14 nov 1887 - PV Gendarmerie
11e Légion. Compagnie de Quimper. Brigade de Quimper. Du 14 novembre 1887.
Procès-verbal constatant l'arrestation en flagrant délit de Mme Lozach Marie-Jeanne, 42 ans, propriétaire, née à Ergué-Gabéric Finistère. 1ère expédition.
Moysan René, agé de 40 ans, journalier au village de Kerfréis. (signature J. Doré)
Vu, transmis par le commandant des brigades à M. le Procureur de la République. Quimper, le 15 novembre 1887.
Gendarmerie nationale
Ce jourd'hui quatorze Novembre mil huit cent quatre-vingt sept à trois heures du soir.
Nous soussignés Doré Joseph-Marie et Mescam Joseph-Marie, gendarmes à pied à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtus de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs.
Rapportons qu'étant à notre caserne, avons été informés par Mr le docteur Gisso, docteur à Quimper, qu'un cultivateur de la commune d'Ergué-Gabéric Mr Moysan, demeurant au village de Kerfréis, après duquel il avait été appellé, était mortellement blessé, et, que les coups lui avaient été portés par la femme Feunteun, demeurant au même lieu.
Nous nous sommes immédiatement transportés au logis de la victime, où son beau-père Mr Feunteun Laurent, 74 ans, nous a faits connaître qu'hier, vers 9 heures en rentrant du bourg d'Ergué-Gabéric, il avait trouvé son gendre (*) au lit et que ce dernier lui avait déclaré avoir été battu par la femme Feunteun, sa voisine et belle-sœur. Ce vieillard a ajouté que Moysan, son gendre, n'avait prononcé aucune parole depuis 10 heures hier soir. Ce matin, en présence ce ces complications, il avait mandé un médecin de Quimper qui, après examen, avait déclaré que Moysan avait été mortellement frappé.
§ Feunteun Marie-Jeanne, ...
Feunteun Marie-Jeanne, ... ans, femme Moysan, déclare n'avoir aucune connaissance de la scène dans laquelle son malheureux mari a trouvé la mort ; elle était absente. Elle est mère de 6 enfants dont le plus âgé a 12 ans, le plus jeune 13 mois, et est enceinte du septième. Le père Feunteun, Laurent, demeurant au village de Krefréis, donnait hospitalité aux époux Moysan et à leur famille, dans sa maison.
Narvor, Hervé, 25 ans, domestique au service du sieur Laurent, cultivateur à Kerféis, fait la déclaration suivante : « Hier dimanche, 13 courant, dans la matinée, je me trouvais dans la cour de mon patron, lorsque j'entendis quereller dans la cour de la ferme Feunteun. Je ne comprenais point les paroles ; alors mes regards se dirigèrent vers cet endroit et je vis la femme Feunteun et le sieur Moysan en face l'un de l'autre. Aussitôt la femme Feunteun, qui avait un râteau dans les mains, en porta un coup à Moysan dans la poitrine avec le bout du manche. Moysan lava, à ce moment, le bras sur la femme Feunteun et fit un pas vers elle ; mais il reçut un 2e coup, avec l'outil il me semble à la tête, côté gauche, et tomba sur le sol ; étant à terre, la femme Feunteun porta encore 4 coups à sa victime, sur l'épaule gauche je crois. Moysan se releva et vint sur le chemin ; là il prit 2 pierres et les lança dans la direction de la femme Feunteun ; il ne l'atteignit point ; elle s'était renfermée dans une soue à porcs. Moysan se dirigea ensuite vers le jardin en descendant le chemin. Je ne l'ai pas revu. Il avait peut-être bu mais il n'était pas ivre. »
Cothalem Pierre, 14 ans, domestique chez l'inculpée, confirme la déclaration précédente, ajoutant que lorsqu'il vit d'abord sa patronne et Moysan dans la cour, en face l'un de l'autre, sa patronne n'avait pas le râteau ; elle se détacha pour aller le prendre devant sa demeure, revint en courant vers Moysan, et lui en porta un coup, debout, avec le manche, dans la poitrine. Et comme Moysan levait le bras vers elle, il reçut un 2e coup à la tête, il tomba à terre ; elle lui porta encore plusieurs coups dans cette position. Je ne sais si le 2e coup fut porté avec le manche ou avec le râteau. Moysan ne paraissait pas en étai d'ivresse.
Nous avons reconstitué cette malheureuse scène, faisant remplir le rôle de la victime par le témoin Narvor, l'inculpée munie de son râteau ; dans cette position, nous avons constaté que les coups ont été portés, dans la cour de l'inculpée, près du chemin commun au village, à 8 m. du seuil de la porte de l'inculpée et à 3 m. du pignon de sa demeure. Les témoins se trouvaient, l'un devant la maison d'habitation du sieur Laurent, l'autre derrière. Cathalem qui se trouvait sur le mur bordant le chemin au pignon ouest de l'habitation Laurent était à environ 25 m. du malheureux Moysan et de la femme Feunteun ; Narvor était devant la maison à distance de 20 m de ces derniers. Ces témoins ont parfaitement vu les faits.
Lozac'h Marie-Jeanne, 42 ans, femme Feunteun, née à Ergué-Gabéric le 22 Novembre 1846, fille de feu René et de Catherine Istin, mariée4 enfants, propriétaire au village de Kerfrèis en Ergué-Gabéric, interrogée sur les faits qui lui sont imputés déclare ce qui suit :
« Dans la matinée d'hier dimanche, mon beau-frère Moysan est venu chez moi me reprocher que mon fils avait battu le sien samedi, je l'ai mis hors de chez moi ; plus tard, il est revenu, vers 10 h. 1/2 ; sur le seuil de ma porte, m'insultant de P. et de G. Ne pouvant supportant supporter de pareilles insultes, je suis sortie de chez moi ; mon beau-frère se trouvait alors près du tas de boue au pignon de ma maison ; je suis allée vers lui ; me voyant le suivre, il s'est retourné et a fait quelques pas ; le voyant revenir vers moi, j'ai rebroussé chemin, me suis armée d'un râteau placé devant ma demeure et me suis de nouveau dirigée sur lui et en l'accostant, je lui ai porté un coup, debout, dans la poitrine, avec le manche de cet outil. Alors il a levé la main en me menaçant, c'est à ce moment que je lui ai porté le 2e coup à la tête, mais avec le manche ; il est tombé à terre. Etant dans cette position, je l'ai encore frappé, toujours avec le manche, de 2 ou 3 coups, sur l'épaule gauche, il était tombé sur le côté droit ; il s'est relevé et dirigé vers le chemin ; arrivé là, il a saisi 2 pierres et les a lancées vers moi ; je n'ai pas été atteinte car je me suis réfugiée dans l'étable de mes cochons. - Je regrette sincèrement les faits qui se sont passés hier entre mon beau-frère et moi ; nous vivions en bonne intelligence et il a fallu qu'une méchante bataille d'enfants nous cause, à tous, un si grand malheur. - Conformément aux articles 249 et 300 du décret du 1er mars 1857, nous avons arrêté Marie-Jeanne Lozac'h, femme Feunteun, et l'avons conduite par devant le procureur de la République à Quimper. Le magistrat, sur le résumé verbal de notre enquête, nous a délivré un o/o d'écrou en vertu duquel nous l'avons écrouée à la maison d'arrêt de cette ville. L'inculpée a été fouillée, par une personne de son sexe, au moment de son arrestation. L'instrument meurtrier a été saisi et sera déposé au greffe du tribunal pour servir de pièce à conviction. Les renseignements recueillis près des époux Laurent font connaître que l'inculpée a un caractère très emporté ; la victime, déclarent les mêmes personnes, buvait jusqu'à l'ivresse. Quelquefois et dans ce cas, querellait facilement, mais n'aurait pas frappé. - En foi de quoi, etc ... Fait et clos à Quimper, les jour, mois et an ... J. Doré.
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15 nov 1887 - Réquisitoire introductif
Cour d'appel de Rennes. Tribunal de première instance de Quimper. Parquet.
Réquisition introductif.
Nous, Procureur de la République à Quimper. Vu le procès-verbal de la gendarmerie de Quimper, en date du 14 novembre 1887. Inculpons la nommée Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, cultivatrice, née et demeurant à Ergué Gabéric de coups mortels, faits prévus par l'article 309 du code pénal ;
Requérons qu'il plaise à M. le Juge d'Instruction procéder à une information et délivrer mandat de dépôt.
Fait au Parquet, à Quimper, le 15 novembre 1887. Le Procureur de la République. (signature).
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16 nov 1887 - Déposition Hervé Narvor
Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Narvor, Hervé, domestique à Kerfrez en Ergué-Gabéric.
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre. Devant Nus, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Poussin Commis-Greffier et du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Narvor Hervé, âgé de 24 ans domestique deumeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Dimanche, 13 courant, dans la matinée ...
