1839 - Acquittement d'Hervé Kerluen, un des plus beaux hommes de Basse-Bretagne
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- | |width=60% valign=top|<i>Un domestique illettré et bretonnant, aux prises avec la justice française pour des histoires de vol, et sauvé par son physique remarquable.</i> | + | |width=60% valign=top|<i>Un domestique illettré et bretonnant, aux prises avec la justice française pour des histoires de vol, et sauvé par son physique remarquable et sa beauté angélique.</i> |
- | Grace à un interprête, les circonstances des délits sur le territoire communal sont largement détaillées, ceci avec des similarités avec un autre procès célèbre, celui d'Yves Pennec relaté par l'écrivain Stendhal. | + | Grâce à un interprète de la langue bretonne, les circonstances de l'affaire communale sont largement détaillées dans le compte-rendu d'assises, ceci avec des similarités avec un autre procès célèbre, celui d'Yves Pennec relaté par l'écrivain Stendhal. |
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- | Autres lectures : {{Tpg|LE DOUGET Annick - Violence au village}}{{Tpg|STENDHAL - Mémoires d'un touriste}}{{Tpg|BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec}}{{Tpg|1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre}}{{Tpg|1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois}} | + | Autres lectures : {{Tpg|LE DOUGET Annick - Violence au village}}{{Tpg|STENDHAL - Mémoires d'un touriste}}{{Tpg|BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec}}{{Tpg|1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre}}{{Tpg|1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier}}{{Tpg|1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois}} |
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==Présentation== | ==Présentation== | ||
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- | Annick Le Douguet, lors de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale, publiée sous le nom évocateur de « <i>Violence au village</i> » avait repéré cette pièce : « <i>BB 20/103, 3e trim 39, Aff Hervé Kerluen, domestique laboureur d’Ergué Gabéric, 21 ans, vol domestique de grains, acquitté, malgré une culpabilité évidente selon le juge, grâce à sa beauté, l’un des plus beaux jeunes hommes de Basse-Bretagne !</i> ». | + | Annick Le Douget, lors pendant la préparation de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale, publiée sous le nom évocateur de [[LE DOUGET Annick - Violence au village|« <i>Violence au village</i> »]], avait repéré cette pièce : « <i>BB 20/103, 3e trim 39, Aff Hervé Kerluen, domestique laboureur d’Ergué Gabéric, 21 ans, vol domestique de grains, acquitté grâce à sa beauté, malgré une culpabilité évidente selon le juge</i> ». |
- | En effet Théophile Le Meur, président juge de Quimper, écrit dans son compte-rendu d'assises : « <i>Tous ont été touchés de la jeunesse, du physique remarquable de Kerluen, qui est l'un des plus beaux hommes de la basse bretagne, et il a été acquitté à sept voix contre cinq, d'après ce qu'ai appris plus tard, malgré sa culpabilité évidente, à mes yeux du moins.</i> » | + | En effet Théophile Le Meur, président juge de Quimper, note dans son compte-rendu d'assises (conservé aux Archives Nationales) : « <i>Tous ont été touchés de la jeunesse, du physique remarquable de Kerluen, qui est <u>l'un des plus beaux hommes de la basse bretagne</u>, et il a été acquitté à sept voix contre cinq, d'après ce que j'ai appris plus tard, malgré sa culpabilité évidente, à mes yeux du moins.</i> » |
- | Les circonstances du délit : un jeune domestique est surpris par son maître à subtiliser des gains de seigle, qu'il met dans un sac qu'il compte vendre le lendemain à la foire. | + | Les circonstances du délit : un jeune domestique est surpris par son maître à subtiliser des gains de seigle, qu'il met dans un sac qu'il compte vendre le lendemain à Quimper. |
