attendions le moins, il nous dit, en parlant des policiers : "Ils avaient tous beau être très malins, quand ils me questionnaient, je leur répondais que ce que je voulais." - (J'ai respecté scrupuleusement
les paroles, la façon dont s'est exprimé QUINET).
QUINET a, de plus, nié être jamais allé à la Salle-Verte. C'est un mensonge supplémentaire : il est allé à la Salle-Verte à l'occasion de son travail (collecte des petits pois et des pommes de terre) avec son compagnon Jean LOCH, conducteur de camion de la Maison Bourhis, Grains, route de Rosporden à Quimper. S'il nie être jamais allé à la "Salle-Verte", avant le meurtre, c'est donc qu'il a un intérêt majeur à mentir.
Il s'embrouille, encore et toujours, lorsqu'il reconnaît les paroles répétés à la barre par M. LASSEAU "si j'avais su que ... etc.", cela tient à un manque de mémoire, phénomène bien naturel observé chez tous les menteurs, car il ne peut plus se souvenir de tout ce qu'il a dit, il ne se souvient plus entre autres de ses accusations calomnieuses du début à mon égard : "Le soir du meurtre, POUX m'a remis un 6.35, pour aller chez M. LASSEAU". Dans ses accusations calomnieuses (déposition Commissaire LE LEYOUR) il savait qu'il allait chez M. LASSEAU et lors de la 2e reconstitution il ne le savait pas ... quelques 3 jours après ... Qu'y comprendre ? Peut-être et tout simplement que "la leçon a été mal comprise, mal comprise et mal retenue".
Pour mieux me faire comprendre, je vais relater deux scènes de confrontation qui eurent lieu, rue Laënnec. Voici :
- QUINET est seul dans une salle au 1er étage. Il est assis sur une chaise, le visage regardant le mur. Un Inspecteur introduit BOURMAUD et lui demande en lui désignant QUINET :
- Tu connais cet homme-là ?
- Oui, c'est QUINET - répond BOURMAUD.
- Dis-lui bonjour.
- Bonjour QUINET.
- Bonjour BOURMAUD.
Sur ce, l'Inspecteur ordonne à QUINET : "Alors QUINET, raconte ce que tu as à dire."
Et QUINET de dire, tout de go, telle une leçon apprise :
- C'est POUX le chef de bande. C'est BOURMAUD qui a tué. Moi et Freddy (FILLIS) nous étions dans la voiture sous la menace de POUX et BOURMAUD."
BOURMAUD répond immédiatement :
- Pourquoi mens-tu QUINET ? Tu sais bien que ce n'est pas moi qui ai fait cela? Aies au moins le courage de dire la vérité".
- Je dis la vérité, répond QUINET, c'est POUX le chef de bande, c'est nous qui avons fait cela.
À cet instant précis, un autre Inspecteur prend QUINET par le bras et le fait sortir : "Viens, pauvre vieux. - Il est fatigué."
Environ 10 minutes ou 1/4 d'heure après cette "confrontation". Dans la même salle se trouvent des Inspecteurs de la Sûreté de Quimper et BOURMAUD. FILLIS entre et dit :
- Bonjour BOURMAUD.
- Bonjour Freddy.
Sur ces amabilités, un Inspecteur ordonne à FILLIS : "Dis ce que tu as à dire." -
FILLIS déclare alors tout de go, telle une leçon apprise :
§ Suite - pages 11 à 15
- C'est BOURMAUD qui a tué. C'est POUX le chef de bande, et c'est moi qui ai conduit avec ma voiture.
BOURMAUD répond immédiatement :
- Je n'ai jamais tué personne et POUX n'a jamais été mon chef en quoi que ce soit. Tu sais bien FILLIS que tu mens. Je n'ai monté qu'une fois dans ta voiture : c'était le jour de l'enterrement de PIEDNOIR." -
À cet instant, un Inspecteur s'adressant à BOURMAUD lui dit : "Tu sais que POUX se drogue. Est-ce qu'il ne t'aurait pas fait une piqûre pour le faire faire cela à ton insu ?" -
Ce qui attire la réponse suivante de BOURMAUD :
- Je ne me suis jamais fait faire de piqûre et il est impossible qu'on m'ait piqué à mon insu."
FILLIS, intervenant et enchaînant dit alors :
- Oui, BOURMAUD, mais si tu as bien remarqué, POUX a un drôle de regard, qui te fixe et il aurait pu t'hypnotiser et de faire cela sans que tu le saches !" -
Il s'attire la réponse suivante :
- Tu sais bien que des choses comme ça n'existent pas.
Sur cette réponse, FILLIS est retiré de la salle. Il y revient quelques instants après. Des inspecteurs sont placés derrière lui, parmi lesquels BOURMAUD reconnaît : le Commissaire LE LEYOUR et l'Inspecteur chef BLEUZEN. Aussitôt entré, FILLIS s'adressant à BOURMAUD, lui dit :
- Tu vois, mon vieux BOURMAUD, tu es en train de te faire massacrer, tu ferais mieux de dire la vérité. Dis ce qui est ! -
BOURMAUD lui répond :
- Tu sais bien que je suis innocent. Tu m'accuses d'une chose que je n'ai pas faite. Qui te pousse à faire cela ? Rappelle-toi : je ne suis monté dans ta voiture qu'une seule fois et c'est le jour de l'enterrement de PIEDNOIR. Aies au moins le courage de me regarder en face, si tu n'es pas un lâche." -
Sur cette énergique apostrophe FILLIS se retourne vers les Inspecteurs et leur dit : "Eh bien oui ! BOURMAUD dit la vérité, ce n'est que le jour de l'enterrement de PIEDNOIR qu'il est monté dans ma voiture. Vous avez monté une sale combine et vous nous poussez les uns contre les autres pour qu'on s'accuse mutuellement. BOURMAUD dit la vérité : Ce n'est pas nous qui avons fait cela." -
FIILIS est immédiatement "retiré" de la salle. Point besoin n'est, je crois, d'insister, l'évidence est là, elle gît dans la similitude absolue des termes employés par FILLIS et QUINET : "C'est BOURMAUD qui a tué. C'est POUX le chef de bande".
J'en arrive, à présent, aux propos de FILLIS, renouvelés dans sa déposition à la police Quimpéroise : "POUX a un drôle de regard, qui te fixe et il aurait pu t’hypnotiser !" -
FILLIS et BOURMAUD hypnotisés par moi, parce que j'ai les yeux brillants (un regard sévère, peut-être) parce que je regarde toujours en face la personne à laquelle je m'adresse ?
De même que, lorsque l'hypothèse est émise que j'aurais pu "piquer" ou FILLIS ou BOURMAUD, à leur insu, ne croit-on pas rêver ?
Pour que de telles absurdités, des inepties de cette taille,
puissent être seulement émises, cela dépasse l'entendement. On a l'impression fort nette qu'il s'agit bien là, d'une "histoire de fous".
Les deux scènes de confrontation, ou plutôt de ce qu'on nomme pompeusement confrontation, ont dût profondément écœurer les Inspecteurs de la P.J. - Ils se sont certainement rendus compte eux qui sont spécialisés en matière criminelle, de l'ignoble travail dont le Commissaire LE LEYOUR voulait les faire complices et, refusant de s'y prêter plus longtemps se sont retirés.
