Jean-Marie Déguignet et sa campagne d'Algérie (1862-1865) - GrandTerrier

Jean-Marie Déguignet et sa campagne d'Algérie (1862-1865)

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Image:Espacedeguignetter.jpg Les raisons pour une nouvelle étude commentée de campagne du soldat Déguignet :
  • Des sites internet consacrés à Collo, Constantine et la Kabylie en Algérie citent de larges extraits de ses mémoires pour illustrer l'histoire de ces lieux, ce qui démontrerait que les écrits d'un homme de troupe atypique dans l'armée coloniale ne sont pas inintéressants.
  • Dans la publication de l'intégrale en 2007 le titre de sa campagne est libellé « guerre de Kabylie » alors que son temps fut occupé par des opérations de pacification en dehors de la Kabylie, notamment à Collo-Constantine et à la frontière tunisienne ; seule la dernière étape algérienne est consacrée aux combats contre les rebelles kabyles.
  • Cette évocation, tronquée car plusieurs pages du manuscrit sont manquantes, devrait être complétée par un autre texte dit « Résumé de ma vie » où il est question de la visite d'un certain Badinguet [1], alias Napoléon III, venu inspecter ses troupes à la fin du conflit.

Autres lectures : « Le neuvième cahier de Jean-Marie Déguignet intitulé « Résumé de ma vie » » ¤ « Extraits de Campagne d'Algérie, JMD 1862-1865 » ¤ « Jean-Marie Déguignet et le soleil d'Austerlitz » ¤ « La médaille de Crimée de Jean-Marie Déguignet » ¤ 

Qu'aurait pensé Jean-Marie Déguignet de la révolution arabe de 2011 ?

La situation était bien différente au 19e siècle, l'armée coloniale était déployée pour des opérations de "pacification", et pourtant le soldat observateur exprimait de l'empathie et de la bienveillance pour les algériens :

 
  • « plusieurs tribus se soumirent, et pour mieux prouver leur parfaite soumission, nous offrirent le fameux kouskoussou, le grand met national des Arabes, qui consiste en viande de chèvre cuite avec des grains d'orge concassés. Ce repas avait dû coûter cher à ces tribus : servir ainsi un grand repas à toute une division, sans compter le goum, c'est-à-dire à environ dix-mille bouches ».

1 Sites Internet de Collo, Constantine et de Kabylie

Collo est un petit port algérien situé au fond d'une baie qui porte son nom. Après une longue période d'occupation turque, la région de Collo fut colonisée par l'armée française, avec de multiples combats et massacres jusqu'en 1860. Sur le site ci-dessous une rubrique intitulée « Chroniques d'hier » héberge le témoignage de Jean-Marie Déguignet avec la reprise intégrale des pages consacrées à son séjour en 1862.

Constantine, métropole du nord-est de l'Algérie, est la troisième ville la plus importante du pays en terme de population derrière Alger et Oran. Dans le site ci-dessous, rubrique « La Culture / Textes », Jean-Marie Déguignet y ayant séjourné en 1862 est cité parmi les écrivains et les poètes inspirés par le passé de Constantine. Le texte choisi est « Un cours d'histoire sur l'antique Cirtha (Constantine-Qacentina) ».

 

La description des combats en Kabylie par Jean-Marie Déguignet est publiée sur le site de la culture Kabyle comme un document d'archives.

Le même texte est sur plusieurs billets du forum du site Kabyle.com :


2 Campagne en 3 étapes

On peut découper le périple de Déguignet en Algérie en trois parties (cf les villes d'étapes sur la carte ci-contre) :

  • la première dans la « paisible » garnison du port de Collo, où il se balade dans les montagnes, est maitre d'école de la fille du maire, et observe une école arabe en plein air.
  • la deuxième est une longue marche le long de la frontière tunisienne pour surveiller des rebelles, et aller-retour à Constantine.
  • la troisième est le conflit très rude de l'armée française contre les Kabyles, où il participe à la prise de Takitount. A l'issue des combats Napoléon III fait une revue des troupes.