- | Sa ligne de défense : Hervé Kerluen voulait profiter du fruit de cette vente pour se rembourser d'un prêt de que le domestique aurait consenti à son patron pour qu'il puisse s'enivrer au cabaret le jour du baptême du fils de la ferme, « <i>un peu, mais pas de manière à perdre la raison. </i> », le tout en toute discrétion vis-à-vis de la patronne. Dans les débats il est aussi question d'autres vols récents pour lesquels le domestique avait été soupçonné. | + | Sa ligne de défense : Hervé Kerluen voulait profiter du fruit de cette vente pour se rembourser d'un prêt que le domestique aurait consenti à son patron pour qu'il puisse s'enivrer au cabaret le jour du baptême du fils de la ferme, « <i>un peu, mais pas de manière à perdre la raison</i> », le tout en toute discrétion vis-à-vis de la patronne. Dans les débats il est aussi question d'autres vols récents pour lesquels le domestique avait été soupçonné. |
- | Le jeune homme (et sans doute d'autres témoins) fut interrogé par un traducteur auxiliaire de justice, car il ne savait « <i> ni lire ni écrire ... ; ne parlant que le breton</i> ». | + | Comme cela était coutumier en Basse-Bretagne au 19e et même au siècle suivant, le jeune homme (et sans doute d'autres témoins) est interrogé par un traducteur auxiliaire de justice, car il ne savait « <i> ni lire ni écrire ... ; ne parlant que le breton</i> ». |
- | Avec cette affaire on a une photo des relations sociales qui se nouaient entre les domestiques et leurs employeurs cultivateur où le pouvoir d'autorité n'est pas unilatéral, le domestique peut être amené à prêter de l'argent à son patron. Les autres composantes sociologiques sont le matriarcat (les hommes ont peur des femmes, leur cachant leurs petites affaires), l'alcoolisme (les cabarets étaient nombreux au bourg d'Ergué-Gabéric), et la religion (le baptême est une obligation pour tout nouveau né). Et enfin on a un maire qui ne prend pas vraiment parti entre ses administrés, allant jusqu'à exprimer ses doutes sur la culpabilité du voleur. | + | Cette affaire constitue une photo des relations sociales qui se nouaient entre les domestiques et leurs employeurs cultivateurs, le pouvoir d'autorité n'étant pas unilatéral, le domestique pouvait être amené à prêter de l'argent à son patron, et exercer une pression sur lui. Les autres composantes sociologiques sont le matriarcat (les hommes avaient peur des femmes, leur cachant leurs petites affaires), l'alcoolisme (les cabarets étaient dans la commune d'Ergué-Gabéric), et la religion (le baptême d'un tout nouveau né rassemblait tout le monde au bourg). |
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+ | Et enfin on a un maire cultivateur <ref name="Maire">[[René Laurent, maire (1824-1846)|René Laurent]], agriculteur à Squividan, fut maire de la commune de 1824 à 1846.</ref> qui ne prit pas vraiment parti entre ses administrés, allant jusqu'à exprimer ses doutes sur la culpabilité d'un électeur potentiel. | ||
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[[Image:JeuneBretonPenguilly.jpg|350px|center|thumb|« Jeune Breton » de Penguilly, dans <i>Le Breton</i> d'Alfred de Courcy, 1842]] | [[Image:JeuneBretonPenguilly.jpg|350px|center|thumb|« Jeune Breton » de Penguilly, dans <i>Le Breton</i> d'Alfred de Courcy, 1842]] | ||
- | Et le jury d'assise prononce son acquittement à sept voix contre cinq, à la grande surprise du juge et malgré une culpabilité très plausible, et certainement par les effets de la beauté angélique du domestique qui ne pouvait pas, du coup, être coupable. | + | Et le jury d'assise prononça son acquittement à sept voix contre cinq, à la grande surprise du juge et malgré une culpabilité très probable, et certainement par les effets de la beauté angélique du domestique qui ne pouvait pas, du coup, être coupable. |
Le juge réagit en délivrant une allocution moralisatrice aux membres du jury, leur rappelant qu'ils étaient pour protéger la société, et qu'il ne pas être trop laxiste. Hormis celui-là, aucun autre acquittement ne fut prononcé lors des audiences suivantes. | Le juge réagit en délivrant une allocution moralisatrice aux membres du jury, leur rappelant qu'ils étaient pour protéger la société, et qu'il ne pas être trop laxiste. Hormis celui-là, aucun autre acquittement ne fut prononcé lors des audiences suivantes. | ||