En résumé : Le Commissaire LE LEYOUR est un "instrument" - Je n'ai pas à dire dequi. -
a) - Il "tient" la veuve PIEDNOIR.
Il sait qu'elle est complice de feu son mari dans l'affaire MAZE.
Il lui promet l'impunité à condition de "faire ce qu'il lui dira". La veuve PIEDNOIR accepte. D'où la monstrueuse et machiavélique invention par LE LEYOUR, des prétendues confidences. Ce qui présente, en outre, pour la veuve PIEDNOIR l'avantage inestimable que voici : paraissant se faire l'auxiliaire bénévole de la Justice, nul ne saurait désormais faire peser le plus léger soupçon sur une femme honnête comme cette personne.
b) - Il "tient" FILLIS
Il "sait" que FILLIS a commis des actes graves que lui seul connaît. Les mêmes offres sont faites à FILLIS, qui comme pour la veuve PIEDNOIR, sont le seul moyen pour lui de s'en tirer. - FILLIS accepte. -
c) - Il emploie la même recette envers QUINET (celui-ci a été mêlé durant l'occupation à une affaire de tabac soustrait (vol à main armée) à l'Entrepôt de Quimper, pour les prétendus besoins de la Résistance, (mais en réalité, pour alimenter le marché noir). Peut-être QUINET est-il répréhensible pour d'autres faits ? C'est possible, je n'en sais rien. En tout cas QUINET, minus-habens, est reconnu par Dr. LAGRIFFE, médecin psychiatre : "un être très influençable, incapable de se conduire seul, dans la vie'.
Voici donc trois témoins ; trois faux-témoins, puis-je affirmer hautement, sans courir le risque d'un démenti. C'est plus qu'il n'en faut pour n'essuyer aucun échec, se dit le Commissaire LE LEYOUR. Mais, comme il ne pourrait m'attaquer aussi brutalement, il lui faut autre chose : de mauvais renseignements (il sera aidé en cela, plus tard, par la partialité évidente du magistrat instructeur Mr. HERVE). Ce n'est pas bien compliqué. Voici pourquoi :
"Je ne suis pas originaire du pays, je suis un étranger, dont "suspect". Ne me liant pas facilement, je suis jugé fier. Mon commerce de café-tabac, marchant bien, je suis jalousé. Si j'ajouterai à cela que, durant l'occupation, je me suis farouchement refusé à tout trafic clandestin, on conviendra avec moi que cette attitude n'était pas faite pour me "faire bien voir", comme on dit. D'autre part, à la Libération, j'ai signalé aux Autorités Légales du moment, ainsi que je l'ai toujours fait en toutes circonstances, le comportement de certains mauvais français : traîtres à leur patrie, collaborateurs, trafiquants. Ces autorités étaient : la Police, les bureaux militaires, le Contrôle économique, le Fisc.
J'ai eu également et de ce fait, à déposer, à témoigner dans certains procès. Cela ne m'a attiré que des ennuis et n'a suscité contre moi que de mauvais sentiments. Donc, gens disposés à se venger de moi, par n'importe quel moyen.
Voici donc l'ambiance favorable à la certitude d'obtenir de mauvais renseignements. À qui s'adresse-t-on ?
a) - À ma propriétaire Mme CARIOU, bouchère, avec laquelle je vis en fort mauvaise intelligence (voir plus loin la concernant, et en particulier le "guet-apens" qu'elle m'avait tendu, ainsi que toutes les indications concernant un prétendu dépôt d'armes dont j'aurais été possesseur.)
b) - À Robert BOURLAOUEN (locataire dans ma maison) ambulant aux P.T.T.. À la Libération, j'ai fait punir cet homme pour vol et détournement de matériel appartenant à la Marine Nationale. Cet homme a déclaré que j'étais un trafiquant de femmes ; accusation reconnue fausse. -
c) - À Alain CRAFF, un voisin. Celui-ce se borne à m'accuser d'être un homosexuel ; évidemment fausse accusation reconnue.
d) - À Lucien LE GOFF, route de Carhaix à Poullaouen, avec lequel j'ai été quelques mois en relations et que j'ai flanqué à la porte de chez moi. Cet homme m'a accusé d'attitudes outrageantes envers une jeune fille ; accusation reconnue fausse.
e) - À des confrères cabaretiers que j'avais signalés aux Organisations officielles de répression pour "marché noir".
À ce moment le complot étant fin prêt, l'offensive peut être prise contre moi.
Mais pourquoi tout ce luxe de précaution ? très simple : On me croit membre d'une organisation politique en opposition avec les communistes. - Cela n'a jamais existé. -
- On me croit membre d'un service d'espionnage politique. Cela n'a jamais existé, je m'y serais énergiquement refusé.
- On me croit des protections politiques que je n'ai jamais eues, car j'ai toujours voulu rester libre de moi-même, étant un indépendant ardemment attaché au régime républicain. Je me suis inscrit à aucun parti. Je n'ai jamais fait de politique et j'ai 56 ans. J'ai cependant collaboré, et cela de façon bénévole, à un hebdomadaire de vrais résistants, mais je n'ai jamais collaboré à un journal de Presse, quel qu'il soit.
Me voyant donc, bien à tort, un puissant personnage, on n'ose pas m'attaquer franchement, à visage découvert. Du fait de cette croyance erronée on m'estime "dangereux". Il faut donc à tout prix m'éliminer, me "liquider" (pour rester dans la note).
D'où mon inculpation calomnieuse. D'où le véritable complot fomenté contre moi, grâce à la forfaiture du Commissaire LE LEYOUR et aux complicités intéressées des trois faux-témoins, cités plus haut, sans omettre toutefois certains puissants personnages, soigneusement restés dans les coulisses.
Il s'est donc agi là d'un véritable assassinat moral dont je suis l'innocente victime.
Ce qui me confirme bien dans cette croyance du complot ce sont les paroles de M. l'Officier de Paix MICHOT, rue Laënnec, dans la nuit du 5 au 6 février 1947. Cet homme avait causé avec moi sur Socrate, puis de l'affaire LASSEAU, pour en définitive et avant de se
retirer, me confier ! - "En résumé, vous avez agi en redresseur de torts. Vous saurez à présent, M. POUX, qu'il en coûte parfois à chercher de s'occuper de ce qui ne vous regarde pas et de vous mêler des affaires de ceux qui ne vous demandent rien". -
Ces paroles sont restées gravées dans mon cerveau et ont été le trait de lumière qui m'a permis d'y voir clair, très rapidement car cet homme qui, de par ses fonctions, avait un contact étroit et de tous les instants, avec la Police Quimpéroise, tant avec la Sûreté (Inspecteur chef BLEUZEN) qu'avec le Commissaire lui-même (Georges LE LEYOUR), était obligatoirement "au courant", sans cela quelle "explication" pourrait-il donner des paroles que j'ai fidèlement relatées ci-dessus ? - Dans la tension d'esprit où je me trouvais, j'enregistrais avec soin, tout ce qui pouvait m'apporter une lueur, et je pense que nul me mettra en doute mon absolue bonne foi, car dans les circonstances où je me trouvais placé, j'enregistrais avec acuité, et des propos de ce genre ne se peuvent inventer. - Qui les a entendus une fois, s'en rappellera toute sa vie. -
Pour en terminer avec ce chapitre, je soulignerai qu'il est indispensable de connaître, pour se faire une opinion saine, qu'à l'origine de l'affaire, les communiqués à la Presse lui étaient fournis uniquement par le Commissaire LE LEYOUR. Cet homme a donc assumé une responsabilité supplémentaire terrible en ameutant la presse, en l'incitant même à se livrer à une campagne perfide, violente, qui à elle seule, a créé une psychose, une folie quasi-générale soigneusement entretenue, l'ambiance contre laquelle la Justice elle-même ne pouvait plus rien. Il ne s'agissait plus à ce moment-là que d'affaire "d'opinion publique" et la tension était telle, qu'il fallait que je sois condamné, alors même que j'étais et que je suis innocent.