Dimanche, 13 courant, dans la matinée j'ai vu la femme Feunteun repousser son beau-frère Moysan avec le manche d'un râteau qu'elle avait appuyé contre sa poitrine, jusqu'à un tas de boue sis au pignon de la maison. À cet endroit, Moysan ayant levé la main sur sa belle sœur, celle-ci prenant son outil par le bout du manche, je crois, assèna deux coups de cet instrument, sur la tête de Moysan, qui tomba à terre. Etant dans cette position, Moysan disait à sa belle sœur : "frappez donc" et elle lui asséna encore quatre autres coups sur l'épaule. J'arrivai à de moment et je dis à Moysan de partir ; il se releva, prit deux pierres qu'il lança sur la femme sans pouvoir l'atteindre , quand la dernière lui fut lancée, elle se réfugia dans une soue à porcs. Cela fait, Moysan partit par le chemin qui conduit au moulin de Kerfres et je ne le revis plus.
Je n'ai jamais vu Moysan avoir des discussions, ni la femme Feunteun non plus. Ce jour-là Moysan était un peu échauffé par la boisson.
Lecture faire le témoin persiste, dit ne savoir signer et nous signons avec l'interprète et le greffier. (trois signatures)
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16 nov 1887 - Déposition Laurent Feunteun
Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Feunteun Laurent.
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Poussin Commis-Greffier et du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun Laurent, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Dimanche dernier 13 novembre ...
Dimanche dernier 13 novembre, lorsque je suis revenu du bourg, vers trois heures de l'après-midi, ne voyant pas mon gendre, j'ai demandé aux enfants où il était ; je crus qu'il était ivre, mais ils me dirent que leur père était couché et qu'il avait été battu par leur tante. Je n'allais pas le voir dans son lit, mais vers neuf heures du soir, il demanda un peu de cidre doux pour le faire vomir pensant qu'il irait mieux. Il se leva un instant, après pendant quelques minutes seulement, et fut obligé de se recoucher, et j'entendis sa femme tirer tirer du cidre à la barrique. Après son accident il ne m'a adressé aucune parole.
Lecture faite le témoin persiste et dit ne savoir signer ; nous signons avec le greffier et l'interprète. (trois signatures).
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16 nov 1887 - Interrogatoire Marie-Jeanne Lozach
Du 16 novembre 1887. Tribunal de Quimper. Interrogatoire de Lozach Marie, femme Feunteun, inculpé de coups mortels (... à Kerfres en Ergué-Gabéric).
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le seize novembre 4 H. Devant Nous Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper, assisté de Mr Le Poussin Cn, Greffier.
A comparu la dénommée ci-après, inculpée de coups mortels et à l'interrogatoire de laquelle nous avons procédé comme suit par l'organe du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la Langue Bretonne, qui a prêté le serment prévu par la loi.
D. - Quels sont vos nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et de domicile ? À quelle classe appartenez-vous ? Dans quel canton avez-vous tiré au sort ? Quel numéro avez-vous obtenu ? Etes-vous marié ou célibataire ? Savez-vous lire et écrire ? Possédez-vous quelques biens ? Avez-vous déjà été condamné ?
§ Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun ...
Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née à Ergué-Gabéric, de René et de Catherine Istin, 4 enfants, demeurant à Kerfrès en Ergué-Gabéric, possédant quelques biens, sachant un peu lire et écrire, non condamnée.
D. - Vous êtes inculpée d'avoir, le dimanche 13 novembre courant, à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur Moysan, lesquels coups et blessures volontairement portés ont occasionné la mort ?
R. - Oui, je le reconnais. - Dimanche, treize novembre, dans la matinée, mon beau frère Moysan est venu dans ma maison m'insulter, me traitant de P. et de G., parce que mon fils et le sien s'étaient disputés la veille au soir, au retour de l'école. Je le poussais hors de chez moi. Vers dix heures et demie, il est revenu sur le seuil de ma porte, m'insultant encore de (Pot Lourd) en français Lourdeau. J'étais alors à balayer ma maison, je continuai à pousser les ordures dehors, et balayais devant ma porte. Mon beau frère continuait à m'insulter, je me suis emparée d'un râteau qui se trouvait devant ma porte et je l'ai repoussé en plaçant le bout du manche contre sa poitrine. Moysan ayant levé alors la main pour menacer, en s'avançant sur moi, je l'ai frappé à la tête du bout du manche du râteau et étant tombé à terre sur le côté. Là je lui ai encore donné trois coups sur l'épaule, mais pas bien fort. Il s'est relevé, a pris deux pierres qu'il a essayé de me lancer ; et il ne m'a pas atteint et je me suis renfermée dans mon refuge à porcs, contre la porte duquel une des pierres a été jetée. Le nommé Narvor, domestique dans le village est arrivé et lui a dit de s'en aller.
Une demi heure après, j'au vu Moysan tirer de la paille à la meule qui est près de sa maison. Dans la soirée, mon beau père vint me dire que Moysan était malade et je suis allée le voir ; il ne me parla point. Je retournai le lundi matin et dans l'après-midi j'ai été arrêtée.
Depuis quatre ans que mon beau frère habite le village je n'ai jamais aucune discussion avec lui. Je l'ai employé pendant seize mois comme domestique et depuis qu'il nous a quitté, je l'ai employé comme journalier, chaque fois que j'ai eu besoin de lui.
Je regrette bien ce qui est arrivé ; je ne croyais pas causer la mort de mon beau frère.
Lecture faite, l'inculpée persiste et signe avec nous, l'interprète et greffier. (quatre signatures)
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16 nov 1887 - Rapport juge
Cour d'appel de Rennes. Tribunal de première instance de Quimper. Cabinet du Juge d'Instruction.
L'an 1887. Le 16 novembre.
Nous J. Leray, juge faisant fonction de Juge d'Instruction en remplacement du titulaire empêché.
Accompagné de M. Patuet juge suppléant, remplaçant M. le Procureur de la République et de M. le docteur Collé, et assisté de M. Poussin commis greffier et de M. Guillerme, interprète de la langue bretonne.
Vu la réquisition de M. le Procureur de la République en date du 15 novembre 1887.
Nous sommes transporté au village de Kerfreis en Ergué Gabéric, et nous sommes fait conduire à la maison où est décédé le sieur Moysan René. Le cadavre était couché dans un lit clos, mais l'insuffisance d'éclairage et d'espace ne permettant pas de procéder en cet endroit aux opérations nécessaires, nous l'avons fait transporter dans un édifice contigu. En cet endroit l'inculpée a été confrontée avec la victime qu'elle a déclaré reconnaître.
Puis le cadavre ayant été dépouillé de ses vêtements nous l'avons minutieusement examiné avec l'assistance du médecin et n'avons constaté d'autres traces extérieures de violences qu'une très petite éraflure en avant de l'oreille gauche et une forte contusion à l'épaule gauche.
Nous avons alors reçu le serment de M. le Docteur Collé et l'avons requis de procéder à la visite et à l'autopsie.
Puis nous avons visité le théâtre des faits, entendu deux témoins et interrogée l'inculpée contre laquelle nous avons décerné mandat de dépôt.
L'autopsie terminée M. le substitut du Procureur a délivré un permis d'inhumer.
De tout ce que dessus, nous avons dressé le présent procès-verbal que nous avons signé avec M. le substitut et le commis-greffier. (trois signatures)
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21 nov 1887 - Casier Marie-Jeanne Lozach
Extrait de casier du tribunal de Quimper (Finistère).
Relevé des Bulletins individuels de condamnations alphabétiquement classés au casier judiciaire. Concernant la nommé Lozach Marie Jeanne, né à Ergué Gabéric le 20 novembre 1844, âgé de 43 ans, fille de René et de Marie Catherine Istin, 4 enfants, Profession de propriétaire-cultivatrice.
Néant.
Vu au parquet par le Procureur de la République (signature). Certifié conforme par le Greffier soussigné. Quimper, le 21 novembre 1887. (signature)
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28 nov 1887 - Casier René-Jean Moysan
Extrait de casier du tribunal de Quimper (Finistère).
Relevé des Bulletins individuels de condamnations alphabétiquement classés au casier judiciaire. Concernant le nommé Moysan René-Jean, né à Ergué Gabéric le 3 octobre 1847, âgé de 40 ans, fille de Hervé et de Marie Françoise Poher.
19 juillet 1877. Quimper. Coups et blessures volontaires. 8 jours de prison
Vu au parquet par le Procureur de la République (signature). Certifié conforme par le Greffier soussigné. Quimper, le 28 novembre 1887. (signature)
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28 nov 1887 - Déposition Pierre Coathalem
Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Coathalem, Pierre, 14 ans, domestique à Kerfez, Ergué Gabéric
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Coathalem, Pierre, domestique de l'inculpée, âgé de 14 ans domestique demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, ne lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Le treize novembre, vers les dix heures du matin ...