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+ | Le bel homme acquitté, quant à lui, se mariera en 1840 à Ergué-Gabéric avec Marie Jeanne Autret <ref>Mariage - 28/06/1840 - Ergué-Gabéric de KERLUEN Hervé Jean. Cultivateur, né le 12/5/1817 à Ergué Gabéric, fils de Jean, décédé et de Marie Jeanne GUYADER, décédée. Et de AUTRET Marie Jeanne, née le 11 Flo An 11 à Ergué Gabéric, fille de Jacques, décédé et de Marie Louise HEMON, décédée </ref>. Il décèdera le 15.12.1848 à l'Hôpital Maritime de Brest <ref>Décès - 15/12/1848 - Ergué-Gabéric (Hôpital Maritime De Brest) de KERLUEN Hervé, Ex-journalier. Père : Jean, décédé. Mère : Marie Jeanne LE GUYADER. Conjoint : Marie Jeanne AUTRET. Témoins : de bourgues,adjoint de la mairie de brest / jérôme quemeneur50a et jean laury 65a /dardiens aux hopîtaux. Notes : le défunt habite à Quimper.</ref>. S'était-il engagé dans la Marine royale, et avait-il fuit ainsi sa condition de domestique laboureur ? | ||
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toutes fois les plus grandes précautions pour ne blesser ni leur amour propre, ni leur indépendance etc . Je crois avoir atteint mon but ; car, après l'audience ils m'ont tous remercié de l'instruction que je venais de leur faire sur leurs fonctions. | toutes fois les plus grandes précautions pour ne blesser ni leur amour propre, ni leur indépendance etc . Je crois avoir atteint mon but ; car, après l'audience ils m'ont tous remercié de l'instruction que je venais de leur faire sur leurs fonctions. | ||
- | Toujours est-il que depuis cette époque ils ont marché à merveille, ils n'ont point commis d'erreur grave, et il n'y a point eu d'acquittement sur les <u>faits princiâux</u> dans le reste de la session. | + | Toujours est-il que depuis cette époque ils ont marché à merveille, ils n'ont point commis d'erreur grave, et il n'y a point eu d'acquittement sur les faits principaux dans le reste de la session. |
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Version actuelle
| Un domestique illettré et bretonnant, aux prises avec la justice française pour des histoires de vol, et sauvé par son physique remarquable et sa beauté angélique.
Grâce à un interprète de la langue bretonne, les circonstances de l'affaire communale sont largement détaillées dans le compte-rendu d'assises, ceci avec des similarités avec un autre procès célèbre, celui d'Yves Pennec relaté par l'écrivain Stendhal. | |||||||
Autres lectures : « LE DOUGET Annick - Violence au village » ¤ « STENDHAL - Mémoires d'un touriste » ¤ « BERNARD Norbert - Les voix d'Yves Pennec » ¤ « 1832 - L'affaire Jean Le Jaouanc, agresseur de Marie-Anne Le Corre » ¤ « 1838 - Procès d'Yves Le Pennec, jeune domestique voleur, sorcier et dépensier » ¤ « 1844 - Placards réglementaires pour les cabarets gabéricois » ¤ |
[modifier] 1 Présentation
Annick Le Douget, lors pendant la préparation de sa thèse de doctorat soutenue en 2012 à l'université de Bretagne Occidentale, publiée sous le nom évocateur de « Violence au village », avait repéré cette pièce : « BB 20/103, 3e trim 39, Aff Hervé Kerluen, domestique laboureur d’Ergué Gabéric, 21 ans, vol domestique de grains, acquitté grâce à sa beauté, malgré une culpabilité évidente selon le juge ». En effet Théophile Le Meur, président juge de Quimper, note dans son compte-rendu d'assises (conservé aux Archives Nationales) : « Tous ont été touchés de la jeunesse, du physique remarquable de Kerluen, qui est l'un des plus beaux hommes de la basse bretagne, et il a été acquitté à sept voix contre cinq, d'après ce que j'ai appris plus tard, malgré sa culpabilité évidente, à mes yeux du moins. » Les circonstances du délit : un jeune domestique est surpris par son maître à subtiliser des gains de seigle, qu'il met dans un sac qu'il compte vendre le lendemain à Quimper. Sa ligne de défense : Hervé Kerluen voulait profiter du fruit de cette vente pour se rembourser d'un prêt que le domestique aurait consenti à son patron pour qu'il puisse s'enivrer au cabaret le jour du baptême du fils de la ferme, « un peu, mais