Je n'ai personnellement de haine contre personne, mais seulement un profond mépris à l'égard de ceux qui m'ont calomnié et nul ne s'étonnera que je réclame, hautement, une punition exemplaire pour les auteurs et les complices de l’ignominie commise, ainsi que ma libération dont le couronnement sera la reconnaissance officielle de mon innocence et ma réhabilitation. -
...
§ Suite - pages 16 à 20
- Dans celle-ci qu'y a-t-il ? Les grenades ? - "Oui"
Puis à un autre voyage :
- Dans celle-là ce doit être les mitraillettes en pièces détachées.
- "Oui"
Puis encore :
§ Suite - pages 21 à 25
Il sera facile d'obtenu confirmation ou infirmation de cette petite scène car elle doit s'en rappeler. Si Melle Juillard confirme ce sera une preuve supplémentaire établissant que les prétendues "confidences" de Piednoir à sa femme n'ont jamais existé.
b) - Au début de janvier 1947, ...
§ Suite - pages 26 à 28
J'ai installé M. Gestin dans un fauteuil et lui ai dit que "nous étions en possession de renseignements qui seraient susceptibles d'amener l'arrestation du ou des coupable, mais que pour mener l'enquête, nous ne disposions pas de fonds et que dans ces conditions, nous avions pensé qu'il accepterait de se mettre en rapport avec son beau-frère pour lui demander s'il pourrait nous aider dans ce sens". M. Gestin ...
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1ère enquête de Kergoet en 1947
Rennes, 13 janvier 1947. 13ème Brigade Régionale de Police Judiciaire.
Le Commissaire de Police Judiciaire Kergoet Guy, à Monsieur le Commissaire Principal, Chef de la 13ème Brigade Régionale de Police Judiciaire à Rennes.
Objet : Homicide volontaire de M. LASSEAU René, 23 ans, cultivateur à la "Salle verte" en Ergué-Gabéric (Finistère)
Réfer. : C.R. en date du 24 décembre 1946 de M. Hervé, Juge d'Instruction à Quimper.
P. J. : 44 Procès-verbaux. 1 Commission Rogatoire en retour.
J'ai l'honneur de vous retourner, en y annexant les 44 procès-verbaux qui en ont été la suite, la Commission Rogatoire en date du 24 décembre 1946, de M. Hervé, Juge d'Instruction au Tribunal de Quimper, relative à la procédure suivie contre X... inculpé d'homicide volontaire sur la personne de M. LASSEAU René, 23 ans, cultivateur à la ferme de la "Salle Verte" en Ergué-Gabéric dans la soirée du 23 décembre 1946.
La ferme de la "Salle Verte" est située sur le territoire de la commune d'Ergué-Gabéric (Finistère) à environ 1 km à l'ouest du bourg. Elle comprend quatre corps de bâtiments ; un chemin bien encaissé et bordé de haies d'aubépine d'environ 150 m. relie en droite ligne la ferme au chemin de grande communication n° 15, qui mène d'un côté à la ville de Quimper distante de 4 kms, de l'autre à l'agglomération de Coray à 17 kms. 500.
§ Suite - pages 2 à 6
La ferme est isolée, et à part une autre maison habitée par le frère de Madame LASSEAU, qui s'élève à 200 m. plus loin à l'intérieur des terres, il n'est pas d'autre habitation à proximité.
La "Salle Verte' est exploitée par M. LASSEAU, 48 ans, et sa femme, vivant là avec leurs deux fils, Pierre, 18 ans et René, 23 ans, une bonne et un prisonnier allemand servant de valet.
Le 23 décembre 1946, après le repas du soir, c'est-à-dire vers 19 h 30, René LASSEAU, accompagné du prisonnier allemand, Walter BUSKIS, se rendit comme de coutume à l'écurie afin de soigner ses chevaux. Le travail se déroula normalement et sa tâche terminée, Walter BUSKIS, se disposait à sortir d'un appentis où il avait préparé la nourriture des chevaux, lorsqu'il vit arriver un inconnu qui, passant devant la maison d'habitation, se dirigea directement vers l'écurie que René LASSEAU se préparait à quitter. Arrivé à 3 ou 4 mètres de ce dernier, l'homme l'interpellait à deux reprises en disant "viens ici, viens ici", puis déchargea une rafale de mitraillette sur le jeune homme qui s'avançait à sa rencontre. Celui-ci s'écroula sans pousser un cri. Walter BUSKIS, craignant pour sa propre vie, se coucha précipitamment à terre et le meurtrier ayant vraisemblablement entendu bruit, déchargea une rafale dans sa direction. Puis, sans se presser, il revint sur ses pas, repassa devant la maison d'habitation sur la façade de laquelle il envoya une nouvelle rafale et disparut.
Le prisonnier allemand ne put donner qu'un signalement très imprécis de l'agresseur. Suivant lui, l'homme était de petite taille, 1 m 62 environ, coiffé d'un chapeau mou, chaussé de bottes et revêtu d'un imperméable genre américain ou anglais.
L'examen du cadavre par un médecin de Quimper permit de constater que René LASSEAU avait été frappé de 4 balles dont une avait atteint le cœur. La mort avait été instantanée.
La gendarmerie alertée immédiatement par l'oncle de la victime arriva à la ferme 2 heures plus tard.
Au cours de leurs constatations, les gendarmes récupérèrent 22 douilles de 11 m/m 25 dans la cour de la ferme, et relevèrent de nombreux points d'impact des balles sur les murs des bâtiments.
Leur attention fut immédiatement attirée par le calibre des balles et des douilles récupérées, qui correspondait en effet exactement à celles trouvées après l'attaque dont la ferme LASSEAU avait été l'objet dans la soirée du 18 octobre 1946.
Ce soir-là, vers 22 heures, les occupants de la ferme étaient couchés, lorsqu'ils furent alertés par 2 coups de feu. Les balles pénétrèrent par une fenêtre du 1er étage et l'une
l'une d'elles traversa le plafond pour aller se perdre dans le grenier, alors que l'autre s’aplatir contre le mur.
Le lendemain matin, une lettre écrite en caractère d'imprimerie, qui avait été glissée sous la porte d'entrée, fut découverte par la bonne. Cette lettre ordonnait à M. LASSEAU de préparer une somme de 100.000 francs et d'effectuer le soir même en automobile un parcours déterminé au cours duquel il entendrait un coup de feu. Les 100.000 francs préalablement glissés dans une enveloppe devaient alors être jetés sur la route par le fermier.