Le treize novembre, vers les dix heures du matin, je me trouvais à travailler avec Narvor dans un hangar lorsque nous entendîmes une discussion dans la cour Feunteun. Curieux de voir ce qui se passait, je sortis du hangar et montai sur un petit mur bordant le chemin au pignon ouest de l'habitation Laurent. Je me trouvai ainsi à environ cent mètres de Moysan et de sa belle-sœur. Je ne comprenais pas les paroles qui s'échangeaient. Tout à coup je vis ma patronne se détacher pour aller prendre un râteau devant sa maison, revenir en courant vers Moysan et le repousser avec le bout du manche qu'elle appuyait contre sa poitrine. Moysan, qui avait reculé de quelques pas, leva alors le poing sur elle, mais il reçut un coup du râteau à la tête et tomba à terre. Je ne puis vous dire, je vous l'affirme, si ce coup a été porté avec le bout du manche ou avec les pointes en fer, ce qu'il y a de certain c'est que Moysan tomba aussitôt à terre. Elle lui porta encore plusieurs coups sur l'épaule gauche, trois ou quatre je crois. Je n'ai point entendu, à ce moment, le blessé dire "frappez donc". Moysan se retira ensuite, ramassa deux pierres sur le chemin qu'il lança contre la femme Feunteun sans l'atteindre. Quand le lança la seconde, ma patronne s'était réfugiée sous le toit à porcs.
Moysan avait bu, mais il n'était pas trop ivre.
Je n'ai pas revu de la journée, le blessé. Quand je suis allé chez lui, le lendemain, il était alité et ne parlait plus.
J'ai vu ma patronne dans la journée, mais, ni ce jour, ni le lendemain, elle n'a parlé devant moi de ce qui venait de se passer. Je n'ai rien à dire de ma patronne, mais quelquefois elle est un peu vive.
Je n'ai pas assisté à la dispute qui a eu lieu entre l'un des enfants Feunteun et un enfant Moysan, mais j'ai entendu dire par le premier, qui s'appelle Laurent, qu'il s'était disputé avec son cousin René. Il ne m'a pas dit qu'il l'avait égratigné.
Confrontation
[En l'endroit nous faisons entrer l'inculpée et nous lui faisons donner lecture de qui précède par l'organe de l'interprète susnommé].
L'inculpée - Je n'ai rien à dire à la déposition du témoin, si ce n'est que je n'ai point frappé mon beau-frère à la tête avec les points en fer, mais bien avec le manche près de son extrémité, c'est-à-dire que je ne l'ai pas frappé avec le bout du manche.
Le témoin - Je persiste dans ma déposition.
Lecture faite, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne savoir signer et l'inculpée signe avec nous, l'interprète et le greffier. (quatre signatures)
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28 nov 1887 - Déposition Hervé Narvor
Du 16 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Narvor, Hervé, 24 ans, domestique à Kerfez, Ergué Gabéric
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Narvor, Hervé, déjà entendu, âgé de 24 ans domestique demeurant à Kerfrès en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, ne lui être parent, allié, serviteur, ni domestique, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Je persiste dans la déclaration ...
Je persiste dans la déclaration que j'ai faite le seize novembre. J'étais à travailler sous un hangar quand j'entendis une discussion dans la cour de la femme Feunteun, sans comprendre les paroles qui s'échangeaient. Quand j'arrivai sur les lieux, je vis l'inculpée qui repoussait son beau-frère avec le manche du râteau appuyé contre la poitrine, mais je ne puis affirmer si elle a porté le coup à la tête avec le manche du râteau ou avec les piques en fer. Elle n'a frappé qu'un coup et non deux à la tête, mais elle a agit si prestement que, bien qu'à vingt pas de là, je ne puis dire si la victime a été atteinte par les pointes de fer ou le bout du manche. Je crois cependant que c'est avec les piques.
Quand Moysan lança les deux pierres contre la femme Feunteun sans l'atteindre, la première fut lancée avant que celle-ci se fut réfugiée dan le toit à porcs, la seconde le fut ensuite.
Je n'ai pas revu le blessé depuis ce moment, je ne sais donc pas si, une demi-heure après, il est allé tirer de la paille et s'il a raconté la scène à sa femme ou à d'autres personnes. Je ne sais rien non plus des discussions qui ont pu avoir lieu, la veille, entre les enfants ou, le matin, entre les parents de ceux-ci.
Je connaissais Moysan depuis cette année seulement, ce n'était point un méchant homme, mais il avait l'habitude de boire. Je ne sais s'il cherchait des querelles quant il était dans cet état.
J'ai travaillé quelques jours au service de l'inculpée et je n'ai eu qu'à me louer de mes rapports avec elle. Je ne puis dire si elle le caractère vif et emporté.
Confrontation.
[En l'endroit nous faisons entrer l'inculpée et nous lui donnons lecture de ce qui précède]
L'inculpée. - Je n'ai rien à dire sur cette déposition. Je n'en voulais nullement à mon beau-frère, il ne m'a jamais fait de mal, mais, il y a sept ou huit ans je crois, il a été condamné pour violences, je ne sais pas si c'est par le juge de paix ou le tribunal correctionnel de Quimper. Il a eu quelques jours de prison.
Le témoin. - Je persiste dans ma déposition.
Lecture faire, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne savoir signer et l'inculpée signe avec nous, l'interprète et le greffier. (quatre signatures)
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28 nov 1887 - Déposition Laurent Feunteun
Du 28 novembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Feunteun Laurent, 75 ans, cultivateur à Kerfez, Ergué Gabéric
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt-huit novembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 22 novembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Laurent, beau-père de l'inculpée, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Je n'ai que peu de choses à ajouter ...
Je n'ai que peu de choses à ajouter aux dépositions que j'ai faites le quatorze et seize novembre. Je suis entré dans la chambre où mon gendre était couché vers les deux heures et demie, mais il ne m'a point fait connaître dans quelles circonstances il avait été blessé. Il se plaignait seulement d'avoir mal à la tête, mais surtout à l'épaule gauche. Je n'ai pas vu de sang à la tête. Comme mon gendre loge chez moi, je suis resté toute l'après-midi dans sa chambre, à l'exception de dix minutes environ pendant lesquelles j'ai conduit mes vaches aux champs.
Ma fille, c'est-à-dire la femme du blessé, est arrivée à la maison un quart d'heure après moi. Je ne crois pas que mon gendre lui ait raconté ce qui est arrivé, ou du moins je ne l'ai pas entendu lui parler, si ce n'est pour lui demander, vers neuf heures du soir, un peu de cidre, ainsi que je l'ai déjà déclaré. À partir de ce moment jusqu'à son décès je ne l'ai pas entendu parler, il est vrai que je suis in peu sourd et que je n'entends pas toujours bien comme il faut.
Ma belle-fille, l'inculpée, n'est pas venue nous voir dans la journée, mais le soir, vers dix heures, voyant mon gendre très malade, je l'allais chercher, elle vint le voir, mais elle ne dit rien.
Le samedi douze novembre, un garçon de l'inculpée et un garçon de mon gendre, âgés tous les deux d'environ onze à treize ans, s'étaient disputés en revenant de l'école, mais je ne sais à quel propos ; celui de l'inculpée avait égratigné l'autre avec ses ongles. C'est à la suite de cette discussion des enfants que les parents se seraient disputés, mais je n'ai assisté à aucune scène ni le douze au soir, ni le treize au matin ; cependant j'ai entendu dire par la femme de la victime que le treize vers neuf heures l'inculpée avait donné des coups de balai à son beau-frère, que celui-ci était tombé et était venu à la maison faire nettoyer ses vêtements souillés de boue.
Mon gendre avait été domestique chez sa belle-sœur pendant seize mois et en était sorti le quinze avril 1887 parce que, s'il s'entendait bien avec sa belle-sœur, il n'en était peut-être pas de même avec son mari.
Mon gendre avait très bon caractère, il était très doux à l'ordinaire, mais quand il avait bu, ce qui leu arrivait malheureusement trop souvent, il cherchait querelle aux gens. Il est mort le quatorze ou plutôt le quinze, à quatre heures moins le quart du matin.
Ma belle-fille a le caractère vif et emporté, mais elle n'a point l'habitude de frapper ceux avec lesquels elle peut se disputer.
Confrontation.
[En l'endroit nous faisons entrer l'inculpée et nous lui faisons donner lecture de la déposition qui précède par l'organe de l'interprète breton Le Bloc'h Jean, 33 ans, serment prêté]
L'inculpée. - Je n'ai rien à dire à la déposition du témoin, c'est bien malheureux ce qui est arrivé car, si j'ai porté des coups à mon beau-frère, je n'avais pas l'intention de le tuer, bien loin de là.
D. - Reconnaissez-vous avoir, le matin, porter des coups de balai à votre beau-frère ?
R. - Le matin il est venu m'insulter dans ma maison. Je l'ai poussé avec mon balai et il est tombé sur le derrière, c'est pour cela qu'il eut ses vêtements salis.
D. - Savez-vous quel a été le motif d'une discussion, la veille au soir, entre votre fils Laurent et son cousin René ?
R. - Je n'ai appris qu'il y avait eu discussion entre ces enfants que le lendemain matin, quand Moysan est venu m'insulter. J'ai interrogé mon fils qui a reconnu s'être disputé avec son cousin, mais qui ne m'en a pas fait connaître le motif ; il s'agissait sans doute de choses insignifiantes.
Le témoin persiste dans sa déposition.