Nota: a priori la fin du périple est différent (cf. en fin d'article l'extrait du « Résumé de ma vie » sur la visite de l'empereur) de celui indiqué ci-contre. Après les combats de Takitount, le régiment de Jean-Marie Déguignet assiste à la revue de l'empereur à Djidjelli (Jijel), et de ce port il est probable qu'il sera transporté en bateau jusqu'à Alger.

 
© 2001 Norbert Bernard, in "L'intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton", édition An Here
© 2001 Norbert Bernard, in "L'intégrale des Mémoires d'un paysan bas-breton", édition An Here

3 Etape 1 : Cohabitation arabe à Collo

Après avoir été fait la campagne de Crimée au 26e régiment d'infanterie et fait sous-officier contre son gré, Jean-Marie s'incorpore volontairement au 63e comme simple soldat. A son arrivée en Algérie, il est affecté à la petite garnison de Collo.

N'ayant rien à faire, il se promène dans les environs. Son exploit est de grimper au sommet du Sidi Achour où les légendes locales évoquent la présence de bêtes monstrueuses.

Il se lie avec le gardien du phare qui est en fait le maire de Collo qui lui propose le poste d'instituteur de sa fille. Il a quelques velléités d'apprendre la langue arabes : «  Il y avait avec lui un journalier arabe qui parlait assez bien le français. Avec celui-là si le temps l'eut permis, j'aurais bien vite appris l'arabe, plus vite que mon élève aurait appris la grammaire française, d'autant plus facilement que l'accent arabe est le même que l'accent breton et que tous les mots de cette langue ont les mêmes terminaisons que les mots bretons. ».

En observant une école arabe en plein air, il est admirateur de la méthode : « Ce n'est pas en renfermant les oiseaux en cage qu'on leur apprend à voler et à se pourvoir de nourriture. ».

 
Caserne de Collo, Algérie
Caserne de Collo, Algérie

4 Etape 2 : Marche de Constantine, Tébessa, La Calle

La seconde étape est nettement moins calme, après une étape de l'ensemble du régiment à Constantine, une ville dont l'histoire antique est bien connue de Déguignet.

Ensuite la troupe se rassemble à Tébessa à 200 km à l'est, près de la frontière tunisienne où des rebelles sont cachés. Après quelques escarmouches, Déguignet évoque la reddition de quelques ennemis : « plusieurs tribus se soumirent, et pour mieux prouver leur parfaite soumission, nous offrirent le fameux kouskoussou, le grand met national des Arabes, qui consiste en viande de chèvre cuite avec des grains d'orge concassés. Ce repas avait dû coûter cher à ces tribus : servir ainsi un grand repas à toute une division, sans compter le goum, c'est-à-dire à environ dix-mille bouches ».

Puis ils participent à des fouilles archéologiques près de la ville de Tébessa, et ils dégagent les ruines d'un palais magnifique. Cet épisode donne l'occasion d'évoquer la condition des esclaves du temps de la Rome antique et de conclure  : « Un autre peuple civilisé a passé là depuis, le Maure, mais n'a laissé aucune trace de son passage et si la civilisation française venait à disparaître, ses traces disparaîtraient aussi en peu de temps ; mais les traces des Romains subsisteront toujours.  ».

Ensuite ils entreprennent une marche forcée le long de la frontière tunisienne, derrière laquelle se retiraient les ennemis de l'armée coloniale. Après des semaines de marches sur cinq rangs, une grande fatigue, la chaleur brulante, les mauvaises eaux saumâtres, ils rentrent à Constantine où il s'agit de soigner les nombreux malades :

 
Femme berbère fabriquant le kouskoussou.
Femme berbère fabriquant le kouskoussou.

« Toutes les pestes ordinaires qui s'abattent sur les troupiers à la suite des guerres, fièvres, dysenterie, choléra, typhus et autres, tombèrent sur nous comme la vermine sur les gueux ».