La gendarmerie fut alertée et le soir venu, M. LASSEAU exécuta le parcours indiqué. Pendant son absence de la ferme, le prisonnier allemand qui allait se coucher, aperçut deux ou trois hommes à proximité d'un tas de paille. Il donne l'alerte et les inconnus s'enfuirent à travers champs.
L'enquête effectuée à la suite de ces faits amena l'arrestation de quatre jeunes gens domiciliés à "L'eau blanche" en Ergué-Armel, c'est-à-dire à environ 1 km 500 de la "Salle Verte" sur le chemin de grande communication n° 15 en direction de Quimper.
Il s'agissait des nommés AUTRET, DAOUDAL, RANNOU et LE BRAS. Le premier passa aux aveux aux gendarmes, aveux qu'il confirma lors de sa première comparution devant M. le Juge d'Instruction.
Quelques jours plus tard cependant, AUTRET se rétracta sans donner de raison valable, sans doute à la suite d'une entente préalable avec ses co-inculpés avec lesquels il avait pu communiquer à la prison.
Des faux témoignages furent obtenus par les détenus et la preuve de leur culpabilité n'ayant pu être établie de façon formelle, un non-lieu fut rendu. L'un des inculpés, le nommé RANNOU Etienne, fut libéré le samedi soir 21 décembre, mais les trois autres, inculpés dans une autre affaire, restèrent détenus.
L'identité du calibre des balles tirées le 18 octobre et le 23 décembre amena les gendarmes à soupçonner RANNOU Etienne ou tout au moins une complicité de sa part dans le meurtre de René LASSAU.
Une perquisition fut effectuée à son domicile, son emploi du temps fut contrôlé sans aucun résultat.
De même, des visites furent faites chez des camarades de l'intéressé, les nommés LOUET Louis, marchand de poissons à "L'Eau Blanche" etAUFFRET Alain, chiffonnier à Ergué-Gabéric. Leurs emplois du temps furent également contrôlés, toujours sans résultat.
À notre arrivée à Ergué-Gabéric, aucun autre élément n'avait été recueilli par les gendarmes qui, en particulier, n'avaient pu éclaircir le motif du meurtre.
Aucun témoignage n'avait pu être obtenu permettant d'établir la direction prise par le meurtrier, qui n'avait laissé aucune trace de pas en raison de la gelée.
Dès le début de l'enquête, à laquelle j'ai procédé avec l'assistance des Inspecteurs LE BARS et LE BLEVEC du service, j'ai recueilli quelques témoignages particulièrement intéressants.
C'est ainsi que nous avons appris qu'à deux reprises au moins, la victime avait été attaquée la nuit à l'entrée de l'allée conduisant à la "Salle-Verte" par un ou deux inconnus. Une première fois, René LASSEAU fut jeté à bas de sa bicyclette et sa veste fut déchirée. Une deuxième fois, il dut se défendre à l'aide d'un bâton. Les parents n'ont pu nous donner confirmation de ces faits qu'ils paraissaient ignorer. René LASSEAU était de caractère très renfermé quant à sa vie privée, et ne mettait ni ses parents ni son frère, ni ses camarades de ce qui le concernait intimement. Cet état de faits nous a amenés à envisager le meurtre du jeune LASSEAU sous différents angles, compte tenu des circonstances du meurtre qui laissent supposer que l'assassin visait particulièrement.
Cinq hypothèses ont été successivement émises et contrôlées :
1°) Drame passionnel,
2°) Règlement de comptes à la suite de l'affaire du 18 octobre,
3°) Exécution par d'anciens résistants,
4°) Exécution politique,
5°) Vengeance d'un individu ayant été arrêté sur indications d'un membre de la famille LASSEAU.
1°) Drame passionnel.
La vie privée de René LASSEAU ne semblait pas comporter de secrets. Comme tous les jeunes gens de la région, il fréquentait les bals et avait eu quelques "flirts".
Les vérification que nous avons effectuées nous ont permis de le suivre au cours de ses dernières années. Des "flirts" n'ont jamais été poussés, et se sont terminés sans heurts. La victime n'a eu aucune liaison avec une femme mariée ou fiancée officiellement. Rien ne permet de supposer la vengeance d'un époux trompé, d'un fiancé éconduit ou d'un jaloux, ou la vengeance d'une jeune fille outragée.
Un camarade intime de René LASSEAU, M. Hervé FEUNTEUN demeurant au Quellenec en Ergué-Gabéric a pu nous assurer que la vie privée de son ami n'avait rien que de très normal.
Dans ces conditions, cette première hypothèse a pu être écartée.
2°) Règlement de comptes à la suite de l'affaire du 18 octobre
À la suite des gendarmes, nous avons à nouveau étudié la possibilité d'une vengeance par des membres du groupe X... [3] instigateurs de l'attaque du 18 octobre 1946.
La coïncidence entre la sortie de RANNOU et le meurtre pouvait laisser supposer, à première vue, une vengeance des membres du groupe, mais il est tout aussi invraisemblable de penser que cette sortie de RANNOU ait servi les desseins du meurtrier en attirant les soupçons sur le groupe.
Dans cet ordre d'idées, et en tenant compte du non-lieu rendu envers RANNOU, nous avons émis l'hypothèse du meurtre commis par les véritables auteurs de l'attaque du 18 octobre, afin de supprimer un témoin génant. René LASSEAU pouvait en effet connaître ces véritables auteurs.
Dans le but de vérifier cette version, nous avons fait écrire sous dictée le contenu de la lettre anonyme glissée sous la porte de la maison LASSEAU aux quatre inculpés. Nous avons pu remarquer que les caractères de l'écriture de DAOUDAL concordaient avec ceux de la lettre témoin. Les "P" et les "M" par exemple, présentent une ressemblance frappante. Une expertise pourra sans doute infirmer ou confirmer nos constatations. À notre avis, l'attaque du 18 octobre est bien le fait des quatre hommes. Par la suite, cette conviction a été étayée par le fait que vous avons obtenu la preuve que des faux témoignages avaient permis de créer des alibis et par là-même, l'intention du non-lieu. C'est ainsi que le nommé LE DU Laurent a reconnu avoir été sollicité par le frère et la mère d'un des inculpés de faire un faux témoignage devant le M. le Juge d'Instruction, ce qui fut fait.
Dans ces conditions, l'hypothèse indiquée ci-dessus ne pouvait plus être émise.
Les recherches effectuées d'autre part, à "L'Eau Blanche" dans les milieux soupçonnés d'appartenir au groupe X... [3] n'ont donné aucun résultat, et aucun élément nouveau n'a permis d'étayer nos investigations.
3°) Exécution par d'anciens Résistants
Il était impossible de dédaigner une telle hypothèse étant donné la fréquence de telles exécutions.
Quelle avait été l'attitude de René LASSEAU pendant l'occupation ? Avait-il été membre d'un parti politique collaborationniste ? Avait-il fait partie du P.N.B. [4] ? Avait-il été soupçonné de dénonciation de patriotes ? Ce sont autant de questions que nous avons étudiées.
Au cours de notre enquête, aucun témoignage défavorable à la victime n'a été recueilli. René LASSEAU n'était pas considéré comme ayant collaboré avec les occupants ou adhéré à un parti collaborationniste. Il n'a jamais été soupçonné de dénonciation de patriotes et s'il n'a pas fait de résistance active, il a, par contre, ravitaillé à plusieurs reprises des maquis de la région d'Ergué-Gabéric. Un jour même, il a conduit une voiture qui allait chercher à Langolen des armes destinées à la Résistance.