pas de manière à perdre la raison », le tout en toute discrétion vis-à-vis de la patronne. Dans les débats il est aussi question d'autres vols récents pour lesquels le domestique avait été soupçonné. Comme cela était coutumier en Basse-Bretagne au 19e et même au siècle suivant, le jeune homme (et sans doute d'autres témoins) est interrogé par un traducteur auxiliaire de justice, car il ne savait « ni lire ni écrire ... ; ne parlant que le breton ». Cette affaire constitue une photo des relations sociales qui se nouaient entre les domestiques et leurs employeurs cultivateurs, le pouvoir d'autorité n'étant pas unilatéral, le domestique pouvait être amené à prêter de l'argent à son patron, et exercer une pression sur lui. Les autres composantes sociologiques sont le matriarcat (les hommes avaient peur des femmes, leur cachant leurs petites affaires), l'alcoolisme (les cabarets étaient dans la commune d'Ergué-Gabéric), et la religion (le baptême d'un tout nouveau né rassemblait tout le monde au bourg). Et enfin on a un maire cultivateur |
Et le jury d'assise prononça son acquittement à sept voix contre cinq, à la grande surprise du juge et malgré une culpabilité très probable, et certainement par les effets de la beauté angélique du domestique qui ne pouvait pas, du coup, être coupable. Le juge réagit en délivrant une allocution moralisatrice aux membres du jury, leur rappelant qu'ils étaient pour protéger la société, et qu'il ne pas être trop laxiste. Hormis celui-là, aucun autre acquittement ne fut prononcé lors des audiences suivantes. Le bel homme acquitté, quant à lui, se mariera en 1840 à Ergué-Gabéric avec Marie Jeanne Autret |
[modifier] 2 Transcriptions
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[modifier] 3 Originaux
Lieu de conservation : Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine. Série : BB/20, comptes d'assises Cotes : BB/20/103, 3e trimestre 1839 |
Droit d'image : Protégé. Usage : Accès privé et restreint aux abonnés inscrits Accès : Connexion obligatoire sur un compte nominatif d'adhérent GrandTerrier. |
Document | |||||
[modifier] 4 Annotations
- René Laurent, agriculteur à Squividan, fut maire de la commune de 1824 à 1846. [Ref.↑]
- Mariage - 28/06/1840 - Ergué-Gabéric de KERLUEN Hervé Jean. Cultivateur, né le 12/5/1817 à Ergué Gabéric, fils de Jean, décédé et de Marie Jeanne GUYADER, décédée. Et de AUTRET Marie Jeanne, née le 11 Flo An 11 à Ergué Gabéric, fille de Jacques, décédé et de Marie Louise HEMON, décédée [Ref.↑]
- Décès - 15/12/1848 - Ergué-Gabéric (Hôpital Maritime De Brest) de KERLUEN Hervé, Ex-journalier. Père : Jean, décédé. Mère : Marie Jeanne LE GUYADER. Conjoint : Marie Jeanne AUTRET. Témoins : de bourgues,adjoint de la mairie de brest / jérôme quemeneur50a et jean laury 65a /dardiens aux hopîtaux. Notes : le défunt habite à Quimper. [Ref.↑]
- Boisseau, s.m. : mesure de capacité pour les matières sèches, les grains surtout. Sa contenance varie beaucoup suivant les produits et les localités et aussi suivant que la mesure est rase ou comble [¤source : AD Finistère, glossaire des cahiers de doléances]. La précision « Mesure du Roi » indique la volonté d'uniformiser les disparités, avant que le poids en mesure décimale ne soit adopté à la Révolution. Avant uniformisation, chaque ville ou village avait ses poids et ses mesures particuliers. Dans certains cantons, et plus particulièrement en Bretagne on était obligé d'avoir jusqu'à six mesures différentes dans son grenier pour procéder aux pesées. Par exemple le boisseau ras pour le froment contenait 11,2 litres à Morlaix et 107,1 litres à Landevennec [¤source : Wikipedia]. La mesure de Quimper était établie comme suit : 67 litres pour le froment et le seigle, 82 pour l'avoine et 79 pour le blé noir [¤source : Document GT de 1808] ou alors 67 litres pour le froment, 82 pour le seigle, et 80 pour l'avoine [¤source : Document GT de 1807]. [Terme] [Lexique] [Ref.↑]
Thème de l'article : Document d'archives sur le passé d'Ergué-Gabéric. Date de création : Novembre 2014 Dernière modification : 28.12.2014 Avancement : [Développé] |