Lecture faite, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne plus pouvoir signer et l'inculpée signe avec nous, l'interprète et le greffier. (quatre signatures).
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29 nov 1887 - PV Gendarmerie
11e Légion. Compagnie de Quimper. Brigade de Quimper. Du 29 novembre 1887.
Procès-verbal constatant Des renseignements demandés par M. le Juge d'instruction à Quimper sur des coups mortels (voir procès verbal n° 556 des brigades de Quimper)
Vu, transmis par le commandant de l'arrondissement à M. le Procureur de la République. Quimper, le 30 novembre 1887.
Gendarmerie nationale.
Ce jourd'hui vingt neuf Novembre mil huit cent quatre-vingt sept à neuf heures du matin.
Nous soussignés Mescam (Joseph-Marie) et Pavaux Alfred, gendarmes à pied à la résidence de Quimper département du Finistère, revêtus de notre uniforme, et conformément aux ordres de nos chefs.
Rapportons qu'agissant en vertu d'une lettre de M. je Juge d'Instruction à Quimper, en date du 28 courant, [...] transmise par nos chefs nous [...] d'interroger la nommée Marie Jeanne Feunteun au sujet des coups que son mari aurait été victime le 13 courant, fait constaté par procès verbal n° 556 des brigades de Quimper en date 14 courant.
À cet effet nous nous sommes rendus au village de Kerfrès où la nommée Marie Jean Feunteun âgée de 30 ans, veuve Moysan, nous a déclaré ce qui suit :
§ « Le dimanche 13 du courant, ...
« Le dimanche 13 du courant, à 9 heures du matin, mon défunt mari est entré dans la maison, en me disant qu'il avait été frappé par sa belle sœur (femme Feunteun) avec son balai, et qu'un de ces coups reçu dans la poitrine, l'avait fait tomber à terre près des écuries. J'ai effectivement constaté qu'il avait ses effets remplis de boue. À dix heures j'ai quitté la maison pour aller à la messe, à mon retour vers deux heures du soir, j'ai trouvé mon mari au lit, il m'a déclaré que sa belle sœur l'avait de nouveau frappé avec un râteau, sans me faire connaître le motif de cette agression, il se plaignait beaucoup d'avoir du mal à la tête et à l'épaule gauche. À 10 heures du soir, il s'est levé pour satisfaire à ses besoins, en rentrant dans son lit il m'a prié de lui donner un peu de cidre doux, pour dégager sa poitrine, à peine avait-il bu 2 gorgées que le hoquet le prit, et à partir de ce moment il n'a pu prononcer une parole jusqu'à sa mort. Il est décédé le 15 à 3h45 du matin.
Je ne sais rien de la scène, ayant quitté la maison à 10 heures du matin et de n'être rentrée qu'à deux heures de l'après-midi.
La veille au soir (samedi) mon fils René m'a déclaré en rentrant de l'école, que chemin faisant il avait été battu par son cousin Feunteun (Laurent) mon fils avait la figure égratignée.
Mon défunt mari ne m'ayant pas fait connaître le motif de la scène, il m'est impossible de rien [...], néanmoins je suis portée à croire que c'est au sujet des enfants. »
Moysan (René), âgé de 10 ans, fils de la victime, nous a fait la déclaration suivante :
« Samedi 12 du courant, vers les 5 heures du soir, je revenais de l'école quelques pas avant mon cousin Feunteun, au moment où j'étais monté sur un talus, il m'a saisi par les effets, m'a renversé dans le champ, puis il m'a égratigné la figure à plusieurs endroits. En rentrant à la maison j'ai raconté à mes parents les violences dont j'avais été victime. »
Le nommé Feunteun (Laurent) 12 ans domicilié au même village déclare ce qui suit :
« Samedi 12 du courant, je revenais de l'école quelques pas avant moi marchait mon cousin Moysan, à un moment donné ayant perdu de vue mon cousin, j'ai entendu ma sœur qui venait également de l'école, qui me disait que Moysan voulait la frapper. J'ai couru après celui-ci et l'ai atteint au moment où il montait sur un talus pour rejoindre ma sœur. Je l'ai saisi parles effets et l'ai fait tomber à terre, puis nous nous sommes battus. Je lui ai égratigné la figure, il m'a également égratigné la mienne. »
Nous avons en outre interrogé le dénommé Moysan Laurent âgé de 9 ans, fils cadet de la victime, qui nous a déclaré ce qui suit :
« Au moment où la scène a eu lieu entre mon père et ma tante je me trouvais dans l'aire à battre, près du tas de foin (à 20 mètres d'eux). J'ai bien vu ma tante donner un coup de râteau (j'affirme que c'est avec le râteau et non avec le manche) à mon père qui est tombé à terre. J'ai eu peur et je me suis sauvé dans la maison. Quelques temps après mon père est rentré, et m'a dit qu'il avait l'épaule cassée et la tête démolie par suite des coups que ma tante lui avait portés. Il s'est mis au lit, il avait la tête grosse et enflée du côté gauche. »
En foi de quoi nous avons rédigé le présent en double expédition, l'une destinée à M. le Juge d'Instruction à Quimper et l'autre à M. le Commandant de la gendarmerie de l'arrondissement conformément à l'article 495 du décret du [...]
Fait et clos à Quimper le jour, mois et an que dessus, (deux signatures)
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30 nov 1887 - Rapport d'autopsie
Rapport sur la visite du cadavre du sieur Moysan René et sur l'autopsie
Je soussigné docteur en médecine, ___________, demeurant à Quimper à la requête de Monsieur Leray [...] de juge d'Instruction, et serment préalablement porté entre les mains de ce magistrat, me suis transporté le 18 novembre 1887 au leu dit Kerfreis en la commune d'Ergué-Gabéric, à l'effet d'y visiter un cadavre qu'on m'a dit être celui du sieur Moysan René, et d'en faire l'autopsie.
Levée du Cadavre. Le corps est celui d'un homme d'une quarantaine d'années, assez bien constitué. La putréfaction n'est pas commencée.
L'examen extérieur relève les particularités suivantes :
Sur la Face, en avant de l'oreille gauche une écorchure de 2 centimètres de longueur dans le sens vertical, paraissant avoir été faite à l'aide d'une pointe [...].
Sur le Crâne, un léger empâtement des tissus au niveau de la fosse temporale gauche, mais aucune ecchymose ni fracture apparente.
Sur le Thorax à gauche du sternum et quelques centimètres au-dessous de la clavicule, on trouve une légère ecchymose.
Le moignon de l'épaule gauche est considérablement tuméfié, il est le siège d'un vaste épanchement séro-sanguin sous cutané. Tout l'ecchymose très foncée descend assez bas dans le creux axillaire et s'étend sur une grande partie du dos.
Sur l'épaule droite on remarque également une ecchymose, mais beaucoup plus petite que celle qui se trouve sur l'épaule gauche.
Autopsie. - Ouverture du crâne. Après avoir [...] le cuir chevelu nous aperçûmes un épanchement de sang sous [...] temporale gauche. Cette membrane incisée nous permet de constater que les fibres du muscle temporal s'étaient dissociées par un épanchement de sang à demi coagulé. La recherche du vaisseau rompu nous avons sur une fissure existant à l'angle postérieur de l'os temporal. Divisant aussitôt la calotte crânienne, d'un trait de scie, nous nous trouvâmes en présence d'un caillot volumineux (2 [...] environ) de consistance gélatineuse, occupant la partie gauche de la loge crânienne entre les méninges et les os. L'inspection minutieuse de la [...] de l'os temporal gauche nous fit découvrir une [...] de 1 centimètre carré 1/2 environ, assez irrégulière. Dans ses contours ...
Conclusions
§ 1°/ Le sieur Moysan a été atteint ...
1°/ Le sieur Moysan a été atteint sur la partie latérale gauche du crâne, d'un coup porté normalement par un instrument contondant. ce coup a déterminé un enfoncement partiel des os du crâne, et un des os ayant divisé une artère l'hémorragie a comprimé le cerveau et amené la mort.
2°. Le sieur Moysan a reçu également des coups multiples portés avec un instrument contondant sur l'épaule gauche, la droite et le devant de la poitrine. De ces divers coups, ceux portés sur le moignon de l'épaule gauche avaient, seuls, quelque gravité.
Fait à Quimper le 30 novembre 1887, (signature Fr Collé).
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12 déc 1887 - Déposition Laurent Moysan
Du 12 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Moysan Laurent, neuf ans, à Kerfez en Ergué Gabéric
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le douze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi,
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 6 décembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Moysan, Laurent, neveu de l'inculpée, âgé de 9 ans sans profession demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ [ Le témoin dépose sans prêter serment ...
[ Le témoin dépose sans prêter serment à raison de son jeune âge]
Au moment de la scène entre mon père et ma tante je me trouvais dans la cour, à vingt mètres d'eux à peu près. J'ai vu ma tante je me trouvais dans la cour à vingt mètres d'eux à peu près. J'ai vu ma tante donner un coup de râteau à mon père qui est tombé à terre. Ce n'est point avec les piques qu'elle l'a frappé, mais avec le dos du râteau. J'ai eu peur à ce moment et je me suis sauvé à la maison. Il n'y avait dans la cour, en dehors de mon père et de ma tante, que les nommés Narvor et Coatalem. Quand mon père est rentré quelques minutes après, il m'a dit qu'il avait l'épaule cassée et la tête démolie. Ma mère n'est rentrée que plus tard.