Dans ces conditions, l'exécution d'un ex-collaborateur ou dénonciateur était une hypothèse à écarter, ce que nous avons cru devoir faire.
4°.- Exécution politique
Hypothèse peu vraisemblable, mais qui se devait d'être formulée. René LASSEAU, suivant les dires de ses parents, n'était affilié à aucun parti, et n'avait aucune activité politique militante. Il n'avait pas d'idées extrémistes et son exécution pour des fins politiques semble devoir être écartér.
5°.- Vengeance d'un individu ayant été arrêté sur indications d'un membre de la famille LASSEAU
Sollicité à plusieurs reprises de nous fournir tous renseignements utiles à la poursuite de notre enquête et susceptibles de permettre l'identification du meurtrier, M. LASSEAU Père nous a déclaré le 31 décembre qu'à plusieurs reprises, il avait communiqué des renseignements à la gendarmerie pour des affaires de droit commun. C'est ainsi que depuis plusieurs années, il servait d'indicateur bénévole à M. l'Adjudant DENIEL de la Brigade de Quimper, auquel il avait donné des renseignements utiles dans plusieurs affaires, renseignements qui avaient permis à une ou deux reprises l'arrestation des coupables.
Les recherches effectuées à la suite des renseignements communiqués par M. LASSEAU n'ont donné aucun résultat. Je tiens cependant à indiquer ma conviction que le témoin n'a pas dit tout ce qu'il savait sur ce point. A-t-il donné pendant l'occupation des renseignements ayant permis l'arrestation de personnes qui, par la suite, furent déportées par les allemands ? Le fils, René LASSEAU, s'est-il rendu coupable d'un fait semblable ? Cela est possible et pourrait expliquer le motif du meurtre.
Nous n'avons pu, cependant, obtenir confirmation de cette hypothèse, d'autant plus que nous n'avons pu entendre l'Adjudant DENIEL qui était en permission pendant notre séjour à Quimper.
Je signale encore une fois les réticences de M. LASSEAU qui a attendu jusqu'au 31 décembre pour nous apprendre son rôle d'indicateur bénévole de la gendarmerie, alors que depuis 6 jours, nous avions des conversations quotidiennes avec lui. Par la suite, M. LASSEAU a attendu le 7 janvier pour nous signaler une des affaires pour lesquelles il avait donné des renseignements, alors que le 31 décembre, il nous avait, suivant ses dires, "indiqué tous les cas pour lesquels il avait servi d'indicateur".
A-t-il omis volontairement ou involontairement de nous citer une autre affaire ? Il serait intéressant de le savoir car cela orienterait alors l'enquête vers un but précis.
En tous les cas, si M. LASSEAU n'a rien caché, il n'en reste pas moins qu'il pouvait être considéré ainsi que fils comme un indicateur de la gendarmerie. L'Adjudant DENIEL fréquentait assidûment la "Salle Verte" et un individu arrêté pour vol et complicité, le nommé Casimir ZIENTA, a reproché à M. LASSEAU de l'avoir "donné").
Dans ses conditions, la vengeance d'un malfaiteur et même d'un groupe de malfaiteurs serait une chose plausible que cependant nous n'avons pu établir.
Après l'examen de ces cinq hypothèses successives, aucun autre élément n'est venu nous donner la possibilité d'identifier le meurtrier et même de déterminer la raison du meurtre. Il est vrai que la connaissance même de ce motif restreindrait le champ des recherches et permettrait sans doute l'identification du criminel.
L'examen des balles tirées le 18 octobre et le 23 décembre nous a permis de faire les constatations suivantes.
Le calibre est identique : 11 m/m 25. Il s'agit de balles tirées par des armes américaines. L'examen de balles tirées le 23 décembre permet de remarquer 4 rayures longitudinales alors que l'une des balles tirées le 18 octobre présente 6 rayures. Ce n'est donc pas la même arme, ni le même type d'arme qui a servi, ce qu'une expertise pourra confirmer, et selon toute probabilité, le 18 octobre les agresseurs se sont servis d'un pistolet "Colt" alors que le 23 décembre le meurtrier s'est servi d'une mitraillette "Thomson". Si le "Colt" est une arme qui a été répandue à profusion au moment de la Libération, la mitraillette "Thomson" par contre, est un engin que l'on rencontre rarement.
Au courant de ce fait, et ayant appris que certains individus domiciliés aux environs de la "Salle Verte" étaient susceptibles de posséder des mitraillettes, nous avons procédé à des perquisitions qui ont amené la découverte d'armes de guerre qui, cependant, n'ont aucune identité avec l'arme ayant servi le 23 décembre.
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Rapport de Kerveno, 2e enquête Le Leyour de 1947
Ministère de l'Intérieur. Direction générale de la Sûreté Nationale. Commissariat aux Renseignements Généraux. Quimper. n° 458.
République Française. Quimper, le 14 février 1947. Rapport.
L'Inspecteur de la Sûreté Nationale Kerveno Joseph à Monsieur le Commissaire de police Chef du Service des Renseignements Généraux. Quimper.
Objet : A/s de l'assassinat de Lassaut René, de la Salle-Verte en Ergué-Gabéric.
J'au l'honneur de vous rendre compte de ce qui suit :
Le 23 décembre 1946, à 20 heures, le nommé LASSAUT René, 23 ans, était assassiné à coups de mitraillettes dans la cour de la ferme tenue par ses parents, à la Salle Verte en Ergué-Gabéric. Un prisonnier de guerre allemand, employé à la ferme, témoin du drame, donnait de l'assassin le signalement suivant : taille 1 m 65, vêtu d'un trench-coat américain, coiffé d'un chapeau mou et chauffé de bottes de caoutchouc.
La maison LASSAUT avait déjà reçu, le 18 octobre 1946, la visite de bandits qui avaient tiré un coup de revolver dans la cour et glissé un papier sous la porte pour demander à M. LASSAUT de leur remettre, dans des conditions déterminées, la somme de cent mille francs.
À l'époque, M. LASSAUT avait porté plainte à la gendarmerie de Quimper, quatre jeunes gens du quartier de l'Eau Blanche, en Ergué-Armel, avaient été arrêtés ; trois d'entre eux avaient été incarcérés pour vol de pneus et le quatrième relaxé.
Les soupçons se portèrent donc aussitôt sur ce quatrième nommé RANNOU, qui n'eut pas de mal à se disculper en fournissant un alibi irréfutable.
Le mystère demeurait donc entier, et l'opinion publique s'en trouvait très émue, d'autant plus que d'autres attaques semblables s'étaient produites dans d'autres secteurs (région de Carhaix et du Huelgoat), et une véritable psychose de terreur s'emparait des populations des campagnes finistériennes.
Les divers services de Police (13e Brigade de Police Judiciaire, Sécurité Publique de Quimper, Gendarmerie) conjuguèrent leurs efforts, mais toutes les recherches demeurèrent vaines.
§ Suite - pages 2 à 6
Pourtant, dès le début, la rumeur publique accusait ouvertement un nommé BOURMAUD, sans profession et sans ressources avouées, dont la réputation n'était plus à faire, et qui terrorisait littéralement son entourage : il habitait coteau de St-Julien en Ergué-Armel. Les enquêteurs ne réussirent pourtant pas à accumuler contre lui les charges nécessaires, et l'affaire ne semblait pas sur le point de s'éclaircir.
