Historique
Selon une tradition ancienne, la chapelle aurait été construite en action de grâces à la Vierge pour avoir protégé le pays du fléau de la peste. Or, plusieurs épidémies jalonnent en Cornouaille les derniers siècles du Moyen Âge, depuis celle qui ravagea Quimper en 1349. En 1412, les bourgeois de la ville se vouent à Notre-Dame du Guéodet pour y échapper ; en 1472, on évoque encore la peste qui a sévi récemment, et le compte des trésoriers de Quimper signale le même fléau en 1480.
Quoi qu'il en soit, la chapelle existait en 1439, date à laquelle le Quimpérois Jean Lemoine lui lègue par testament deux livres de cire. Jadis desservie par un réseau routier beaucoup plus dense qu'aujourd'hui, elle était située au sud du grand chemin de Quimper à Coray, lui-même héritier d'une antique voie romaine, et était de ce fait une des plus fréquentées du diocèse. L'hermine passante, sans doute remontée au 18e siècle sous la balustrade du clocher, les images des ducs de Bretagne, la couronne en tête, décrites dans les vitraux par P. de Courcy, l'écu plein de Bretagne sur un poinçon de la charpente du choeur, pourraient suggérer une fondation ou du moins une protection princière, que ne confirme cependant aucun texte.
En revanche, il n'est pas douteux que toutes les familles féodales des environs, qui servaient la dynastie des Montfort comme gens de finances ou officiers, ont pris part à la construction. Au premier rang d'entre elles, figurent les Tréanna, et dont les armes figuraient en haut à gauche de la maîtresse-vitre. Dans la seconde moitié du 15e siècle, on peut citer Yvon III de Tréanna, écuyer du duc en 1457, capitaine de Concarneau en 1479, et son frère Charles. Plusieurs membres de la famille, clercs, comme Geoffroy de Tréanna, chanoine de Saint-Corentin en 1486, ou laïcs, sont représentés en donateurs dans les verrières hautes de la cathédrale de Quimper, et leurs blasons figurent en bonne place sur les clés de la voûte. Leur mécénat s'exerça également sur l'église de Rosporden et dans la belle chapelle de Locmaria-an-Hent en Saint-Yvi.
Si la date du début des travaux est incertaine, on peut considérer que le chœur au moins était achevé en 1489, millésime porté sur un fragment de verrière à décor architectural remonté dans la maîtresse-vitre. La couverture de l'édifice devait être mise en place autour de 1500, puisque la sablière nord de la nef porte le blason d'alliance France-Bretagne, correspondant aux règnes successifs de la duchesse Anne (1491-1514). Toutefois, une consécration tardive aurait eu lieu, selon R. Couffon, le 26 octobre 1556.
En 1701, le clocher est renversé par une tempête. Il est restauré l'année suivante par le recteur Jan Baudour, comme l'indique une inscription gravée sur le linteau sud de la chambre des cloches. La sacristie qui flanque au sud le chœur de la chapelle porte le millésime 1705. En 1795, la chapelle est acquise au prix de 6 000 livres par un cultivateur, qui en fait don à la commune d'Ergué-Gabéric en 1804. La charpente a fait l'objet d'une restauration en 2002-2004.
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Description
Plan et ordonnance intérieure
Le plan, d'une simplicité extrême, est celui des grandes chapelles du 15e siècle, un édifice rectangulaire à trois vaisseaux de dimensions comparables à celles de l'église paroissiale d'Ergué-Gabéric. Un grand arc-diaphragme, également présent dans les collatéraux, sépare les deux travées de la nef des deux travées du choeur et retombe sur de puissantes piles octogonales, flanquées de faisceaux de colonnettes et renforcées vers l'est par des portions de murs de refend, comme le sont les murs-pignons est et ouest. L'importance de ces supports et l'épaisseur des contreforts au droit de l'arc triomphal suggèrent que le projet initial était, comme à Quilinen, de placer le clocher au-dessus de celui-ci, au mitan de la chapelle. Ce parti général reprend sur un mode mineur celui mis en oeuvre dans le second quart du 15e siècle à Locronan, mais les voûtes de pierre ont fait place ici à des lambris (en berceau sur le vaisseau central ; en demi-berceau sur les bas-côtés). Toutefois, des départs de nervures croisées visibles au revers du même arc médian semblent correspondre à un projet initial de voûtement assez rapidement abandonné. La partition de l'espace était encore accentuée par la présence d'un jubé de menuiserie. On peut voir dans la pile qui flanque le mur gouttereau nord deux portes murées, l'une qui devait donner accès à un escalier en vis conduisant vers le clocher, l'autre au-dessus sur une passerelle de bois enjambant le collatéral et menant à travers une des piles de l'arc-diaphragme sur la tribune du jubé. Au milieu du choeur et de la nef, les moulures des grandes arcades filent en pénétration dans de hautes colonnes. En revanche, aux extrémités est et ouest et sur l'arc triomphal, elles retombent par l'intermédiaire de petits chapiteaux sur des colonnettes fréquemment ornées d'un réglet.