D. - Avez-vous assisté à une autre scène entre votre père et votre tante, le matin vers neuf heures ?
R. - Non.
D. - Savez-vous si, la veille au soir, votre frère René et votre cousin Laurent ne s'étaient pas disputés et égratignés ?
R. - En revenant de l'école mon frère m'a dit qu'il s'était disputé avec son cousin, mais je ne sais pas pour quel motif mon frère avait la figure égratignée.
[En l'endroit nous faisons entrer l'inculpée et nous lui faisons donner lecture de ce qui précède].
L'inculpée. - Je maintiens que c'est avec le manche du râteau que j'ai frappé mon beau-frère à la tête.
Lecture faite, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne savoir signer et nous signons avec l'inculpée, l'interprète et le greffier. (quatre signatures)
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12 déc 1887 - Déposition Laurent Feunteun
Du 12 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Feunteun Laurent, 75 ans, déjà entendu
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le douze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier.
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, lequel nous a représenté l'avertissement à lui donné en date du 6 décembre 1887, et après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Laurent, beau-père de l'inculpée, âgé de 75 ans cultivateur demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ D. - Est-ce que l'inculpé ne devait pas ...
D. - Est-ce que l'inculpée ne devait pas fournir une rente au sieur Moysan René ?
R. - Non, elle ne devait aucune rente à Moysan, c'est à moi qu'elle et son mari donnaient, tous les ans, cinq cents kilogrammes de seigle et de blé noir.
D. - Savez-vous si, en dehors de Narvor et de Coatalem et de votre petit-fils Moysan, il y a eu d'autres témoins de la scène à la suite de laquelle votre gendre est décédé ?
R. - Non, je n'ai pas entendu dire.
D. - Précédemment, avez-vous entendu dire que l'inculpée ait menacé son beau-frère ?
R. - Non.
Confrontation
[En l'endroit nous faisons entrer l'inculpée et nous lui donnons connaissance ce qui précède]
L'inculpée. - Je n'ai rien à dire. Pendant que je me disputais avec mon beau-frère, je n'ai vu que Narvor.
Lecture faite, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne plus pouvoir signer et l'inculpée signe avec nous et le greffier. (trois signatures)
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15 déc 1887 - Déposition Marie-Jeanne Feunteun
Du 15 décembre 1887. Tribunal de première instance de Quimper. Chambre d'instruction. Information contre Lozach Marie Jeanne, inculpé de coups mortels.
Déposition de Marie-Jeanne Feunteun, veuve Moysan, 30 ans
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le quinze décembre. Devant Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper (Finistère), assisté de Mr Vaillant, Prosper, Commis-Greffier et du sieur Le Bloch Jean-François âgé de 33 ans, Interprète de la langue bretonne, qui a prêté le serment prescrit par la loi, étant au lieu de Kerfrez où se trouve alité le témoin ci-après.
A comparu volontairement, le témoin ci-après nommé, après avoir prêté le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, a, sur notre demande, par l'organe de l'interprète susnommé, déclarer se nommer Feunteun, Marie Jeanne, belle-sœur de l'inculpée, âgé de 30 ans ménagère demeurant à Kerfrez en Ergué Gabéric, connaître l'inculpée, lui être parent, et a déposé séparément, hors la présence de l'inculpé, comme suit :
§ Le treize novembre dernier, vers les neuf heures ...
Le treize novembre dernier, vers les neuf heures et demie du matin, mon mari, qui paraissait avoir bu un peu, sans être ivre, est entré à la maison, en me disant qu'il avait reçu de la femme Feunteun un coup de balai dans la poitrine qui l'avait fait tomber à terre. Il avait les vêtements tout souillés de boue. Je ne lui demandai pas ce qui s'était passé et quel était le motif de leur dispute, mais je suppose que mon mari était allé demander des explications à sa belle-sœur dont l'un des enfants avait battu un des nôtres, la veille au soir.
Après dix heures, j'ai quitté la maison pour aller à la messe, je n'ai donc pas assisté à la scène dans laquelle mon mari a reçu le coup mortel. Quand je rentrai vers deux ou trois heures du soir, mon père était rentré. Je trouvai mon mari au lit et lui ayant demandé ce qu'il avait, il me dit qu'il avait mal à l'épaule et que sa belle-sœur l'avait battu. Un peu plus tard je lui ai demandé si'il ne souffrait pas de la tête, il me répondit que oui et que la femme Feunteun lui avait donné sur la tête un coup du dos d'un râteau et non du manche, que cependant elle l'avait aussi frappé à la poitrine avec le bout du manche. Mon mari ne me fit pas connaître le motif de la bataille et je supposai que c'était toujours à cause des enfants qui s'étaient battus la veille.
Je me couchai vers les sept heures. À neuf ou dix heures, mon mari se leva pour satisfaire un besoin naturel et, en rentrant au lit, me pria de lui donner un peu de cidre. À peine avait-il bu deux gorgées que le hoquet le prit et à partir de ce moment il ne put prononcer aucune parole jusqu'à son décès qui survint le quinze à quatre heures moins le quart.
La femme Feunteun est venue le treize novembre voir mon mari, vers les dix heures. Mon père était allé la chercher, mais elle ne dit rien, de moins je n'ai rien entendu.
D. - Les rapports de votre mari avec la femme Feunteun étaient-ils bons ?
R. - Oui, la femme Feunteun, qui était un peu vive et emportée, se conduisait bien vis-à-vis de mon mari ; quelquefois ils se disputaient mais ces discussions n'avaient aucune importance et cessaient aussitôt.
D. - La femme Feunteun, qui payait une rente à son beau-père, n'était-elle point jalouse de voir que vous ne payiez rien que vous logiez chez lui gratuitement ?
R. Je ne m'en suis jamais aperçue et mon mari ne m'a jamais dit que la femme Feunteun lui eut fait des reproches à cet égard. À ma connaissance jamais elle ne l'a menacé non plus.
D. - Savez-vous si, en dehors de Narvor et Coatalem et de votre fils Laurent, il y a eu d'autres témoins de la scène ?
R. - Je ne l'ai pas entendu dire. Je sais que les trois personnes que vous venez de citer se trouvaient au village. Je ne sais s'il y en avait s'autres à ce moment là.
Confrontation
[en l'endroit l'inculpée étant introduite, nous lui faisons donner lecture de ce qui précède]
L'inculpée. - La première fois, je n'ai pas frappé Moysan je l'ai simplement repoussé avec la main et il est tombé par terre. Un peu plus tard, quand je l'ai frappé à la tête je l'ai fait avec le bout du manche et non avec le dos du râteau.
Le témoin. - Je persiste dans ma déposition, notamment en ce qui concerne le coup de râteau donné à la tête. Mon mari m'a bien dit que c'était avec le dos du râteau et non avec le manche qu'il avait été frappé.
Lecture faite, le témoin et l'inculpée persistent, le témoin dit ne savoir signer et l'inculpée signe avec nous, l'interprète et le greffier. (quatre signatures).
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20 déc 1887 - Interrogatoire Marie-Jeanne Feunteun
Du 20 décembre 1887. Tribunal de Quimper. Interrogatoire de Lozach Marie, femme Feunteun, inculpé de coups mortels
L'an mil huit cent quatre-vingt sept, le vingt décembre. Devant Nous Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper, assisté de Mr Le Poussin Cn, Greffier.
A comparu la dénommée ci-après, inculpée de coups mortels et à l'interrogatoire de laquelle nous avons procédé comme suit par l'organe du sieur Guillerm âgé de 65 ans, Interprète de la Langue Bretonne, qui a prêté le serment prévu par la loi.
D. - Quels sont vos nom, prénoms, âge, profession, lieu de naissance et de domicile ? À quelle classe appartenez-vous ? Dans quel canton avez-vous tiré au sort ? Quel numéro avez-vous obtenu ? Etes-vous marié ou célibataire ? Savez-vous lire et écrire ? Possédez-vous quelques biens ? Avez-vous déjà été condamné ?
§ Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, déjà interrogée ...
Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, déjà interrogée.
D. - Nous allons résumer dans un interrogatoire final, les charges qui pèsent sur vous. Vous n'avez jamais subi de condamnation, mis, au dire des témoins, et même de vos parents, vous avez le caractère vif et emporté ; ce qui est d'ailleurs démontré par les faits mêmes dont vous êtes inculpée ?
R. - Je ne suis pas plus colère qu'une autre.
D. - Il résulte de l'instruction que vous vous entendiez bien avec votre beau-frère ?
R. - C'est vrai. Pendant les quinze mois qu'il a été à notre service, et depuis, toutes les fois que je l'employais, je n'ai eu, pas plus que mon mari, de discussions avec lui. Pourtant c'est à la suite de reproches que lui fit mon mari, un jour qu'il était ivre, et n'avait pas fait son ouvrage, que Moysan fut congédié par nous.