C'est alors que, le 5 février au matin, la population de Quimper et des environs apprit avec soulagement et satisfaction que les auteurs de l'attentat étaient sous les verrous.
Voici comme ce résultat avait été obtenu :
Depuis quelques temps déjà, les Services de la Sécurité Publique de Quimper cherchaient à obtenir les confidences d'une dame PIEDNOIR, née PENNARUN Marie, 34 ans, demeurant à Leur-en-Bars en Ergué-Armel, dont ils étaient persuadés qu'elle était au courant de l'affaire. Mais la dame PIEDNOIR se montrait très réticente, ce qui s'explique, comme nous le verrons plus loin, par les menaces dont elle était l'objet.
Le 17 janvier 1947, le mari de la dame PEDNOIR décédait à l'hôpital de Quimper. Une souscription était aussitôt organisée à son profit, car elle a une nombreuse famille et est sans ressources. Les promoteurs de cette souscription étaient un nommé POUX, commerçant, 2 route de Rosporden en Ergué-Armel, et BOURMAUD. Une somme fut remise à la femme PIEDNOIR, mais celle-ci jugea qu'on ne lui avait pas remis la totalité des fonds recueillis, et soupçonna les collecteurs d'en avoir conservé une partie par devers eux.
C'est ce qui la décida à parler.
Le 4 février, elle accusait les nommés BOURMAUD, FILLIS, marchand forain, demeurant Chemin des Justices en Penhars, et QUINET, monteur électricien, demeurant Coteau St-Julien en Ergué-Armel, d'être les auteurs de l'agression de la Salle Verte. Elle affirmait avoir été mise au courant de cela par son mari, qui était un ami de BOURMAUD. D'autre part, elle dévoilait que des trois individus faisaient partie d'une bande qui était dirigée par POUX et FAURIN, hôtelier à Saint-Yvi, qui fournissaient les armes. En outre, elle déclarait savoir que la bande était impliquée dans d'autres affaires : extorsion de fonds (90.000 francs) à main armée au préjudice de M. MAZE, boucher hippophagique, rue Guy Autret à Kerfeunteun (Finistère), attaque à main armée dans une maison de Penhars, qu'elle ne pouvait citer, et où de la lingerie et des bijoux auraient été enlevés. Elle déclarait en outre s'être tue jusqu'à ce jour, parce qu'elle avait été l'objet de menaces très précises de la part de BOURMAUD.
* * *
Voici, d'après les déclarations concordantes de QUINET et de FILLIS, dans quelles conditions l'attaque fut préparée et exécutée.
Mais il convient d'abord de mentionner que les trois bandits se rendirent deux fois à la Salle Verte avant le 18 décembre 1946.
Le 18 octobre, BOURMAUD, FILLIS et QUINET partent de chez POUX vers la ferme de la famille LASSAUT, dans la voiture de FILLIS, qui conduit. La voiture s'arrête sur la route nationale, et BOURMAUD se rend seul à la ferme : il dépose la lettre sous la porte et tire un coup de pistolet pour effrayer les LASSAUT, dit-il. Les trois hommes rentrent à Quimper et se séparent.
Le lendemain 19, une deuxième expédition est organisée, et l'intervention du prisonnier de guerre, qui sort dans la cour, oblige les agresseurs à faire demi-tour.
Le 21 décembre, jour de la grande foire de Quimper, la troisième expédition est mise au point chez POUX, en présence de BOURMAUD et de QUINET ; elle est fixée au 23 décembre ; FILLIS en est mis au courant. Le but à atteindre est le versement d'une somme d'argent supérieure à cent mille francs ; il n'est pas question d'exécution.
Le 23 décembre, les trois bandits reprennent donc la direction de la Salle-Verte, et arrivent sur la route, en face de la ferme, où ils laissent leur voiture, vers 19 h 45. Ils se rendent tous les trois à pied vers les bâtiments. BOURMAUD est armé d'un pistolet-mitrailleur de marque anglaise, vêtu d'un imperméable américain sans manches, et coiffé d'un chapeau mou ; QUINET est armé d'un pistolet 6 m/m 35, à lui prêté par POUX, et FILLIS d'un genre "Colt". En cas d'alerte, ils ne doivent pas hésiter à se servir de leurs armes.
Arrivés à proximité des bâtiments, FILLIS et QUINET se cachent derrière un pailler, BOURMAUD s'avance seul dans la cour. À ce moment, deux hommes sortent de la maison d'habitation et se dirigent, l'un vers l'écurie, l'autre vers l'étable. BOURMAUD s'approche de l'un d'entre eux, tire d'abord une balle, puis une rafale. QUINET se sauve en direction de la voiture, FILLIS le suit presqu'aussitôt et BOURMAUD les rejoint par la suite. Ils doivent pousser la voiture pour la faire démarrer, et regagnent ensuite Quimpe sans encombre.
Ni QUINET, ni FILLIS, ne peuvent donner les raisons qui ont motivé l'attitude de BOURMAUD, celui-ci ne leur a pas donné d'explication, et leur a seulement enjoint "de la fermer".
Jusqu'à présent, POUX et BOURMAUD nient farouchement toute participation à cet attentat, et pourtant les alibis qu'ils avaient fournis se sont révélés faux ; FILLIS a également cherché à se rétracter, mais n'a pas pu fournir d'alibi.
Depuis l'arrestation des quatre bandits, de nombreuses plaintes ont été déposées, et il est possible qu'un certain nombre d'affaires soient éclaircies au cours de l'instruction. QUINET a déjà reconnu sa participation à l'attaque de la boucherie MAZE (cf supra) et en a donné les détails qui concordent avec les déclarations de M. MAZE et de sa bonne. À noter que M. MAZE n'a jamais déposé de plainte à la suite de l'agression dont il fut l'objet.
Pour ce qui est de BAURIN, l'hôtelier de Saint-Yvi, mis en cause par la dame PIEDNOIR, il a été relâché, car sa participation à l'affaire de la Salle-Verte n'a pu être prouvée ; on raconte aujourd'hui qu'il aurait pris la fuite.
Un nommé JEGOU, de Saint-Evarzec, frère de Jeannette JEGOU, maîtresse de BOURMAUD, qui ne s'est pas présenté à l'audience du Tribunal Correctionnel du 10 février 1947, où il était appelé pour répondre d'un délit de braconnage en compagnie de BOURMAUD, a été mis en
état d'arrestation pour détention d'arme prohibée : un pistolet 7/65 été découvert à son domicile, pistolet qui lui avait été remis par BOURMAUD.
* * *
La famille LASSEAU jouit à Ergué-Gabéric d'une considération parfaite, et il semble qu'on ne puisse pas l'accuser d'avoir trafiqué avec l'occupant. C'est ce qui explique l'émotion de la population de la région quimpéroise lorsqu'elle apprit l'attentat dont l'un de ses membres avait été victime.