5 Etape 3 : Combats de Takitount en Petite Kabylie

Avant d"évoquer les combats, Jean-Déguignet exprime son admiration pour le peuple Kabyle qu'il compare aux bretons : « Ces terribles montagnards qui ne sont, dit-on, ni Maures ni Arabes, quoiqu'ils aident adopté l'islamisme, et qui ne furent jamais soumis par aucun des conquérants de l'Afrique Occidentale ».

Dans le tiré à part « Résume de ma vie », il précise : « Ni Carthaginois, ni Romains, ni Maures, ni Turcs n’avaient pu pénétrer dans ces montagnes de la Kabylie où vit un peuple assez semblable du peuple breton ».

© www.kabyle.com, carte administrative de la Kabylie actuelle
© www.kabyle.com, carte administrative de la Kabylie actuelle

Arrivé à Sétif, ville au sud de la Petite Kabylie et des montagnes de Babors, le régiment de Déguignet est appelé pour défendre le fortin de Takitount, à 41 km de Sétif sur la route escarpée de Bougie (aujourd'hui Béjaïa), route ouverte par l'armée coloniale entre 1863 et 1870.

Là ils se battent jour et nuit contre les montagnards Kabyles qui finalement n'arriveront pas à les déloger. Mais les pertes sont lourdes, y compris du côté des combattants français : « Plusieurs de ces malheureux qui tombèrent vivants entre les mains de ces fanatiques barbares durent subir le plus affreux martyre ».

 
Les Badors, point fortifié de Takitount, croquis de M. Bottin capitaine au 66e régiment
Les Badors, point fortifié de Takitount, croquis de M. Bottin capitaine au 66e régiment

Après les longs et rudes combats autour du fortin de Takitount, Jean-Marie Déguignet assiste à un autre évènement historique, la visite de l'empereur Napoléon III (texte dans le « Résumé de ma vie ») :

« Ce fut à la fin de cette rude campagne que l’empereur voulut venir faire une visite jusque là-bas [2]. Mais, au lieu de venir jusqu’à nous dans les montagnes, on nous fit descendre à Djidjelli pour être inspectés par le triste sire qui tremblait de peur. Il avait dû regretter d’être venu là, où, au lieu d’être acclamé, il fut sifflé comme un minable combattant. Aussi il s’empressa de gagner son bateau qui l’attendait sous pression où il fut accaparé par des murmures et le chant de " Bon voyage vieux Badinguet [1]. Va-t-en là-bas regarder la colonne " [3] ».

6 Annotations

  1. Badinguet est un surnom satirique donné à l'empereur Napoléon III (son épouse, l'impératrice Eugénie, était surnommée Badinguette). On explique généralement que ce nom provient du fait qu'en 1840, Louis-Napoléon Bonaparte ayant tenté un débarquement à Boulogne-sur-Mer, y avait arrêté et emprisonné à la forteresse de Ham, dans la Somme, d'où il s'évada en 1846 en empruntant les vêtements et les papiers d'un peintre qui, selon certains, s'appelait Badinguet. Une autre origine de ce surnom a été proposée, notamment par les frères Goncourt. Le surnom viendrait d'un dessin humoristique de Paul Gavarni, sans rapport avec l'Empereur, paru dans le journal satirique le Charivari, légendé « Eugénie, la femme à Badinguet ». [Ref.↑ 1,0 1,1]
  2. Du 3 mai au 7 juin 1865, Napoléon III fit un séjour en Algérie, au cours duquel il passa deux jours en Kabylie. [Ref.↑]
  3. Ce refrain est tiré de l'une des chansons satiriques populaires mettant en scène l'empereur Napoléon III. La plus célèbre est intitulée « Le Sire de Fisch-Ton-Kan » : V'la le sir' de Fisch-ton-Kan / Qui s'en va-t-en guerre, / En deux temps et trois mouv'ments, / Badinguet, fisch'ton camp, / L'pèr', la mèr', Badingue, / A deux sous tout l'paquet, / L'pèr', la mèr', Badingue, / Et le p'tit Badinguet. [Ref.↑]




Thème de l'article : Ecrits de Jean-Marie Déguignet

Date de création : Septembre 2011    Dernière modification : 24.03.2018    Avancement : Image:Bullorange.gif [Développé]