D. - Cependant, vous étiez peut-être jalouse de voir que votre beau-frère et sa famille logeaient gratuitement chez le père Feunteun, tandis que vous et votre mari, payiez à ce dernier une rente de cinq cents kilogrammes de seigle et de blé noir par an ?
R. - Non, je n'en étais point jalouse ; je l'aurais peut-être été, si la rente dont vous me parlez avait été augmentée à la suite de l'entrée chez mon beau-père de la famille Moysan, mais la rente est restée la même et je n'avais contre mon beau-frère aucun sentiment d'animosité.
D. - Au mois de novembre dernier, le douze au soir, une discussion insignifiante s'était élevée entre votre fils Laurent et votre neveu René, pendant laquelle tous deux s'étaient égratignés réciproquement la figure.
R. - Je n'ai eu connaissance de cette dispute que le lendemain par Moysan.
D. - Le lendemain en effet, Moysan est venu chez vous, vers neuf heures et demie du matin, vous traitant de P. et de G., à propos de cette discussion entre vos enfants ; voilà du moins ce que vous avez déclaré car aucun témoin n'a assisté à cette scène ?
R. - C'est la vérité, j'ai repoussé Moysan avec la main et il est tombé dans la boue. Je ne me suis pas aperçue à ce moment qu'il eût bu.
D. - Vos explications sont vraisemblables ; cependant Moysan a déclaré à sa femme que vous l'aviez poussé avec un balai. En tout cas, si vous l'avez repoussé avec la main, vous avez agi avec une certaine violence, puis que Moysan est tombé à terre ?
R. - C'est bien avec la main que je l'ai poussé, mais il a butté dans des pierres qui l'ont fait tomber.
D. - Moysan rentra chez lui faire nettoyer ses vêtements par sa femme, puis il revint devant votre porte, vers les dix heures et demie. Vous avez prétendu que de nouveau il vous avait insultée et traitée de (Pot lourde), mais aucun témoins n'assistait à la discussion et Narvor et Coatalem n'ont pu dire quels avaient été les propos échangés ?
R. - Ce que j'ai déclaré est la vérité.
D. - En admettant même comme exactes vos allégations, vous aviez un moyen facile d'éviter toute dispute nouvelle ; il fallait rentrer chez vous et fermer votre porte ou appeler quelqu'un si Moysan qui paraissait avoir bu, continuait à vous outrager ?
R. - Vous avez raison et c'est le tort que j'ai eu de me laisser emporter. Quant à Moysan il ne m'a point paru qu'il fût en état d'ivresse.
D. - Au lieu d'agir comme je viens de vous le faire observer, vous avez couru prendre un râteau avec lequel, appuyant le bout du manche contre la poitrine de Moysan, vous l'avez repousser et lui avez fait une ecchymose qui a été constatée par le docteur ?
R. - Je n'ai point couru prendre le râteau. Il était appuyé au mur de la maison, tout près de moi. Je n'ai repoussé Moysan que d'un ou deux pas. C'est alors qu'il a levé le poing pour me frapper.
D. - Il semble que vous ne couriez pas un grand danger puisque entre Moysan et vous se trouvait la longueur du râteau ?
R. - Je tenais le râteau par le manche, mis mon beau-frère fit un pas en avant, et son poing se trouvait au-dessus de ma tête. C'est alors que je l'ai frappé avec le manche, au côté gauche de la tête, et qu'il est tombé.
D. - Vous savez que si Narvor et Coathalem ne peuvent affirmer que vous avez frappé avec les piques ou le manche, le petit Laurent Moysan a déclaré que c'était avec le dos du râteau et que la veuve a entendu dire son mari qu'il avait reçu un coup avec le dos du râteau, dans lequel les piques sont enfoncées. En tout cas, le docteur a constaté que le coup avait été porté par un instrument contondant ?
R. - C'est bien avec le manche, près de son extrémité que j'ai frappé. Mon explication est bien naturelle puisque je tenais le râteau par le manche, le boiut en avant, dans la minute qui a précédé.
D. - Votre beau-frère étant tombé vous a dit : "frappez donc" et alors vous lui avez porté trois ou quatre coups du manche du râteau sur l'épaule gauche, et peut-être sur l'épaule droite, mais les ecchymoses constatées sur l'épaule gauche, avaient seules de la gravité ?
R. Mon beau-frère continuant à m'insulter et me disant de frapper, je lui ai donné deux ou trois coups du manche du râteau, sur l'épaule gauche, mais je ne l'ai point frappé à droite.
D. Moysan s'est relevé, a pris deux pierres sur le chemin, les a lancées contre vous, sans vous atteindre, mais lorsqu'il a lancé la seconde, vous vous étiez réfugiée dans votre toit à porcs ?
R. C'est exact.
D. - Moysan rentra chez lui, se mit au lit, se plaignant à son fils Laurent d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée, puis son beau-père et un instant après sa femme rentrèrent à la maison. À neuf heures le soir il se leva, but un peu de cidre, fut pris de hoquet, perdit la parole qu'il ne recouvra pas jusqu'à l'heure de son décès, survenu le quinze novembre, à trois heures quarante cinq du matin. Pendant que votre beau-frère s'était couché, vous n'êtes venue le voir qu'une fois, le treize au soir et encore sur l'appel de votre beau-père. Vous n'avez rien dit et pas même exprimer le regret de ce que vous aviez fait ?
R. - C'est vrai, mais j'ai été le voir aussi le lendemain matin quatorze.
D. - L'autopsie faite par le docteur a démontré que la mort de votre beau-père était due aux coups qu'il avait eu à la tête, qui avait déterminé un enfoncement partiel des os du crâne et qu'un des os avait divisé une artère occasionnant une hémorragie. Avez-vous quelque chose à dire ?
R. - Non ; je n'ai rien à ajouter aux déclarations que j'ai faites.
Lecture faite, l'inculpée persiste et signe avec nous et le greffier. (trois signatures)
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23 déc 1887 - Ordonnance
Tribunal de première instance de Quimper. Cabinet du Juge d'Instruction.
Ordonnance
Nous, Juge d'Instruction de l'arrondissement de Quimper.
Vu la procédure introduite contre Lozach Marie-Jeanne femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née et demeurant à Ergué-Gabéric, inculpée de coups mortels. Détenue.
Ensemble le réquisitoire ci-contre ;
Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes
§ D'avoir, le treize novembre 1887 ...
D'avoir, le treize novembre 1887, en la commune d'Ergué-Gabéric volontairement porté des coups ou fait des blessures au nommé Moysan René-Jean lesquels coups portés ou blessures faites volontairement, mais sans intention de donner mla mort, l'ont pourtant occasionnée ;
Attendu que ce fait constitue le crime prévu et puni par l'article 309 du Code civil.
Vu l'article 133 du Code d'Instruction Criminelle. Déclarant la prévention suffisamment établie ; En conséquence ordonnons que les pièces de l'instruction, le procès-verbal constatant le corps du délit et un état des pièces pouvant servir à conviction seront transmis sans délai à M. le Procureur Général près la Cour d'appel de Rennes pour être par ce magistrat requis et par la chambre des mises en accusation statué ce qu'il appartiendra.
Ratifié l'ordonnance ci-dessus à l'intéressé. Quimper le 24 décembre 1887. Le Gardien-chef, (signature)
Décerné en notre cabinet, à Quimper, le 23 décembre 1887. Le Juge d'Instruction, (signature)
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23 déc 1887 - Réquisitoire définitif
Tribunal de première instance de Quimper. Parquet du Procureur de la République.
Réquisition définitif.
Nous, Procureur de la République à Quimper. Vu la procédure instruite contre la nommée Lozach, Marie-Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née à Ergué-Gabéric, y domiciliée. Inculpée de coups mortels. Dtenue.
Attendu que des pièces de l'instruction résultent contre cette inculpée charges suffisantes
§ d'avoir, le treize novembre 1887 ...
D'avoir, le treize novembre 1887, en Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups ou fait des blessures au nommé Moysan, René-Jean, lesquels coups portés, ou blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
Attendu que ce fait constitue le crime prévu et puni par l'article 309 du Code civil.
Vu l'article 133 du Code d'Instruction Criminelle ; Requérons qu'il plaise à M. le Juge d'Instruction dise que la prévention contre l'inculpée est suffisamment établie ; ordonne que les pièces de l'instruction, le procès-verbal constatant le corps du délit et un état des pièces pouvant servir à conviction seront transmis sans délai par nous au Procureur Général près la Cour d'appel de Rennes pour être par ce magistrat requis et par la chambre des mises en accusation statué ce que dessus.
Au Parquet, à Quimper, le 23 décembre 1887. Le Procureur de la République, (signature)
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24 déc 1887 - Avis à prévenu
Parquet du Procureur de la République.
Avis à un ou plusieurs détenus de leur renvoi devant la Chambre des Mises en accusation.