La surprise de cette population n'a pas été moindre lorsqu'elle sut que l'instigateur de l'attentat était M. POUX, ce super-patriote qui se plaisait à donner à tous des leçons de civisme, cet agent (disait-il) de l'Intelligence Service, ce lieutenant de vaisseau Jean de VILLENEUSE, agent de la D.G.E.R., alias B.C.R.A. Craint autant que haï, POUX était un personnage énigmatique, dont le rôle ici semble assez trouble, mais revenons un peu sur ce que nous savons de son activité passée :
Avant guerre, M. POUX appartenait au Parti Social Français [5] , durant l'occupation il aurait eu une intense activité, mais il n'est pas possible de préciser si celle-ci ne servait que la cause française, d'aucuns prétendent que non. En tous cas, pour le moment, POUX, qui avait, signalons-le en passant, la manie de "taper" ses connaissances pour des causes diverses, se trouve brouillé avec la plupart des résistants finistériens.
En janvier 1945, POUX crée l'Union Civique de France (voir rapport n° 385 du Service en date du 24 janvier 1945), mouvement politico-résistant destiné à préserver l'ordre en cas de guerre civique. Il se réclame du Général de Gaulle, alors chef u G.P.R.F., et affirme que celui-ci lui donnera son appui ainsi que les généraux LECLERC, DELATTRE de TASSIGNY, et KONNIG, et M. Maurice SCHUMANN et Jean MARIN (ne s'est-il pas montré au balcon de l'Epée à Quimper, aux côtés de Jean MARIN, lors de sa première visite dans cette ville ?).
Ces espoirs sont pourtant déçus, et l'activité de l'Union Civique de France n'ira guère au-delà du dépôt de ses statuts à la Préfecture du Finistère, le 9 janvier 1945.
POUX continue pourtant à intriguer : il constitue des dossiers sur les collaborateurs du coin et sur les résistants, il en vole même ; il se procure des cartes d'adhérent à tous les partis politiques et à toutes les organisations de résistance ; il collabore au "Fouet", depuis "Les Trois Couleurs", hebdomadaire morbihannais dirigé par Guy LENFANT, avec qui Guy POUX est en relations.
D'après les déclarations de QUINET et de FILLIS, c'est encore dans un but de révolution et de lutte contre les grands de ce monde et les colloborateurs qu'il les a enrôlés. Il se prétendait le chef départemental d'une grande organisation de combat, et se disait en relations avec M. ACHARD, collaborateur de "Debout", hebdomadaire parisien de la Résistance.
Depuis quelques temps, POUX se montrait de plus en plus agressif.
Au milieu de 1946, un nommé MAZE Joseph, magasinier, demeurant 30 rue A. Briand à Quimper, se présente à son café en compagnie d'un marchand forain, OUVRARD Marcel ; sans raisons apparentes, pendant qu'il consomment, POUX sort de son tiroir caisse un Colt qu'il manœuvre devant eux.
Au début de l'hiver, il pénètre chez Mme Le GRAND, née ROSELEUR Jeanne, débitante, 2 avenue de la Gare à Quimper, qui venait de servir à boire à un militaire accompagné d'un prisonnier de guerre allemand, et lui montrant un pistolet, lui dit qu'il "pourrait bien aboyer".
Quelques jours après l'attentat de la Salle-Verte, POUX convoque à son domicilr M. GESTIN Jean Louis, 47 ans, commerçant, domicilié 42 route de Rosporden à Ergué-Armel, oncle de la victime, et lui affirme être sur la piste de deux bandits : il lui assure que s'il lui remet une somme de cent mille francs, il pourra, avec l'aide d'un officier du bureau de Sécurité Militaire de Berlin, actuellement en congé, retrouver les assassins. M. GESTIN remarque des armes dans la chambre de POUX où a lieu cet entretien, et demande à en référer à son beau-frère, directement intéressé. POUX reconnaît ces faits, et dit que l'officier en question est le Capitane CANN.
Tous ces faits montrent assez l'étrange personnalité de POUX ; l'étude des documents récemment saisis chez lui permettra de s'en faire une idée plus nette.
* * *
La Fédération Départementale du P.C.F. a édité et distribué un tract ainsi libellé : ATTENTION ! "La Bretagne Ouvrière, Paysanne et Maritime consacrera dans son numéro de samedi prochain, 15 février, un article à Guy POUX et sa bande d'assassins. Achetez la Bretagne Ouvrière, Paysanne et Maritime, l'hebdomadaire du Parti Communiste Français. Le numéro 3 francs".
À la suite des nombreux attentats commis en décembre, "La Bretagne" avait publié des articles demandant que tout soit mis en oeuvre pour en retrouver les auteurs. Un vœu dans ce sens fut présenté à la Préfecture du Finistère par les élus communistes du département. La rumeur publique, en particulier, dans les campagnes accusait les communistes.
Lors de l'arrestation des agresseurs du Huelgoat et de Carhaix, qui se révélèrent communistes, "La Bretagne" n'en souffla mot. Cette fois, l'occasion semble belle, POUX personnifiant pour le parti la "Réaction".
* * *
Etat-civil des quatre inculpés :
POUX Gaston Guy, né le 21 août 1893 [6] à Paris (13e), de feus Henri et RICHARD Théodorine, débitant, 2 route de Rosporden à Ergué-Armel, marié.
BOURMAUD Henri, né le 8 août 1913 à la Chapelle-Herbier (Vendée), des feus Armand et Sidonie GROALIEAU, marié à Prudence RIGALIEAU à la Chapelle Herbier, trois enfants, séparé depuis 1939. Vit maritalement avec Edith JUILLARD depuis décembre 1939, en a eu deux enfants - cinq enfants à charge ; sans profession ; domicilié Côteau St-Julien à Ergué-Armel.
FILLIS Freddy, né le 25 août 1919 à Angoulème (Charente), de Ernest et TROMEUR Théodorine, divorcé de CLANDI Raymonde, sans enfant, marchand forain, demeurant Chemin des Justices en Penhars.
QUINET, né à Montreuil-sous-Bois, de Hubert et de Lucie COLLOT, marié le 31 mars 1940 avec Hélène LE MEUR, quatre enfants, monteur électricien, demeurant Côteau St-Julien en Ergué-Armel.
L'Inspecteur de la Sûreté Nationale, signature Kerveno.
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3e enquête de Kergoet en 1950
Rennes 7 février 50. 13e Brigade Régionale de Police Judiciaire à Rennes. n° 1761.
Le Commissaire de Police Judiciaire Kergoet Guy à Monsieur le Commissaire divisionnaire Chef du Service Régional de Police Judiciaire. Rennes.
Objet : Assassinat de LASSEAU René à la "Salle-Verte" en Ergué-Gabéric (Finistère) le 23 décembre 1946.
Refer. : Note, en date du 10 Juin 1949 de M. le Procureur de la République à Quimper. Note et instructions de M. le Procureur de la République à Quimper en date du 10 novembre 1949.
En vous transmettant les procès-verbaux ci-joints, j'ai l'honneur de vous rendre compte des résultats de l'enquête que j'ai effectuée avec l'assistance de l'Inspecteur Principal Bourges, du Service, conformément aux prescriptions des notes citées en référence et à vos instructions verbales, sur l'assassinat du jeune Lasseau René à la "Salle-Verte" en Ergué-Gabéric (Finistère) le 23 décembre 1946.
Rappel des faits.