Tout en observant que les premières colonnes du chœur sont encore dans la tradition du gothique de la première moitié du 15e siècle, R. Barrié propose néanmoins pour l'édifice une chronologie basse : implantation du chœur dans les années 1470, achèvement du mur du chevet vers 1480, construction de la nef dans les premières décennies du 16e siècle. Il nous semble au contraire, à voir l'homogénéité du parti, que l'oeuvre peut fort bien s'inscrire en totalité dans la seconde moitié du 15e siècle. À cet égard, la simplicité des chapiteaux et des grandes arcades de la nef peut être interprétée comme une volonté de hiérarchiser les espaces par le biais du décor, plutôt que comme l'indice d'une campagne tardive.
L'édifice est largement éclairé, dans l'axe longitudinal par la maîtresse-vitre à six lancettes et réseau flamboyant surmonté d'une rose formée de quatre soufflets tournoyant et par la fenêtre ouest, beaucoup plus modeste, latéralement par les baies des bas-côtés. La maîtresse-vitre accueille, depuis la restauration exécutée en 1938, des éléments de deux cycles distincts : une Passion du Christ des années 1480, peut-être à son emplacement d'origine, et une Vie de la Vierge, un peu plus récente, provenant d'une verrière latérale. Au-dessus, intégrée dans le glacis de la maîtresse-vitre, un socle à décor d'arcatures devait recevoir la statue de la Vierge. Tout ce décor architectural, comme le mobilier liturgique intégré dans les murs latéraux, est traité avec beaucoup de soin et de finesse.
§ Ordonnance extérieure ...
Ordonnance extérieure
Une toiture à deux versants couvre la nef et ses bas-côtés. Le mur du chevet, où s'équilibrent harmonieusement les pleins et les vides, est fortement scandé par deux contreforts d'angle et deux contreforts médians encadrant la maîtresse-vitre dans l'axe des grandes arcades, tous amortis par des pinacles à 45°, ornés à la base de figures animales, très comparables à ceux de la cathédrale de Quimper. Les parties hautes de la façade ouest, avec son clocher à coursière en surplomb couronnant le mur-pignon, accosté de deux tourelles octogonales, transcrivent dans le vocabulaire classique un parti répandu en Cornouaille dans la seconde moitié du 15e siècle et dont la chapelle Saint-Fiacre du Faouët offre le prototype.
On peut donc imaginer que l'architecte intervenu en 1702 a restitué les dispositions générales de la partie renversée, allant d'ailleurs jusqu'à réemployer des pierres moulurées du clocher médiéval pour former les pilastres corinthiens de la chambre des cloches et à couronner celle-ci d'une flèche gothique. Encadrée par deux pinacles prismatiques, la porte ouest présente un ébrasement en plein-cintre à quatre tores retombant sur des colonnettes à chapiteaux, surmonté d'une accolade à fleuron et de plusieurs écus effacés. Là encore, elle offre beaucoup de ressemblances avec la porte percée dans la quatrième travée du bas-côté nord de la cathédrale, qui date des années 1450. Les deux autres portails, ouverts dans le mur méridional, en sont des versions simplifiées. Au sud de la chapelle, s'élève un calvaire monumental du 16e siècle dont la base rectangulaire, cantonnée de contreforts angulaires, est creusée de douze niches privées depuis la Révolution de leurs statues d'apôtres. Elle sert de socle à trois fûts écotés, qui ont conservé l'essentiel de leur statuaire.
À 300 m vers l'est, une fontaine armoriée abrite une petite Vierge à l'Enfant. Les convergences stylistiques avec la cathédrale de Quimper sont nombreuses : la coexistence des formes en plein-cintre et des arcs brisés, des nervures en pénétration et des chapiteaux, la modénature qu'on retrouve identique à la croisée du transept de Quimper et à l'arc triomphal de Kerdévot, le répertoire formel des portes, des remplages et des pinacles sont autant de points communs entre les deux monuments. En bref, tout indique que les travaux de la chapelle ont été conduits en parallèle avec le grand chantier quimpérois, ou du moins dans sa suite immédiate, par des maîtres formés sur celui-ci.
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