Nous, Procureur de la République près le tribunal de l'arrondissement de Quimper. Requérons le Gardien chef de la Maison d'arrêt de Quimper de donner avis à
§ la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...
la née Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, 42 ans, propriétaire-cultivatrice, née à Ergué-Gabéric, y domiciliée. Détenue.
Que, par Ordonnance de M. le Juge d'instruction près le Tribunal de ce siège, en date du 23 décembre 87 la susnommée a été renvoyé devant Cour d'Appel chambre des mises en accusation, sous la prévention de coups mortels.
La susnommée peut, en conséquence, adresser à la Cour d'Appel tous les mémoires et moyens justificatifs qu'elle croira nécessaire à sa défense.
Fait au Parquet, à Quimper le 24 décembre 1887.Le Procureur de la République. Le présent ordre a été exécuté le 24 décembre 1887. Le Gardien chef de la Maison d'arriet, (signature)
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29 déc 1887 - Minutes du Greffe
Chambre des mises en accusation. 29 décembre 1887. Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun, Coups suivis de mort. Quimper.
Extrait des Minutes du Greffe de la Cour d'Appel de Rennes. République française. Au nom du Peuple français,
La Cour d'Appel de Rennes, Chambre des mises en accusation, a rendu le vingt-neuf Décembre mil huit cent quatre-vingt sept l'arrêt suivant :
La Cour, réunie en la Chambre du Conseil, Monsieur Denier, Substitut du Procureur général, a fait le rapport d'une procédure criminelle instruite au Tribunal de Quimper
§ Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun ...
Contre Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun, prévenue de coups et blessures, volontaires, suivis de mort ;
Lecture a été faite des pièces de la procédure, qui ont été laissées sur le bureau, Monsieur le Substitut a déposé son réquisitoire, signé de lui, daté du vingt sept décembre mil huit cent quatre-vingt sept et terminé par les conclusions suivantes :
« Avons l'honneur de requérir qu'il plaise à la Cour mettre la prévenue en accusation, la renvoyer devant les Assises du Finistère et décerner contre elle une ordonnance de prise de corps. »
Monsieur le Substitut s'étant retiré, ainsi que le Greffier, Après en avoir délibéré : Considérant que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultant les faits suivants : (cf pages manuscrites de mise en accusation).
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29 déc 1887 - Mise en accusation
Le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, René Lozach, cultivateur à Ergué-Gabéric, eût, avec sa belle-sœur, Marie Jeanne Lozach, une discussion à la suite de laquelle il reçut, à la poitrine, un coup de balai. Une heure après, environ, une querelle s'engagea de nouveau. Marie Lozach saisit un râteau et frappa Moysan à la poitrine avec le bout du manche ; celui-ci leva la main. À ce moment Marie Lozach lui asséna, sur la tête, avec le dos du râteau, un coup si violent qu'il tomba ; elle continua à le frapper, à terre, de plusieurs coups. Moysan, en rentrant chez lui, se plaignit à sa famille d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée ; il il perdit, dès le soir même, l'usage de la parole et mourut dans la matinée du quinze novembre.
§ L'autopsie a démontré ...
L'autopsie a démontré que Moysan avait reçu, à la partie latérale gauche du crâne, un coup porté à l'aide d'un instrument contondant qui avait déterminé un enfoncement partiel des os, divisé une artère et produit une hémorragie qui, comprimant le cerveau, avait amené la mort.
Des traces d'autres coups existaient aussi aux épaules et à la poitrine.
Considérant que de ces faits résultent charges suffisantes pour accuser :
Lozach, Marie Jeanne, femme Feunteun.
D'avoir, le treize novembre mil huit cent quatre vingt sep, à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur René Moysan, lesquels coups portés et blessures faites sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée.
Crime prévu et puni par l'article trois cent neuf du code pénal ; de la compétence des cours d'assises aux termes de l'article deux cent trente et un du code d'instruction criminelle.
La cour ; met en accusation Lozach, Marie Jeanne femme Feunteun, et la renvoie devant la Cour d'assises du département du Finistère pour y être jugée suivant la loi.
Décerne contre elle une ordonnance de prise de corps.
Ordonne en conséquence, que par tous huissiers ou agents de la force publique légalement requis.
Lozach, Marie Jeanne femme Feunteun, née le vingt et un novembre mil huit cent quarante quatre, à Ergué-Gabéric, propriétaire-cultivatrice, demeurant à Ergué-Gabéric.
Soit prise appréhendée au corps et conduite dans la maison de justice établie près la cour d'assises du département du Finistère sur les registres de laquelle maison elle sera écrouée par tous huissiers requis, comme accusée du crime ci-dessus spécifié et qualifié.
Ordonne que le présent arrêt soit mortifié à l'accusée et qu'il soit exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
Fait au Palais de justice ; à Rennes le vingt neuf décembre, mil huit cent quatre-vingt sept, en la chambre du conseil où siégeaient Messieurs Souiller, président, Fornier, Hamel, Le Vaillant et Valentin, conseillers composant la chambre des mises en accusation, qui ont signé le présent arrêt avec Maître Garot, greffier, présent à l'audience.
Suivent les signatures. Le président, Souiller, Fornier, Hamel, Le Vaillant, Valentin, E. Garot.
En conséquence le Président de la République Française, mande et ordonne à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent arrêt à exécution. Aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République près les tribunaux de première instance d'y tenir la main. À tous commandants et officiers de la force publique, d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par Messieurs les Président et conseillers composant la chambre des mises en accusation et par le greffier.
Pour expédition conforme, délivrée à Monsieur le Procureur Général. Le greffier en chef de la cour d'appel de Rennes. (cachet et une signature)
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2 janvier 1888 - Acte d'accusation
Cour d'appel de Rennes. Parquet du procureur général.
Acte d'accusation.
Le Procureur Général près la Cour d'Appel de Rennes expose que, par arrêt du 29 décembre 1887, la Cour a ordonné la mise en accusation et le renvoi devant la Cour d'Assises du département du Finistère pour y être jugé suivant la loi, de la nommée Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun.
Déclare le Procureur Général que des pièces de la procédure et de l'Instruction résultent les faits suivants :
§ Le Dimanche 13 novembre dernier ...
Le Dimanche 13 novembre dernier, au matin, le nommé Moysan, René, cultivateur demeurant au village de Kerfreis, en Ergué Gabéric, alla trouver la nommée Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, sa voisine et belle-sœur pour lui demander des explications au sujet d'une rixe qui s'était produite la veille au soir entre leurs enfants. Peu après, vers les 9 h. 1/2, il rentra à la maison, en disant qu'il avait reçu de la femme Feunteun, dans la poitrine un coup de balai qui l'avait fait tomber à terre. Il avait , en effet, les vêtements tout souillés de boue.
Il revint, vers 10 h. 1/2 devant la porte de la maison de la femme Feunteun, et là, une discussion s'engagea entre eux au même sujet.
Emportée par la colère, la femme Feunteun alla saisir un râteau appuyé au mur de la maison, en dirigea le bout du manche sur la poitrine de Moysan, l'en frappa et le repoussa.
Moysan, qui avait reculé de quelques pas leva la main, et c'est alors que la femme Feunteun le frappa à la tête avec le dos du râteau dont elle était armée. Le coup fut si violemment asséné que Moysan tomba immédiatement à terre. Alors qu'il était dans cette position, la femme Feunteun lui porta encore trois ou quatre coups, notamment à l'épaule gauche ; Il se releva et lança contre elle deux pierres sans l'atteindre.
Il rentra chez lui et se coucha aussitôt, en se plaignant à son fils Laurent, d'avoir la tête démolie et l'épaule cassée.
Il renouvela la même plainte à son beau-père Laurent Feunteun et à sa femme lorsqu'ils rentrèrent à la maison dans l'après-midi, et raconta à cette dernière que c'était bien avec le dos, non avec le manche du râteau que la femme Feunteun l'avait frappé.
À neuf ou dix heures du soir, Moysan se leva un instant, et, en se remettant au lit, fut pris de hoquet, sans pouvoir à partir de ce moment, articuler une parole.
Il expira le quinze à quatre heures moins le quart du matin.
Le docteur Collé, qui a procédé à l'examen et à l'autopsie du cadavre, a constaté que Moysan avait été atteint à la partie latérale gauche du crâne d'un coup porté par un instrument contondant ; que ce coup avait déterminé un enfoncement partiel des os du crâne, et qu'un des os ayant divisé une artère, l’hémorragie avait comprimé le cerveau et amené la mort.
Il a relevé en outre les traces de coups multiples portés avec un instrument contondant, sur l'épaule gauche, la droite, et le devant de la poitrine.
Moysan était un honnête cultivateur, père de six enfants en bas âge.
La femme Feunteun n'a pas d'antécédents judiciaires.
En conséquence Lozach, Marie-Jeanne, femme Feunteun est accusée : d'avoir, le treize novembre mil huit cent quatre-vingt sept, à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et faits des blessures au sieur René Moysan, lesquels coups ports et blessures faites sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
Crime prévu et puni par l'article trois cents neuf du Code Pénal.