Le 23 décembre 1946 vers 19 h. 30, René LASSEAU, 23 ans, cultivateur chez ses parents à la ferme de la "Salle-Verte" en Ergué-Gabéric, accompagné d'un prisonnier allemand : Walter BUSKIS, se rendait à l'écurie pour soigner les chevaux. Le travail s'effectuait normalement et la tâche terminée Walter BUSKIS se disposait à sortir d'un appentis où il avait préparé la nourriture des chevaux, lorsqu'il vit arriver un inconnu qui, passant devant la maison d'habitation, se dirigea directement vers l'écurie que René LASSEAU se préparait à quitter. Arrivé à quelques mètres de ce dernier l'homme l'interpellait à deux reprises, puis déchargeait une rafale de mitraillette sur le jeune homme qui s'avançait à sa rencontre et qui s'écroula sans pousser un cri. Walter BUSKIS, craignant pour sa propre vie se coucha précipitamment à terre et le meurtrier l'ayant vraisemblablement entendu, déchargea une rafale dans sa direction. Puis, sans se presser, il revint sur ses pas, repassa devant la maison d'habitation sur la façade de laquelle il envoya une nouvelle rafale et disparut.
§ Suite - pages 2 à 5
Le prisonnier allemand ne put donner qu'un signalement très imprécis de l'agresseur. Suivant lui, l'homme était de petite taille, coiffé d'un chapeau mou, chaussé de bottes et revêtu d'un imperméable genre américain ou anglais.
L'examen du cadavre par un médecin de Quimper permet de constater que René LASSEAU avait été frappé de 4 balles dont une avait atteint le cœur. La mort avait été instantanée.
...
Par la suite notre enquête s'étant avérée négative, un compte-rendu de nos investigations était rédigé le 13 janvier 1947. Trois semaines plus tard, le 4 février 1947, madame veuve PIEDNOIR, née PENNANGUER Marie, demeurant à "Leru-en-Bere" en Ergué-Armel, venait déclarer à M. le Commissaire de Police de Quimper, que suivant des confidences de son mari décédé le 16 janvier précédent, les auteurs du meurtre étaient les nommés BOURMAUD, FILLIS et QUINET, qui faisaient partie d'une bande dont les chefs étaient les nommés POUX, buraliste à Ergué-Armel et BORIN, débitant de boissons à St-Yvi.
...
L'ENQUETE :
Les auditions de POUX et BOURMAUD n'ont pas permis d'obtenir de renseignements susceptibles de faire apparaître un élément nouveau nécessaire à la révision éventuelle du procès, POUX ayant laissé supposer une culpabilité possible du nommé PIEDNOIR, décédé le 16 janvier 1947, et BOURMAUD celle du nommé Henri LE RHEUN, forain à Quimper. Les 2 pistes ont fait l'objet d'une étude. Ces pistes ont du être abandonnées aucune charge n'ayant pu être relevée contre les intéressés. Cependant, rien n'est venu infirmer l'hypothèse du meurtre commis par l'un deux.
Un nommé Marcel BOURBIGOT, né le 2 mai 1929 à Ergué-Armel, demeurant en cette commune "Chemin de Kervir" ayant déclaré à un camarade en octobre 1944 qu'il en voulait au fils LASSEAU, nous avons poursuivi nos recherches de ce côté. Malheureusement l'intéressé se trouve à Souma-Tataouine (Algérie) depuis le 29.9.1949 où il est au 1er Bataillon d'infanterie légère et nous n'avons pu l'interroger. Il convient de noter Marcel BOURBIGOT est un individu peu intéressant qui a été condamné par le Tribunal Correctionnel de Quimper pour vol en 1947. Engagé le 12 février 1948 à Quimper au Régiment Colonial de Transmission de Toulouse, il a été condamné à 2 reprises, une 1ère fois à 40 jours de prison pour recel, une sonde fois à 18 mois de prison pour vol, par le Tribunal Militaire de Paris. Il faut noter d'autre part que BOURBIGOT était un ami du nommé RICHARD André, 22 ans, demeurant 30 chemin de Kervir à Ergué-Armel que j'avais soupçonné du meurtre, lors de la Ière enquête, sans parvenir toutefois à recueillir un témoignage ou un élément d'information confirmant ce soupçon.
RICHARD André s'était engagé quelques semaines après le meurtre dans la Légion Étrangère et il est actuellement en Indochine.
Par ailleurs la culpabilité du Groupe BOURMAUD - FILLIS - POUX et QUINET, peut être mise en doute en raison des inexactitudes, des invraisemblances et des erreurs contenues dans le dossier et, avant d'entrer dans le détail de ces erreurs et inexactitudes, il faut tout d'abord parler de la valeur de 8 procès-verbaux : ceux de FILLIS et de QUINET, relatant leurs aveux, qui ont été à la base même de l'accusation et de la condamnations des quatre hommes.
...
§ Suite - pages 6 à 10
Par ailleurs la culpabilité du Groupe Bourmaud - Fillis - Poux et Quinet, peut être mise en doute en raison des inexactitudes, des invraisemblances et des erreurs contenues dans le dossier et, avant d'entrer dans le détail de ces erreurs et inexactitudes, il faut tout d'abord parler de la valeur de 2 procès-verbaux : ceux de Fillis et de Quinet, relatant leurs aveux, qui ont été à la base même de l'accusation et de la condamnation des quatre hommes.
...
§ Suite - pages 11 à 15
Pour qu'il n'y ait pas d'entente préalable entre eux, le Juge d'Instruction dépêche sur le champ un enquêteur chez cette dernière, laquelle ignorant ce que Bourmaud a déclaré confirme en tous points sa déposition. Ces deux mêmes déclarations de Bourmaud et de sa maîtresse ont été recueillies par nos soins dans la présente enquête (Voir P.V. n° 1 et 3).
...
§ Suite - pages 16 à 21
b) Il est bon de rappeler ici, une phrase de la lettre anonyme - "le chauffeur de ce véhicule sera seul à bord et devra exécuter le trajet suivant, à la date du samedi 19 octobre, à partir de 10 heures du soir ..."
...
Dans ces conditions Madame PIEDNOIR a menti.
Quelles sont les raisons qui ont pu motiver son mensonge ? -
Il faut tout d'abord indiquer que la femme PIEDNOIR est peu intéressante et de moralité douteuse, PIEDNOIR était un ancien légionnaire et un ancien souteneur. Il avait été plusieurs fois condamné, dont une pour meurtre à Nantes. Dans ce milieu on n'est pas à un mensonge prêt.
Si l'on considère par ailleurs que Madame PIEDNOIR haïssait BOURMAUD et qu'à la suite du décès de son mari, elle croyait avoir des raisons particulières d'en vouloir à POUX au sujet du paiement du montant de la collecte faire, sur initiative de POUX en sa faveur, on peut comprendre les raisons qui l'ont incitée à faire la déposition qui se trouve dans le dossier.
CONCLUSION :
Au cours de l'expos qui précède, je crois avoir démontré le peu de valeur des déposition de QUINET et de FILLIS, et la suspicion pesant sur le témoignage de la femme PIEDNOIR. De ce fait, la participation du groupe BOURMAUD-FILLIS-QUINET dans l'affaire dite "de la Salle-Verte" peut être mis en doute, bien que je n'aie pu apporter, jusqu'à maintenant la preuve formelle de la non participation d'au moins l'un d'eaux aux crimes qui leur ont été reprochés.
Le commissaire de police judiciaire
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