Au parquet de la cour, Rennes le 2 janvier 1888, le Procureur Général, (signature)
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01 fév 1888 - Ordonnance d'acquittement
1er février 1888. Ordonnance d'acquittement en faveur de Lozach Marie Jeanne, femme Feunteun
Nous Saulnier, Conseiller à la Cour d'Appel de Rennes, Président de la Cour d'Assises du département du Finistère séant à Quimper pour le 1er trimestre de 1888.
Vu la déclaration du jury de laquelle il résulte que la nommée Lozach Marie-Jeanne, femme Feunteun, âgée de 43 ans, propriétaire-cultivatrice, née le 21 Novembre 1844 à Ergué-Gabéric, arrondissement de Quimper, y demeurant, fille de René et de Marie-Catherine Istin, ayant quatre enfants, non condamnée ;
accusée d'avoir le treize novembre 1887 à Ergué-Gabéric, volontairement porté des coups et fait des blessures au sieur René Moysan, lesquel coups portés et blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant occasionnée.
N'est pas responsable du crime qui lui est reproché ;
En vertu des pouvoirs qui nous sont confiés par l'article 358 du Code d'Instruction criminelle ;
Déclarons Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, acquittée de l'accusation portée contre elle et ordonnons qu'elle soit mise en liberté sur le champ, si elle n'est retenue pour autre cause.
Ainsi fait et ordonné en audience publique de la Cour d'assises du département du Finistère, au Palais de justice à Quimper, le premier février mil huit cent quatre-vingt huit, à quatre heures et demie du soir.
Le Président des assises, (signature Saulnier). Par le Président, (signature)
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01 fév 1888 - Délibéré
La Cour
après avoir entendu l'avoué et l'avocat de la partie civile dans leurs conclusions et plaidoiries, la femme Feunteun et le sieur Feunteun, son mari, et leur avocat Me de Chamaillard dans leurs observations, conclusions et plaidoiries,
ouï M. le Procureur de la République dans ses conclusions et après avoir délibéré conformément à la loi
attendu qu'il n'est pas dénié par la défendeuse que sa responsabilité civile est engagée par le fait qui a entraîné la comparution devant la cour d'assises ; que malgré le verdict négatif dont elle a bénéficié, il est établi et avoué que la mort de sieur Moysan est due à une faute de la femme Feunteun ; que s'il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles s'est produite cette faute, il y a lieu aussi de proportionner les dommages intérêts aux besoins du demandeur ;
attendu que les offres faites par Feunteun et sa femme sont repoussés par la veuve Moysan au nom qu'elle agit ; qu'elles sont en réalité insuffisantes eu égard aux ressources de la défendeuse ainsi qu'aux charges de la demandeuse et des besoins auxquels elle a à pourvoir seule par suite du décès de son marie ; qu'il y a donc lieu d'allouer une somme fixe pour réparer le préjudice dont la femme Feunteun reconnaît être l'auteur ; que la Cour a les éléments suffisant pour arbitrer ce qu'elle doit de ce chef ;
par ces motifs, dit qu'il y a lieu de donner acte au sieur Feunteun de ses offres lesquelles sont déclarées insuffisantes ; condamne la femme Feunteun née Lozach à payer à la veuve Moysan tant en son nom qu'à qualité la somme de trois mille francs ; dit qu'elle sera tenue à titre de supplément de dommages intérêts, des intérêts de la dite somme de 3000 f. au taux légal et ce depuis le jour de la demande, la condamne en outre aux dépens faits par la partie civile, liquidés à ... non compris le coût retrait et notification du présent, dont distraction à Me Le Scour.
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1er fév 1888 - Conclusion de Chamaillard au civil
Maître de Chamaillard conclut pour
1° La femme Feunteun, née Lozach
2° Le sieur Feunteun, comparait volontairement devant la cour d'assises du Finistère pour assister sa femme et au besoin s'engager personnellement
contre la veuve Moysan, agissant tant en privé que comme tutrice de ses enfants mineurs.
Il plaira à la cour décerner acte à Feunteun de ce que, par esprit de conciliation et bien qu'il en soit en rien tenu des conséquences civiles de l'acte commis par sa femme, il offre solidairement avec sa femme une pension de 150 francs par an dont 50 fr seront attribués à la veuve Moysan pendant toute sa vie, et cent francs seront affectés aux enfants mineurs jusqu'à l'âge de 16 ans ; cette rente se réduisant proportionnellement au fur et à mesure qu'un des enfants atteindra cet âge, ou viendrait à décéder.
Dire ces offres suffisantes et libératoires. Mais pour le cas où elles ne seraient pas acceptées, ni déclarées suffisantes par la cour,
Décerner acte à Feunteun de ce qu'il entend ne prend en aucun cas engagement soit en son nom personnel, soit comme chef de la communauté.
Sauf à la veuve Moysan à se pourvoir comme elle l'entend, l'exécution des condamnations qu'elle obtiendrait contre la femme Feunteun par dépens de l'incident seulement pas la femme Feunteun.
Maître de Chamaillard, avocat de la femme Feunteun. A l'honneur de conclure. Plaise à la cour.
Tarder à statuer sur la demande de la partie civile, commettre un juge pour au besoin entendre les parties, prendre connaissance des pièces et faire son rapport à l'audience, conformément à l'article 358 du C.I.C.
(signature de Chamaillard). Quimper, 1er février 1888
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1er fév 1888 - Conclusion Le Scour au civil
Me Paul Le Scour, avoué près le Tribunal Civil de Quimper, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour des assises du Finistère :
Décernant acte à dame Marie-Jeanne Le Feunteun, veuve du sieur René Moysan, agissant tant en privé que comme tutrice légale de Marie-Jeanne, René, Laurent, Alain, Marie-Françoise et Pierre-Marie Moysan, de ce qu'elle se porte partie civile sans l'instance pendante dirigée contre Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun (Alain).
Et attendu qu'il résulte tant des témoignages que des débats que la dite femme Feunteun a porté au sieur René Moysan des coups qui, suivant les déclarations de l'homme de l'art, ont déterminé la mort, sans intention de la donner ;
Attendu la perte du père de famille et de l'époux a causé aux concluants un dommage considérable ;
Par ces motifs, plaise à la Cour condamner Marie-Jeanne Lozach, femme Alain Feunteun à six mille francs de dommages-intérêts, ainsi qu'aux entiers dépens.
Sous toutes réserves, [...] de nouvelles conclusions. Quimper le 1er février 1888. (signature Paul Le Scour)
Me Le Scour, avoué de la veuve Moysan, en privé et es qualité, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour :
Dire et juger qu'il n'y a eu en tous cas, dans les faits acquis aux débats une faute civile aux termes de l'article 1382 du Code civil ; et attendu que par cette faute, Marie-Jeanne Lozach, femme Feunteun, a porté à la concluante, en privé et es qualité, un préjudice dont il lui est dû réparation ;
Par ces motifs, allouer le bénéfice des précédents conclusions. Par dépens. Quimper le 1er février 1888, (signature Paul Le Scour)
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1er fév 1888 - Réponses jury
Cour d'appel de Rennes. Cour d'assises du département du Finistère. Audience du 8 février 1888.
Déclaration du jury dan le procès criminel instruit contre la femme Feunteun née Lozach
Questions. Fait principal.
Marie Jeanne Lozach, femme Feunteun, est-elle coupable d'avoir, dans la commune d'Ergué-Gabéric, au mois de novembre 1887, volontairement porté des coups et fait des blessures à René Jean Moysan ?
Réponse : non
Circonstance aggravante. Ces coups portés et ces blessures faites volontairement, sans intention de donner la mort à René Jean Moysan, l'ont-ils pourtant occasionnée ?
réponse : non
Quimper le 1er février 1888, le Président des Assises, (signature Saulniere)
Quimper, le 1er février 1888, le chef du jury, (trois signatures)
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9 fév 1888 - Indemnités Le Scour
Me Le Scour, avoué de la veuve Moysan, en privé et es qualité, a l'honneur de conclure à ce qu'il plaise à la Cour :
Condamner la femme Alain Feunteun, aux intérêts légaux sur la somme allouée à titre de dommages-intérêts par [...]
Quimper le 9 février 1888, (signature Paul Le Scour)
note : Article à date du jour de la demande.
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9 fév 1888 - Condamnation civile
MMM Saulnier, président ; Pavec, Frayonnière, Le Bourdellès, Le Poussin. Le Bloch, interprète sermenté.
Cour d'aqqises du Finistère. Audience du 9 février 1888.
Lozach Marie femme Feunteun, présente, assisté de son mari qui l'autorise.
Me Le Scour donne lecture de ses dernières conclusions, qu'il dépose.
Me de Chamaillard donne lecture de ses conclusions qu'il dépose,
Mr Le Bail, avocat du demandeur développe ses conclusions.
Me de Chamaillard développe ses conclusions.
Me Le Bourdellès, substitut déclare se rapporter à la sagesse de la cour.
La cour en délibère. Après délibéré, attendu, etc ... condamne la femme Feunteun à payer la somme de 3000 fr, et aux dommages-intérêts, à partir du jour. Des [...] au profit de Me Le Scour, avocat.
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